En 2022, l'industrie automobile espérait prendre son envol après deux années difficiles. La pandémie était maîtrisée, la crise des fournisseurs de puces électroniques envolée, les envies de consommation galvanisées par deux années de restrictions... Les conditions idéales pour un boom des ventes de voitures étaient réunies.
Et voilà que la guerre contre l'Ukraine contrecarre les projections ambitieuses des capitaines d'industrie. Dorénavant, les prévisions sont encore plus mornes qu'en 2020 et 2021.
Ferdinand Dudenhöffer, le «pape de la branche automobile» et directeur du Center Automotive Research (CAR) à Duisburg (Allemagne), prévoit pour 2022 un creux historique: une baisse de 25% par rapport à l'année-record qu'a été 2017. Cela représente 16,8 millions de voitures vendues en moins (soit uniquement 67,6 millions de voitures neuves). En d'autres termes: des pertes de la taille pour le marché automobile européen! Si ces calculs s'avèrent justes, c'est du jamais-vu depuis dix ans...
Même la Chine est impactée
Aux États-Unis, les ventes ont baissé de 17%, tout comme en Allemagne (-9%), en Grande-Bretagne (-25%), en France (-20%), en Italie (-27%) et en Espagne (-12%). Même le plus important marché automobile du monde, la Chine, a connu une baisse de 4%. En Suisse, les chiffres de vente ont baissé de 29,1% par rapport à la même période de l'année précédente. Ferdinand Dudenhöffer en conclut que «2022 sera une année noire pour les ventes de voitures neuves».
Et pour cause: des pertes de production dues à l'absence de pièces en provenance des fournisseurs ukrainiens. La pénurie de conteneurs, parallèlement à un embouteillage de ces derniers dans les ports chinois, bouclés à cause du Covid. Des chaînes d'approvisionnement perturbées en raison de restrictions dans le secteur de l'aviation. Ajoutez à cela la hausse des prix des matières premières et de l'énergie pour la production et vous avez un cocktail explosif.
la conséquence en est une augmentation des prix des voitures neuves. De plus, comme le coût de la vie augmente de manière générale, surtout en raison des prix de l'énergie, l'envie d'acheter diminue.
L'Amérique latine (un peu) épargnée
Sur les marchés asiatiques, la baisse ne devrait cependant être que de 2,4%. Ce qui souligne aussi l'importance croissante du continent dans l'économie mondiale, 45% des voitures fabriquées de par le globe y étant vendues.
En Amérique du Nord, Ferdinand Dudenhöffer craint en revanche une baisse de 9%. Et en Europe, d'un peu plus de 10%. Il s'attend à ce que la baisse soit la plus faible en Amérique latine: dans cette région, les modèles proposés sont souvent dotés d'une électronique simple, qui ne souffre pas du manque de puces, par exemple. Sans surprise, c'est le marché automobile russe qui s'effondrera le plus, avec au moins 34% de moins, selon ce modèle de calcul.
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Même si l'on ne produit pas faute de pièces, les usines continuent quant à elles de tourner, et leurs coûts avec. Ces derniers sont par conséquent répercutés sur les prix des quelques véhicules neufs encore vendus. «La rareté de l'offre permet ces sauts de prix», explique Ferdinand Dudenhöffer. Des rabais pour les clients? C'est du passé.
Et les conséquences de l'augmentation du coût de la vie et de la guerre en Ukraine se feront encore nettement sentir dans les années à venir: il y a fort à parier que des fonds pour l'augmentation des dépenses d'armement seront à l'avenir piochés dans le circuit économique, freinant ainsi le produit national brut et entraînant une augmentation de la charge fiscale.
Des conséquences à long terme
Selon Ferdinand Dudenhöffer, même si la guerre en Ukraine s'arrête d'un coup, la demande, de la part des clients, fera défaut dès 2023. D'ici 2025, le marché automobile mondial ne se rétablira qu'à environ 75,4 millions de voitures vendues par an, soit environ neuf millions de moins qu'en 2017, l'année du boom.
Mais la crise actuelle ne plongera pas nécessairement les entreprises dans la misère: «Pour les constructeurs automobiles, le nouvel effondrement du marché automobile ne doit pas nécessairement être une mauvaise nouvelle en termes de bénéfices», a déclaré Ferdinand Dudenhöffer. Même en 2021, année Covid, certaines marques ont enregistré des bénéfices records. Et les résultats du premier trimestre 2021 ont montré, selon Ferdinand Dudenhöffer, que «l'on peut faire de bons bénéfices avec des chaînes temporairement à l'arrêt». Comment cela se fait-il? Un mystère comptable qui s'explique peut-être par les taux de marges.
(Adaptation par Jocelyn Daloz)