A quand, les pronostics électoraux de Kylian Mbappé? Le buteur des Bleus doit en tout cas reconnaître qu’Emmanuel Macron est un parieur de talent. Juste avant le match, le président français avait prédit la victoire 3-1 du onze tricolore contre la Pologne, avec but de Mbappé.
Bien vu. Bien joué. L’idylle entre cette équipe et le chef de l’État qui a promis de se rendre au Qatar pour la soutenir si elle atteint les quarts de finale est une affaire conclue. Sauf contre-ordre, celui que Kylian Mbappé désigne poliment comme «le président» malgré leurs échanges amicaux sera bien à Doha pour le prochain match de la sélection de Didier Deschamps.
Macron-Mbappé. Ces deux «M» savent qu’ils peuvent compter l’un sur l’autre. Avec un net avantage au joueur du Paris Saint-Germain, dont l’itinéraire et les performances reflètent exactement ce que le locataire de l’Elysée attend d’une «France qui gagne». L’exemple de cette proximité n’a d’ailleurs pas été donné sur le terrain, mais au bout du téléphone.
Le 24 mai 2021, alors qu’il reçoit les youtubeurs McFly et Carlito pour un concours d’anecdotes, le chef de l’État leur lance un défi. Il a obtenu, affirme-t-il, que le Parisien Kylian Mbappé, qui a grandi à Bondy (Seine-Saint-Denis) rejoigne les rangs de l’OM, l’Olympique de Marseille. Stupéfaction. Les deux influenceurs savent que l’OM est l’équipe de cœur du président. Ils n’y croient pourtant pas. Juste. Mais Macron ne peut pas s’empêcher, devant leurs caméras, de faire sonner le portable du joueur. «Allo Kylian?». Les deux finissent, après quelques secondes, par se marrer au bout de leur portable.
Il y a plus sérieux. Emmanuel Macron, bien plus populaire auprès de la jeune classe moyenne des banlieues que dans de nombreuses parties du pays, sait ce que Kylian Mbappé incarne. Il voit dans le joueur de 23 ans une rapidité qui lui plaît, et une capacité à peser sur le jeu tricolore dont il rêve pour lui-même en politique. Mieux: leurs deux légendes se sont quasiment construites en parallèle.
Quand Macron est élu à la présidence en 2017, Mbappé est la révélation de la saison footballistique avec l’AS Monaco. Il est très jeune, mais plutôt sage. Macron comprend très vite qu’il n’a pas de chocs d’ego à redouter. Mbappé veut apprendre. Il a besoin d’un mentor public. Leur relation est nouée. La légende dit que Brigitte Macron, la première dame, a su, au début du premier mandat présidentiel, gagner la confiance de Fayza Lamari, la mère de Kylian. L’épouse d’Emmanuel Macron a, il est vrai, une jolie carte dans sa manche. Elle profite des faveurs de Mimi Marchand, la grande papesse de la presse «people» en France. Résultat: pas de couverture gênante sur Kylian ces dernières années. Le couple Elyséen veille au grain.
Mbappé est un symbole et Macron le lui dit
Les affaires sont néanmoins les affaires. Lorsque Kylian Mbappé voit le Real Madrid lui faire la danse du ventre, début 2022, sa mère qui gère ses intérêts veut conserver toutes les options ouvertes. Quitter Paris? Voilà Emmanuel Macron de retour sur la scène. A la veille du Mondial, le Qatar pèse trop lourd. Il estime que Mbappé est un symbole et il le lui dit.
Résultat: le joueur décide de renoncer à l’Espagne. Il se présente comme une vitrine pour la France. Les deux hommes sont à l’unisson. Leur jeunesse les rapproche: «Macron est un peu le Mbappé de la politique, analysait au début du Mondial le sociologue Jean Viard. Il marque des buts à chaque fois qu’il est sur le terrain politique. La seule grande, énorme différence, est qu’Emmanuel Macron ne joue pas collectif, alors que Mbappé ne fait des miracles qu’aux côtés de son équipe. Pour Macron, Mbappé crée du commun et c’est inestimable.»
L’axe Macron-Deschamps-Mbappé
Emmanuel Macron avait 21 ans lorsque les Bleus battirent le Brésil par trois buts à zéro, en finale du Mondial 1998. Mais c’est l’équipe suivante qui sera celle de sa génération. Macron, fan de l’OM et de Marseille, sait gré à Didier Deschamps de redire toujours qu’il a gagné la Coupe d’Europe en 1993 avec le onze phocéen, alors présidé par Bernard Tapie. Il en était même le capitaine. Macron-Mbappé-Deschamps, triangle miracle.
L’exploitation politique n’est évidemment pas loin. La récupération est un art délicat. En politique comme avec un ballon rond. Emmanuel Macron sait surtout que Kylian Mbappé a, jusque-là, les faveurs du Qatar dont il redoute le départ de Paris après cette Coupe du monde. Pas question donc de fâcher l’Émirat, par ailleurs grand fournisseur de gaz à la France et acheteur d’avions Rafale.
Mbappé revisite en douceur le mythe «Black-Blanc-Beur»
Kylian Mbappé, tête de gondole d’une France métissée qui revisite en douceur le mythe «Black-Blanc-Beur» est cet exemple que Macron, empêtré dans ses réformes, rêve de généraliser. Il incarne à la fois la discipline, le culte de la réussite, une intégration sans faille et un rapport décomplexé à l’argent. Sans risque de «pétage de plombs» comme avec l’impétueux et ombrageux Zinedine Zidane. Sans légende controversée, comme avec Karim Benzema, l'infortuné blessé de ce Mondial 2022.
3-1: le pronostic était bon. Pas de doute que ce président parieur, amateur de poker politique, se prononcera de nouveau avant le prochain match. Qu’il devrait suivre sur place, dans le stade. Pour soutenir Kylian et les siens. En espérant bien en profiter.