Le président de gauche colombien Gustavo Petro doit faire face à une grogne populaire en hausse. Des manifestations réunissant des centaines de milliers de personnes ont eu lieu dans les grandes villes du pays dimanche.
À l'appel des organisations médicales, de l'opposition, des forces politiques centristes et d'anciens alliés qui rejettent plusieurs réformes dont son projet de nationalisation des services de santé, ces manifestants ont protesté contre la violence qui se poursuit malgré les négociations de paix avec les groupes armés.
Mobilisation sans précédent
«J'ai voté pour le changement, pour Petro, mais nous sommes toujours dans la même situation. Je manifeste parce que je pense que la Colombie a encore de l'espoir et que j'aime mon pays», a déclaré à l'AFP Martha Estrada, une retraitée de 64 ans, coiffée d'un chapeau tricolore, à Bogota.
Bien que le président ne se soit pas exprimé directement, il a posté sur le réseau X la vidéo d'une vieille satire télévisée, dans laquelle la «classe dirigeante» proteste.
Ce n'est pas la première manifestation contre le gouvernement de Petro, mais c'est la première d'une telle ampleur à travers le pays. Dans la capitale, malgré la pluie, des dizaines de milliers de manifestants se sont dirigés vers la place de Bolivar, voisine du siège de la présidence, a constaté l'AFP.
«Dehors Petro!»
À Cali (sud-ouest), Medellín (nord-ouest), Barranquilla (nord), Bucaramanga (nord-est) et dans d'autres villes, les manifestants ont rejoint le mouvement avec des drapeaux colombiens, des T-shirts blancs et un cri unanime: «Dehors Petro!».
L'un de ses projets de réforme, la santé, a divisé le pays, car Gustavo Petro a commencé à mettre en œuvre plusieurs axes sur le plan administratif malgré les difficultés rencontrées pour obtenir le soutien du Congrès.
Le président souhaite réduire la participation du secteur privé dans la prestation des services de santé et, ces derniers jours, il est intervenu dans plusieurs entités qui servent d'intermédiaires entre l'État et les hôpitaux, afin de contrôler leurs budgets.
Système de santé en faillite
Les experts s'accordent à dire que le système de santé est en faillite et doit être réformé, mais certains s'interrogent sur la manière dont le gouvernement entend le faire. Sous le nom de «marche des blouses blanches», les médecins ont exprimé leur «désaccord avec la gestion actuelle du système de santé par le gouvernement».
Selon Invamer, 56% des personnes interrogées en avril ont rejeté le fait que le gouvernement «intervienne dans certaines EPS (entités de promotion de la santé) de Colombie pour administrer directement le système».
«Paix totale» pas encore atteinte
Dans différentes villes, les manifestants portaient des banderoles évoquant l'insécurité et la violence des rebelles et des trafiquants de drogue dans les campagnes.
L'ambitieuse politique de «paix totale» du gouvernement, qui vise à désactiver six décennies de conflit armé, subit des revers. Leurs détracteurs rejettent les concessions obtenues par les groupes armés dans le cadre des négociations de paix, malgré de fréquentes violations de l'accord et peu de signes de volonté de déposer les armes.
Premier homme de gauche au pouvoir
Les négociations avec les rebelles de l'Armée de libération nationale (ELN) et les dissidents des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) ont connu plusieurs crises dues à des assassinats, des enlèvements et des attaques contre les forces de sécurité. 70% des Colombiens estiment que la situation du pays «s'aggrave», selon Invamer.
Gustavo Petro est arrivé au pouvoir en août 2020, devenant le premier homme de gauche à gouverner un pays traditionnellement dirigé par des élites conservatrices. Avec un taux de désapprobation de 60%, selon l'institut de sondage Invamer, le président a perdu le soutien des forces politiques au Congrès et dans la rue.
(ATS)