Le président Emmanuel Macron est arrivé tôt jeudi matin en Nouvelle-Calédonie pour une visite éclair visant à rétablir le dialogue et accélérer le retour à l'ordre sur l'archipel français du Pacifique sud, a constaté un journaliste de l'AFP.
Emmanuel Macron a atterri autour de 23H20 heure suisse mercredi (08H20 jeudi en heures locales) à l'aéroport de Nouméa. Il doit notamment s'entretenir durant au moins deux heures avec les élus et acteurs économiques de l'archipel au haut-commissariat à partir de mercredi 10H00 heures locales.
Un retour «le plus vite possible» à «la sécurité» et au «dialogue»
Le président a appelé à un retour «le plus vite possible» à «la sécurité» et au «dialogue» dans l'archipel meurtri après plus d'une semaine d'émeutes, promettant des «décisions» et des «annonces» à «l'issue de cette journée». «Ma volonté (..) est d'être aux côtés de la population pour que le plus vite possible, ce soit le retour à la paix, au calme, à la sécurité. C'est la priorité des priorités», a déclaré le chef de l'Etat dès sa descente de l'avion à l'aéroport de Nouméa.
Alors que depuis le début des émeutes, six personnes ont été tuées, dont deux gendarmes mobiles, il a observé une minute de silence en préambule d'une réunion de plus de trois heures et demie avec des élus et acteurs économiques, poursuivie par un déjeuner informel.
Il s'est ensuite rendu dans un commissariat du centre de la capitale saluer le «sang froid» et «professionnalisme» des policiers et gendarmes déployés sur le terrain. L'archipel est secoué par un «mouvement d'insurrection absolument inédit», a relevé Emmanuel Macron. µPersonne ne l'avait vu venir avec ce niveau d'organisation et de violence.»
Le président a souligné que «beaucoup de populations souffrent aujourd'hui», évoquant les difficultés d'accès aux soins, mais aussi «l'approvisionnement» alors que des quartiers entiers restent difficilement accessibles. Il a assuré que les quelque 3000 membres des forces de sécurité déployés «resteront aussi longtemps que nécessaire, même durant les Jeux olympiques et paralympiques» de Paris qui prennent fin début septembre. Quant à l'état d'urgence en vigueur depuis une semaine, il «pense» qu'il «ne devrait pas être prolongé» au-delà des 12 jours légaux, à condition que «tous les dirigeants» de l'archipel «appellent à lever les barrages».
Pour un «apaisement constructif» et une «solution» politique
Accompagné des trois hauts fonctionnaires qui auront pour mission de renouer le dialogue avec les indépendantistes et non indépendantistes, Emmanuel Macron a appelé à un «apaisement constructif» et à la recherche d'une «solution» politique. Mais sans revenir sur le résultat des trois référendums qui ont acté le maintien du territoire ultramarin dans la République, car «l'apaisement ne peut pas être le retour en arrière», a-t-il plaidé. Il n'a toutefois pas dit clairement comment il entendait déminer ce qui fut le détonateur des émeutes, à savoir le vote à l'Assemblée nationale du dégel du corps électoral de l'archipel.
Une réforme constitutionnelle décriée par les indépendantistes et qui doit encore être votée par les députés et sénateurs réunis en Congrès avant la fin juin, sauf si un accord sur un texte global entre indépendantistes et loyalistes intervient d'ici là.
Une gageure alors que le dialogue est au point mort, incitant une grande partie de la classe politique, jusqu'au sein du camp macroniste, à demander un report du Congrès. «Je ne vois pas le président de la République pouvoir (le) convoquer (...) sans le préalable d'un accord général», a relevé sur RTL le président du Sénat Gérard Larcher.
Intégrer le monde et les maires à la discussion
Pour arriver à une reprise du dialogue, «il faut élargir le spectre des gens qui discutent. Il faut y intégrer le monde économique (...) et les maires qui ont toujours été mis à l'écart de ces discussions», a relevé de son côté Georges Naturel, sénateur de la Nouvelle-Calédonie, à l'issue de sa rencontre avec le chef de l'Etat.
En attendant, Emmanuel Macron, qui tente avec ce déplacement surprise un vrai coup de poker, dit venir avec «beaucoup de respect, d'humilité». Son dernier déplacement dans l'archipel, en juillet 2023, avait été boycotté par des indépendantistes kanak.
Jeudi, les indépendantistes Roch Wamytan, président du Congrès de Nouvelle-Calédonie, et Louis Mapou, président du gouvernement calédonien, étaient présents à la première réunion autour du chef de l'Etat. Un second rendez-vous, plus axé sur les questions politiques et institutionnelles, doit encore se tenir dans la journée.
«La nuit a été calme»
Sur le terrain, «la nuit a été calme», a indiqué le Haut-commissaire Louis Le Franc à l'AFP. «Il n'y a pas eu de dégâts supplémentaires mais il y a tellement de choses qui sont détruites», a-t-il encore fait valoir. 281 personnes ont été placées en garde à vue depuis le 12 mai, à une écrasante majorité pour des atteintes aux biens, selon une source judiciaire.
Sur la route qui relie Dumbéa, au nord de la capitale, de nombreux barrages filtrants et des carcasses de voitures incendiées continuent de hacher la circulation, a constaté un journaliste de l'AFP. Dans le Grand Nouméa, ces barrages se sont même renforcés dans la nuit. Les indépendantistes y ont hissé leurs drapeaux et tendu des banderoles: «Non au dégel», «Darmanin assassin».
Un retour à la vie normale s'est toutefois amorcé dans le centre de Nouméa, quadrillé par une forte présence policière, mais où de nombreux magasins ont rouvert leurs portes. Dans un communiqué, le gouvernement a toutefois rappelé à l'ordre «certains commerçants (qui) profitent des circonstances pour augmenter de manière exagérée les prix de leurs produits dont certains sont réglementés, rendant cette pratique totalement illégale».
Cyberattaque «d'une force inédite»
Et pour ajouter à l'instabilité, l'archipel a aussi été visé par une cyberattaque «d'une force inédite» visant à «saturer le réseau calédonien», mais qui a été stoppée, a annoncé Christopher Gygès, membre du gouvernement collégial calédonien.
Depuis le début des violences, six personnes ont été tuées, dont deux gendarmes mobiles. Quelque 86 policiers et gendarmes ont été blessés, selon la ministre des Collectivités territoriales Dominique Faure qui a évoqué mercredi devant les députés le nombre de «320 interpellations» au total depuis le début de la crise. «Plusieurs dizaines de leaders violents ont été maîtrisés grâce aux assignations à résidence», a-t-elle précisé. Les forces de l'ordre ont procédé à près de 300 interpellations, dont 269 menant à des gardes à vue, 35 à des déferrements et 17 à des mandats de dépôt, a également détaillé mercredi le procureur de Nouméa, Yves Dupas.