Un chef pour ressusciter la droite traditionnelle
Les Républicains, un parti cimetière, entouré de fossoyeurs

Quelque 90'000 adhérents des «Républicains» doivent voter samedi 3 et dimanche 4 décembre pour le premier tour de l’élection de leur nouveau président. La droite française traditionnelle se cherche désespérément un chef.
Publié: 02.12.2022 à 20:30 heures
Le jeune député du Lot Aurélien Pradié est, à 36 ans, l'outsider de l'élection à la présidence du parti Les Républicains. Samedi et dimanche, il sera opposé au député Éric Ciotti et au sénateur Bruno Retailleau.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Au secours de Gaulle! Au secours Sarkozy! Au secours tous ceux qui, jusqu’aux élections présidentielles catastrophiques de 2017 et de 2022, ont porté les espoirs de la droite traditionnelle française et du camp conservateur!

Impossible, à la veille du premier tour de l’élection du nouveau président du parti Les Républicains, ce week-end, de ne pas désespérer pour son avenir, tant cette formation et ses 59 députés apparaissent pris en étau entre Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Eric Zemmour.

Sur les trois candidats pour prendre les rênes du parti – les députés Éric Ciotti et Aurélien Pradié, et le sénateur Bruno Retailleau – aucun n’a la carrure d’un candidat crédible pour l’Élysée en 2027. Dernier président de droite élu au suffrage universel en mai 2007, Nicolas Sarkozy peut se réjouir. Il n’a, pour l’heure, toujours pas de successeur. Plus grave: le courant gaulliste, dont Jacques Chirac fut l’héritier, semble s’être irrémédiablement dissous dans les sables de l’histoire hexagonale.

Sarkozy va retrouver les juges

Oui, au secours de Gaulle et au secours Sarkozy! C’est en effet entre ces deux-là que depuis l’avènement de la Ve République en 1958, la droite s’est forgée un destin. Charles de Gaulle, mort en novembre 1970, incarnait à la fois la rébellion de la France libre, le conservatisme des valeurs, et le bonapartisme qui fait rimer le pays avec un conquérant.

À sa suite, Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing creusèrent le sillon d’une droite modernisée, compatible avec le capitalisme. Puis vint Jacques Chirac, l’homme de la synthèse impossible: tantôt ultralibéral, tantôt accommodant avec les partenaires sociaux.

La droite française moderne, arc-boutée sur les questions de sécurité et de lutte contre l’immigration, trouva enfin son héros à partir de la fin du second mandat chiraquien, avec Nicolas Sarkozy. Un «héros» toujours populaire, mais aujourd’hui plombé par ses déboires judiciaires.

Ironie du calendrier: l’ancien Chef de l’État français retrouvera les juges ce lundi 5 décembre, juste après le premier tour de scrutin au sein des adhérents des Républicains. Celui-ci se défendra dans les prochains jours devant la cour d’appel après avoir été condamné en première instance à une peine de trois ans de prison, dont un an ferme.

Et maintenant? Comment sortir du précipice causé en 2017 par les affaires du candidat François Fillon (20,01% des voix au premier tour de la présidentielle, condamné en mai 2022 en appel à quatre ans de prison, dont un ferme, et dix ans d’inéligibilité) et Valérie Pécresse (arrivée cinquième à la présidentielle avec 4,78% des voix)?

Comment éviter, surtout, d’être condamné à l’éclatement entre le marteau national-populiste de Marine Le Pen et d’Eric Zemmour, et l’enclume réformiste libérale d’Emmanuel Macron? La réponse est simple: impossible sans leader, sans courage et sans programme. Or, vu de l’étranger, aucun des trois candidats ne semble en mesure d’incarner un possible renouveau.

L’économie et l’entreprise sont négligées

La vérité est que la droite française a, depuis dix ans, négligé ce qui devrait être sa préoccupation première: l’économie et l’entreprise. Ni l’une, ni l’autre, n’ont fait l’objet d’une véritable réflexion au sein des «Républicains», parti paralysé par la question empoisonnée de l’immigration.

François Fillon, avant d’être rattrapé par la justice, s’était fait avec succès l’avocat des classes moyennes et des patrons. Valérie Pécresse a tenté en vain, lors du dernier scrutin présidentiel, de ramener la question de l’endettement catastrophique de la France (113% du PIB fin 2021, contre 70% en Allemagne et 42% en Suisse).

Mais ni l’un, ni l’autre, n’ont durablement tenu leurs positions. Le patronat français, de facto, est aujourd’hui le terrain de chasse préféré d’Emmanuel Macron. Bruno Le Maire, son ministre des Finances issu de la droite – il fut candidat à la primaire contre Fillon voici cinq ans – est aux commandes économiques. Cet espace-là est occupé.

La valeur travail, les baisses d’impôts, la réforme des retraites… Tout cela est préempté par l’actuel président, passé de l’éloge de la «start-up nation» mondialisée à celle des filières industrielles et du protectionnisme européen.

Une perte de sens problématique

L’autre versant de ce cimetière qu’est devenue la droite française traditionnelle est sa perte de sens. L’éloge de la souveraineté et des frontières est le terrain de jeu du Rassemblement national et de Reconquête, le parti zemmourien. Le discours anti-islamiste et les incantations sur la sécurité sont, au quotidien, tenus par un autre transfuge passé chez Emmanuel Macron, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.

Reste un seul terrain de jeu: les territoires et la proximité avec le pays réel où les élus locaux de droite sont nombreux. Les Républicains sont redevenus un parti de notables, atomisé, sorte de lobby de la France profonde.

Le Niçois Éric Ciotti défend la France méridionale, frileuse devant le métissage méditerranéen. Le vendéen Bruno Retailleau rêve d’un grand retour du catholicisme conquérant. Aurélien Pradié, élu du sud-ouest, est l’homme d’une dynamique ruralité. Dans sa région Rhône-Alpes qui borde la Suisse, Laurent Wauquiez agit, mais ne pense guère. Cette droite-là est une fédération d’intérêts divergents sur lesquelles lorgne un autre présidentiable issu de la droite: l’ancien Premier ministre Edouard Philippe.

Deux scénarios possibles

Les scénarios? Il n’y en a que deux. Le premier est celui de l’éclatement et de la recomposition. Place à deux droites: l’une nationaliste, autour de l’axe Le Pen-Zemmour, l’autre libérale et européenne autour d’Emmanuel Macron.

Le second scénario est celui de la rébellion patiente: attendre la fin de cette présidence pour espérer renaître. Encore quatre ans de purgatoire. Quatre années à résister aux offres des uns et des autres. Difficile à imaginer en cette époque de fast-food politique.

La vérité est que personne, au sein de la droite, n’est aujourd’hui capable de remplacer ce dernier chef incontesté que fut Nicolas Sarkozy. La preuve: lui-même ne cache pas ses liens et sa proximité avec un certain… Emmanuel Macron. Les «Républicains» agonisent, entourés de fossoyeurs. Dont Sarkozy lui-même.

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