L’arrêt du travail à 62 ans, c’est (presque) fini! La retraite à 64 ans minimum devrait bientôt la remplacer en France. Voté par une majorité de Sénateurs ce samedi, le projet de loi sur la réforme des retraites du gouvernement est désormais en bonne voie pour être adopté sans recourir à la procédure d’urgence de l’article 49.3 de la constitution.
Un succès pour Emmanuel Macron qui en a fait le marqueur du début de son second mandat présidentiel? Oui, sur le papier. Mais dans les faits, ce n’est pas si sûr. Explications.
62 ans, c’est vraiment fini?
On peut dire que oui à ce stade. À partir de l’été 2023, lorsque le projet de loi sur la réforme des retraites entrera sans doute en vigueur en France, l’âge légal de départ sera reporté à 64 ans, pour tous ceux totalisant 43 ans de cotisations. Les autres, s’ils veulent une retraite pleine (sans décote liée à un départ anticipé), devront attendre 67 ans. Cette mesure des 64 ans sera généralisée pour tous à partir de 2030.
D’ici là, et dès l’entrée en vigueur de la réforme, les salariés nés à partir du 1er septembre 1964 verront leur âge de départ à la retraite rallongé progressivement (63 ans et trois mois pour ceux nés en 1965; 63 ans et six mois pour ceux nés en 1966, etc..)
Pour que le texte devienne une loi effective et soit appliqué, son adoption par le parlement doit maintenant être finalisée. En France, c’est l’Assemblée nationale qui a le dernier mot. Or celle-ci, rappelons-le, n’avait voté que deux articles sur vingt en première lecture, en raison de l’avalanche d’amendements déposés par la gauche opposée au texte.
La procédure va maintenant être la suivante, après son adoption par 195 Sénateurs contre 112, au terme d’une procédure de vote bloqué. Une commission mixte parlementaire (CMP), composée de sept Sénateurs et sept Députés (représentant les forces politiques en présence dans chaque chambre) va se réunir à partir de ce mercredi 14 mars, sur la base du texte voté et amendé par le Sénat. Si cette CMP parvient à un accord, le texte passera alors pour vote formel à l’Assemblée, où la soixantaine de députés «Les Républicains» voteront aux côtés de la majorité présidentielle. Pas de surprise. Le texte aura alors été voté en bonne et due forme et le gouvernement pourra crier victoire.
En cas contraire, un débat en seconde lecture aura lieu à l’Assemblée, à l’issue duquel l’exécutif pourra solliciter un vote de confiance qui mettra fin au débat. Le texte serait adopté, mais le recours au fameux article 49.3 ternira la légitimité démocratique de cette réforme. Il lui faudra en effet, ensuite, légiférer par ordonnances.
64 ans, est-ce constitutionnel?
La question peut faire sourire. En soi, l’âge de la retraite n’a rien à voir avec la constitution française. Il peut donc être reporté par la loi. Sauf que dans ce cas de figure, le gouvernement a choisi d’intégrer sa réforme à un projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale, qui permet de limiter les débats parlementaires à 50 jours maximum. Au pire, tout devra donc être bouclé le 26 mars à minuit à l’Assemblée nationale.
Le problème est que cet artifice législatif peut apparaître contestable. Même si la justification de la réforme des retraites est en partie financière (pour remédier à un déficit structurel programmé), il ne s’agit pas à proprement parler d’un texte budgétaire. Les oppositions vont, dès l’adoption du projet de loi, saisir le Conseil constitutionnel. Les «sages» de la République pourraient alors décider d’intervenir sur tel ou tel point. En février, une note de la plus haute juridiction administrative française, le Conseil d’État, a révélé plusieurs risques d’inconstitutionnalité. Tant qu’ils ne seront pas prononcés, le report à 64 ans devra être conjugué au conditionnel.
64 ans, jusqu’à quand?
C’est la triste ironie de ce mélodrame politique et social français. Samedi 11 mars, des centaines de milliers d’opposants à la réforme sont de nouveau descendus pour protester dans les rues, à l’appel des syndicats. Une nouvelle journée d’action et de mobilisation est prévue le 15 mars. Pour l’heure, le gouvernement a, on l’a vu, les moyens de ne pas céder et d’aller de l’avant. La confrontation est garantie. Les syndicats sont le dos au mur.
Le problème est qu’une rapide comparaison avec les voisins européens de la France, dont la Suisse, montre que cette réforme décriée, rejetée selon les sondages par environ deux tiers des Français, est sans doute… insuffisante!
Pour l’heure, le déficit anticipé du système de retraite français par répartition (les actifs paient pour les retraités) serait d’approximativement 13 milliards d’euros en 2030 si rien n’est fait. L’actuelle réforme prévoir, elle, de dégager un excédent de 4,5 milliards d’euros à cette date. Soit. Mais la situation économique est plus qu’incertaine, compte tenu de la guerre en Ukraine. L’Allemagne a généralisé le départ à 67 ans. L’Italie est à 68 ans. L’Espagne et le Portugal sont à 67 ans. La Suisse est à 65 ans. Alors? Le risque est grand que cette réforme en exige une autre, comme cela a déjà été le cas.
Depuis le retour à 60 ans décidé en 1982 par le président socialiste François Mitterrand, le système français de retraite a été plusieurs fois réformé: en 1993, en 1995 (ce qui avait suscité la paralysie du pays), en 2010 puis en 2013.
Soixante-quatre ans, jusqu’à quand? Le texte de cette réforme n’est pas encore voté.
Mais la question se pose déjà…