Nouveau procès dans l'affaire des écoutes
Nicolas Sarkozy, l'ancien président qui n'a peut être pas enfreint la loi

Le revoici devant la justice. Ce lundi 5 décembre, le procès en appel de Nicolas Sarkozy dans l'affaire des «écoutes» s'est ouvert à Paris. L'ancien président avait été condamné à trois ans de prison, dont un ferme, en première instance. Et il se dit toujours innocent.
Publié: 05.12.2022 à 16:31 heures
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Dernière mise à jour: 05.12.2022 à 19:52 heures
L'homme autour duquel tourne toute l'affaire des «écoutes» est l'ancien magistrat Gilbert Azibert. C'est par son intermédiaire, selon l'accusation, que l'ancien président aurait cherché à récupérer des informations sur un autre dossier: celui de la milliardaire défunte Liliane Bettencourt
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Bienvenue en France, où un ancien Président de la République utilisait, pour éviter d’être écouté par les policiers, un téléphone portable sous une fausse identité. Tel est le fond de l’histoire qui vaut à Nicolas Sarkozy, 67 ans, de se retrouver de nouveau devant les juges pour le procès en appel de l’affaire dite des «écoutes», à partir de ce lundi 5 décembre au Palais de justice de Paris. Tout, ou presque, repose en effet dans ce dossier sur cette question simple: un ex-chef de l’État, informé que ses communications personnelles sont filtrées, peut-il utiliser une ligne de rechange fournie par son co-accusé et ami, l’avocat Thierry Herzog, sans avoir pour objectif de contourner la loi et la surveillance dont il fait l’objet?

Sarkozy se dit victime d’une «injustice profonde et choquante»

L’affaire, c’est important, a déjà été jugée en première instance. Et lors de ce premier procès, les trois co-accusés – Nicolas Sarkozy alias Paul Bismuth pour son second portable, l’avocat Thierry Herzog et le magistrat Gilbert Azibert qui était en contact avec eux – ont été lourdement condamnés. Trois ans de prison, dont un ferme, pour «corruption» et «trafic d’influence» pour l’ancien chef de l’État, qui dirigea le pays de 2007 à 2012! Celui-ci, à peine sorti du tribunal, s’était aussitôt dit, devant les caméras, victime d’une «injustice profonde et choquante». Pas question d’accepter ce jugement basé sur une interprétation redoutable des faits.

Pour les juges, Nicolas Sarkozy a bel et bien tenté, en 2014, de soutirer des informations confidentielles du magistrat haut placé Gilbert Azibert en échange d’une recommandation pour un poste expatrié à la Principauté de Monaco. Sarko le coupable, selon les juges, cherchait ni plus, ni moins, par ce biais, à protéger ses arrières judiciaires en essayant de se renseigner sur les investigations alors menées à propos de la milliardaire défunte Liliane Bettencourt.

Donner une chance à la thèse de la défense

Difficile, pourtant, de ne pas donner sa chance à la thèse de la défense, avec le recul. Selon celle-ci, Nicolas Sarkozy ne faisait, au téléphone, que rassurer son ami avocat Thierry Herzog, et distiller des promesses au juge Azibert sans avoir l’intention de les tenir. On se pince? Oui. Sauf que la justice a en théorie besoin de preuves pour condamner. Or celles-ci manquent ici. Pas de flagrant délit téléphonique, sauf des formules qui peuvent laisser croire à la volonté de l’ancien président d’interférer dans une nomination à Monaco. Pas d’embauche à la clef dans la principauté pour le magistrat demandeur de soutien. Bref, pas de «smoking gun», ce faisceau de preuves indiscutables.

Les mots employés par les juges, en première instance, étaient pourtant impitoyables. Condamner Nicolas Sarkozy était indispensable vus les «effets dévastateurs de cette affaire qui vient cogner les valeurs de la République». L’affaire Sarkozy-Bismuth était, ni plus ni moins, l’illustration du «haut spectre de la corruption». Le coup fut rude. Avec, dans le rôle de l’accusateur qui obtient gain de cause: le Parquet national financier qui fut aussi à l’œuvre, pour mener la charge contre la banque suisse UBS, condamnée en première instance en février 2019 à 3,7 milliards d’euros d’amende (ramenée en appel, en décembre 2021, à la confiscation du milliard d’euros versé en caution par l’établissement).

Amalgame entre faits, incantations d’innocence et soupçons

Sarkozy, les juges et la justice: en France, bien malin celui qui peut y voir clair dans l’amalgame entre les faits établis, les incantations de l’ancien président qui se dit innocent, et l’accumulation de soupçons dans les quatre affaires pour lesquelles il a été mis en examen. Jugez plutôt: affaire Bygmalion sur le dépassement des dépenses électorales de sa campagne de 2012, qui lui a valu une condamnation à un an de prison ferme en octobre 2021; affaire du financement libyen de sa campagne de 2007 pour laquelle l’enquête est toujours en cours; et affaire de l’éventuelle corruption dans l’attribution de la Coupe du monde au Qatar. Trois dossiers qui continuent, en 2022, de plomber l’atmosphère politique du pays et de peser comme une épée de Damoclès sur la droite, dont une partie des militants lui restent fidèles.

Sarkozy-Bismuth, relaxé dans l’affaire des écoutes? Si la Cour d’appel, qui tient audience jusqu’au 16 décembre, en décide ainsi, tout un pan des actions judiciaires menées contre l’ancien président de la République se trouvera ébranlé. D'ores et déjà, malgré son fardeau judiciaire, l'ancien président continue de sillonner le monde, comme lors qu'il a représenté la France aux funérailles de l'ancien Premier ministre japonais Shinzo Abe, fin septembre. Pas de bracelet électronique. Pas de peine exécutée en attendant les jugements en appel. Et, s'il devait être innocenté, l'assurance d'une nouvelle contre-offensive politico-judiciaire de Sarko...

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