S&P vient de dégrader sa note
Les cinq raisons de s'inquiéter sur les finances publiques de la France

L'agence de notation S&P a franchi le pas, contrairement à ses concurrentes Fitch et Moody's. Pour la principale agence de notation financière, la France est sur une pente financière inquiétante. D'où la dégradation de sa note…
Publié: 02.06.2024 à 20:00 heures
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Dernière mise à jour: 12.06.2024 à 11:11 heures
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Bruno Le Maire est le ministre des Finances français depuis 2017. Cette dégradation par S&P est un coup porté à sa politique.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

La France est désormais plus mal notée par Standard & Poors (S&P) que par les autres agences de notation financière. Ce vendredi 30 mai, S&P a abaissé la note française de «AA» à «AA -», en motivant sa décision par l’improbable retour du déficit public sous 3% en 2027. A la veille des Jeux Olympiques d’été 2024, et à quelques jours des élections européennes du 9 juin, la France se retrouve-t-elle financièrement le dos au mur?

La réponse est oui, même si sa capacité à rembourser sa dette publique de plus de 3100 milliards d’euros (environ 112% du Produit intérieur brut) n’est pas remise en question. Voici les cinq raisons pour lesquelles cette note abaissée est inquiétante.

La France est dans le viseur des marchés

C’est une réalité. La baisse de la note de S&P démontre moins une inquiétude fondamentale sur la capacité du pays à rembourser sa dette que la fébrilité des marchés financiers à son encontre. Or la dette française est détenue pour moitié par des investisseurs internationaux, que l’agence publique France Trésor, qui dépend du ministère des Finances, démarche à chaque nouvelle émission d’emprunts. Le gouvernement répond, serein, que l’épargne des Français est colossale: prés de 6000 milliards d’euros, hors immobilier, soit le double de l’actuelle dette publique.

Mais cela veut dire quoi? Qu’il faudrait mettre sur pied un nouvel emprunt national comme le firent jadis plusieurs gouvernements? Si oui, le résultat sera le même: l’endettement augmentera encore. Et les prêteurs seront de plus en plus fébriles.

La France est politiquement dépensière

Politiquement: pourquoi utiliser ce mot? Parce que la dette publique, comme le déficit, est d’abord le résultat de décisions gouvernementales ou présidentielles, dans un pays où tout remonte à l’Élysée. Or Emmanuel Macron n’a pas de contraintes électorales sur ses épaules. Il ne pourra pas se représenter en 2027.

Dès lors, deux lectures sont possibles. La première, optimiste du point de vue financier, consiste à dire qu’il pourra rogner sur les dépenses de l’État, puisqu’il n’en paiera pas le prix. La seconde consiste à s’inquiéter, car l’actuel président a démontré qu’il signe facilement des chèques. La dette publique s’élevait à 2300 milliards d’euros en 2017, lors de son élection. Elle dépasse aujourd’hui les 3000 milliards. A noter: le projet de loi de finances pour 2025 aura sans doute besoin de 20 à 25 milliards d’économies pour être bouclé. Or les oppositions sont vent debout.

La France veut faire emprunter l’Europe

L’un des grands projets d’Emmanuel Macron, justifié au regard des nécessités stratégiques, est de convaincre les 26 autres pays membres de l’Union européenne (UE) de lancer un nouvel emprunt communautaire, pour financer en particulier l’industrie de défense. Son modèle est l’emprunt mutualisé qui a permis le plan de relance «Next Génération EU» d’environ 750 milliards d’euros en juillet 2020. On voit donc bien que le gouvernement français ne raisonne pas aujourd’hui en termes d’économies, mais de dépenses indispensables. La dégradation de la note décidée par S&P est donc, en filigrane, aussi un message adressé aux pays «frugaux» de l’Union européenne. Sur le thème: attention, votre partenaire français est très dépensier.

La France manque de ressources industrielles

Emmanuel Macron a fait de l’attractivité économique et industrielle la priorité de ses deux mandats. On l’a encore vu lors du sommet annuel «Choose France» qui s’est tenu le 13 mai au château de Versailles. 56 projets d’investissements étrangers dans les territoires ont été annoncés pour un montant 15 milliards d’euros en présence de plus de 180 dirigeants d’entreprises.

Bingo! Sauf que le pays décroche dans des domaines aussi cruciaux que l’innovation. Considérée comme la 7e puissance mondiale pour son PIB, la France est à la 13e place en ce qui concerne la part allouée aux dépenses intérieures brutes en recherche et innovation. Au sein de l’Union européenne, elle est devancée par les pays scandinaves, Suède en tête, et par son voisin allemand (3,1%).

Autre problème structurel: l’industrie manufacturière ne représente plus que 12% du PIB français contre 16% en moyenne dans l’Union européenne, 19% en Suisse, ou 22% en Allemagne. Le projet est de remonter à 15%. Mais pour y parvenir, il faut investir. Donc dépenser.

La France rembourse, mais elle croule sous l’impôt

43,2% du produit intérieur brut: c’est la part, en France, des prélèvements obligatoires. Un record absolu en Europe qui étrangle la productivité du pays, et aussi la motivation de sa population active même si seulement 44,7% des contribuables paient l’impôt sur le revenu. C’est le cercle vicieux: s’endetter oblige à rembourser, et rembourser oblige à taxer davantage. Même l’ancien ministre socialiste des Finances Pierre Moscovici, aujourd’hui président de la Cour des comptes, parle d’un «Ras-le-bol fiscal» des Français. «Le consentement à l’impôt est fragile», ajoute-t-il. Alors, s’endetter toujours plus, c’est vraiment tenable?

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