Scène hallucinante, à Bali. Après une pluie de critiques, Sergueï Lavrov a pris la fuite. Pourtant, ce devait être la première grande apparition internationale d’un homme politique russe de premier plan depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, le 24 février dernier. Avec tout ce que cela implique.
Le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov voulait prouver que la Russie était ferme lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G20. Et surtout préparer le terrain pour son chef, le président Vladimir Poutine, lorsque le sommet de Bali des chefs d’État et de gouvernement du G20 aura lieu en novembre. Mais rien ne s’est passé comme prévu.
Le coup d’éclat a eu lieu lorsque les homologues occidentaux de Sergueï Lavrov ont refusé de prendre une photo de groupe avec le Russe. Le ministre américain des Affaires étrangères Antony Blinken a mené le boycott, selon l’agence de presse japonaise «Kyodo», présente sur place.
Rapidement, d’autres se sont joints à Antony Blinken. Parmi ces personnalités, la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock. Celle-ci a déclaré qu’en raison de l’agression russe en Ukraine, «il n’y aura pas de photo officielle lors de cette réunion du G20». Et de préciser qu’elle ne peut pas «se tenir en souriant aux côtés de quelqu’un comme ça».
Mais les tensions avaient déjà commencé avant cet épisode. Le ministre américain des Affaires étrangères et d’autres collègues occidentaux avaient décidé de faire l’impasse sur une réception au motif que Sergueï Lavrov y serait présent. Une décision qu’avait parfaitement compris l’hôte, la ministre indonésienne des Affaires étrangères Retno Marsudi. Aïe.
Répétition générale ratée pour Poutine
Globalement, durant le rassemblement, des critiques ont été émises de toutes parts à l’encontre de la Russie. Dès son arrivée à l’hôtel de luxe Mulia dans la station balnéaire de Nusa Dua, le correspondant de la chaîne publique allemande ZDF Andreas Kynast a lancé au ministre russe des Affaires étrangères: «Quand allez-vous arrêter la guerre?» Un autre journaliste a enchaîné: «Pourquoi ne mettez-vous pas fin à la guerre?»
A l’intérieur, dans l’hémicycle, des discussions du même acabit ont continué. Retno Marsudi s’est notamment exprimée à propos de la crise en Ukraine: «Il est de notre responsabilité de mettre fin à la guerre plutôt tôt que tard et de régler nos différends à la table des négociations et non sur le champ de bataille.»
Le «refus de dialogue» russe
De son côté, la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock a critiqué le fait que Moscou ne montre «pas un millimètre de disposition au dialogue». Son homologue américain a, quant à lui, directement interpellé Sergueï Lavrov sur la menace d’une crise alimentaire mondiale, comme le rapporte «The Guardian»: «L’Ukraine n’est pas votre pays. Ses céréales ne sont pas vos céréales. Pourquoi bloquez-vous les ports? Vous devriez laisser sortir le blé.» L’homme fort de la diplomatie russe a botté en touche en rétorquant que son pays ne pouvait pas du tout exporter de céréales à cause des sanctions occidentales.
Sergueï Lavrov a terminé son bref discours avant de quitter la salle, manifestement agité. Devant les journalistes, il a encore accusé l’Occident d’empêcher la transition vers une solution pacifique en Ukraine. Si l’UE et les Etats-Unis souhaitent une victoire de l’Ukraine sur le champ de bataille, «nous n’avons probablement rien à discuter avec l’Occident». Et ce, alors que le même jour, à Moscou, Vladimir Poutine reprochait à l’Occident de vouloir se battre «jusqu’au dernier Ukrainien».
Sans surprise, l’Ukraine a également tenu des propos acerbes sur la présence de Sergueï Lavrov à Bali. Kiev était même furieuse qu’il soit invité. En témoignent les mots du conseiller présidentiel Mykhaïlo Podoliak, qui a accusé les Russes de «propagande primaire».
(Adaptation Antoine Hürlimann)