«Ici ce n'est pas la Russie»
Des milliers de Géorgiens dénoncent des législatives «volées»

Plusieurs milliers de Géorgiens se sont réunis ce lundi pour dénoncer les résultats du scrutin remportés par Rêve géorgien, accusé d'être trop proche de Moscou. La présidente géorgienne Salomé Zourabichvili parle d'une élection faussée.
Publié: 29.10.2024 à 05:07 heures
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Photo: GIORGI ARJEVANIDZE
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AFP Agence France-Presse

Des dizaines de milliers de Géorgiens ont manifesté lundi à Tbilissi avec l'opposition pro-européenne. Ensemble, ils dénoncent le résultat de législatives «volées» selon eux par le parti au pouvoir qu'ils accusent d'orienter le pays vers Moscou, et dont Bruxelles et Washington ont critiqué le déroulement.

Voix européenne discordante, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, proche de Moscou, s'est quant à lui rendu le même jour en Géorgie pour y soutenir le gouvernement. Un pied de nez à l'UE, dont son pays assure la présidence tournante.

Massée dans la soirée devant le bâtiment du Parlement, dans le centre de la capitale, deux jours après un scrutin remporté par le parti au pouvoir Rêve géorgien, la foule s'est toutefois dispersée deux heures après le début du rassemblement.

Vers une dérive autoritaire?

Dirigé par le milliardaire Bidzina Ivanichvili et gouvernant la Géorgie depuis 2012, Rêve géorgien est accusé par l'opposition de s'être engagé dans une dérive autoritaire prorusse. Il leur est également reproché d'éloigner cette ancienne république soviétique du Caucase de la perspective d'une adhésion à l'Union européenne et à l'Otan.

Au son de l'hymne de l'UE, des manifestants ont brandi des drapeaux géorgiens, européens et parfois ukrainiens, ont constaté des journalistes de l'AFP. «La Géorgie vote pour l'Union européenne», pouvait-on lire sur une pancarte. «La Géorgie n'est pas la Russie», disait une autre, saisie par un photographe de l'AFP.

«Vos votes ont été volés, mais nous ne laisserons personne voler notre avenir», a lancé à la foule la présidente géorgienne Salomé Zourabichvili, en rupture avec le gouvernement, mais aux pouvoirs constitutionnels limités. Dans un entretien accordé à l'AFP, la présidente géorgienne a dénoncé des méthodes «sophistiquées» pour fausser le scrutin, selon elle similaires à celles utilisées en Russie.

«C'est très difficile d'accuser un gouvernement», «mais la méthodologie, elle est russe», a dit la cheffe de l'Etat pro-européenne. Le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, a rejeté des «accusations infondées». Le Premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidzé, a affirmé que la «principale priorité» de Tbilissi restait «l'intégration européenne».

Viktor Orban à Tbilissi

Mais un des leaders de l'opposition, Guiorgui Vachadzé, a affirmé que les partis de la coalition refuseraient de siéger dans un Parlement «illégitime». Il réclame une nouvelles élections sous une surveillance internationale.

Une manifestante de 19 ans, Irine Tchkouaseli, s'est dite «déterminée à se battre pour la vérité». «La plupart des gens ressentent la même chose, nous ne nous arrêterons pas tant que ces faux résultats n'auront pas été annulés», a-t-elle ajouté.

Le parti au pouvoir et le gouvernement géorgien ont de leur côté reçu le soutien du premier ministre hongrois Viktor Orban. Ce dernier avait salué dès samedi la «victoire écrasante» de Rêve géorgien.

«La Géorgie est un Etat conservateur, chrétien et pro-européen. A la place de sermons inutiles, elle a besoin de notre soutien dans son chemin européen», a tweeté à son arrivée M. Orban. Il doit donner une conférence de presse mardi avec son homologue géorgien.

«Rentre chez toi!», lui ont dans l'immédiat lancé des manifestants à la sortie de son hôtel, selon des vidéos mises en ligne. Les ministres des Affaires étrangères de 13 Etats membres de l'UE, dont la France, l'Allemagne et la Pologne, ont critiqué le déplacement «prématuré» du chef du gouvernement hongrois, dans un communiqué commun diffusé lundi soir. Dans la journée, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell avait souligné que Viktor Orban dans ce contexte «ne représentait pas l'Union européenne».

«Enquête impartiale»

Les ministres européens ont en outre déploré la «violation des règles internationales» dans ces élections qu'ils jugent «incompatibles avec les normes attendues» d'un pays candidat à l'adhésion à l'Union. Ils ont exigé «une enquête impartiale».

Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a déclaré dans un communiqué que les Etats-Unis «s'associaient aux appels lancés par les observateurs internationaux» en ce sens. D'après des résultats quasi définitifs, Rêve géorgien, aux affaires depuis 2012, était crédité lundi de 53,92% des voix, contre 37,78% pour la coalition d'opposition.

Surfer sur la guerre

Des résultats rejetés dès samedi par l'opposition, qui avait initialement revendiqué sa victoire sur la foi de sondages à la sortie des bureaux de vote. Salomé Zourabichvili a mis en cause l'utilisation pour la première fois en Géorgie du vote électronique: les mêmes numéros de carte d'identité ont selon elle été retrouvés pour «dix-sept votes, vingt votes, dans différentes régions». Elle a aussi évoqué des méthodes comme l'achat de votes et des pressions.

Mais selon l'analyste politique Ghia Nodia, le parti au pouvoir a aussi su manoeuvrer en «jouant efficacement sur les craintes d'une guerre» avec la Russie. Le grand voisin du nord avait déjà partiellement envahi le pays en 2008. Cet analyste s'attend à ce que le pouvoir lance désormais une «attaque de grande envergure contre les opposants, la société civile et les médias indépendants».

La Géorgie a été secouée en mai par de grandes manifestations contre une loi sur «l'influence étrangère», inspirée d'une législation russe mise en oeuvre pour écraser la société civile. Cette mobilisation n'a pas suffi à faire abandonner ce texte. Bruxelles a gelé dans la foulée le processus d'adhésion à l'UE et les États-Unis ont pris des sanctions contre des responsables géorgiens.

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