Lorsque nous votons en Suisse, le résultat fait souvent rougir les perdants le dimanche soir. Mais le lundi, la défaite est digérée et l'on retourne à notre train-train quotidien. Mais s'agissant du référendum de dimanche en Moldavie, les choses sont bien différentes. Contre toute-attente, le non réalisait un score record dans la nuit de dimanche à lundi. Ce résultat n'est toutefois pas définitif, le vote de la diaspora généralement favorable à un rapprochement avec l'UE pourrait faire basculer le scrutin.
Mais le mal d'ores et déjà fait pour la présidente Maia Sandu et plus globalement pour le camp pro-européen. Ce dernier craint désormais une mainmise croissante des Russes, qui soutiennent déjà deux régions séparatistes de ce petit pays du nord-est de l'Europe. On parle même d'une invasion. Mais ce scénario est-il réaliste?
Coincé entre la Roumanie et l'Ukraine, le pays avait déposé une demande d'adhésion à l'UE à Bruxelles au printemps 2022 et est désormais considéré comme un candidat officiel. L'enjeu du vote de dimanche est d'inscrire l'objectif d'une adhésion à l'UE dans la Constitution, afin d'éviter que les futurs gouvernements ne détournent à nouveau la Moldavie de sa trajectoire pro-européenne.
La présidente Maia Sandu avait joué le tout pour le tout en liant le référendum sur l'UE à sa réélection. Elle avait ainsi promis de se retirer si le non venait à l'emporter. La claque est donc énorme. D'autant plus que les sondages conféraient une large avance au camp pro-UE, qui était crédité d'environ 60% des voix.
Moscou achète des voix
Mais Moscou a tout fait pour empêcher la victoire du oui et, par extension, la réélection de la présidente pro-européenne, qui est tout de même arrivée en tête du premier tour de l'élection présidentielle avec 38% des voix. En vue du vote, le Kremlin s'est acharné à étendre son influence dans ce pays de 2,5 millions d'habitants. Selon le portail d'information américain foreignpolicy.com, la Russie a payé des dizaines de milliers de Moldaves pour qu'ils votent non. C'est surtout depuis les deux régions autonomes prorusses de Transnistrie et de Gagaouzie que la pression est exercée.
Moscou a également fait appel à des oligarques favorables au Kremlin. Ulrich Schmid, expert de la Russie à l'université de Saint-Gall, déclare à Blick: «Un rôle important est joué par l'oligarque Ilan Șor qui, avec la gouverneure gagaouze Evguenia Hutsul, tente ouvertement d'exercer une influence depuis Moscou sur la partie de la population moldave qui est favorable au camp prorusse.» Selon la police moldave, 15 millions de dollars ont été transférés de Russie sur des comptes bancaires liés à Ilan Șor au cours du seul mois de septembre.
Moscou va réagir
Pour Ulrich Schmid, il est clair que le Kremlin met tout en oeuvre pour s'ingérer davantage dans le pays. Il ajoute: «La Russie va travailler à maintenir le statu quo en Transistrie et utilisera le statut d'autonomie pour la Gagaouzie prorusse comme porte d'entrée pour d'autres actions de déstabilisation.»
Il est même question d'une invasion. C'est un scénario que le gouvernement de Chisinau redoute depuis longtemps, après que le Congrès des députés du peuple de Transnistrie a demandé à la Russie de protéger cette région séparatiste moldave. Le Kremlin a réagi en classant demande comme «prioritaire» et a déployé davantage de troupes en Transnistrie. Avec seulement 5000 soldats actifs et sans armée de l'air ni alliés occidentaux, ce petit pays apparait une proie facile.
Le risque d'une invasion est toutefois faible pour le moment, estime l'expert, bien que la Moldavie, en tant que territoire ayant appartenu à la fois à l'empire tsariste et à l'Union soviétique, corresponde parfaitement au schéma de proie du Kremlin. Ulrich Schmid relativise: «L'enjeu du vote est lié à une éventuelle adhésion à l'UE et non à l'OTAN.»
Foreignpolicy.com évoque également la possibilité d'une invasion. En raison des forces russes engagées en Ukraine, celle-ci n'est certes pas imminente. Mais le portail ajoute: «Cela pourrait changer à tout moment à l'avenir.»