Vous n’êtes pas motivés pour faire des bébés? Repassez-vous la vidéo de la dernière conférence de presse d’Emmanuel Macron. Impossible, en effet, de ne pas tomber cette semaine sur l’un des multiples articles consacrés à la relance de la fertilité nationale promise par le Président de la République, depuis le palais de l’Élysée.
On connaît l’ironie de la situation: ce chef de l’État de 46 ans, né le 21 décembre 1977, n’a pas d’enfants. Son épouse, Brigitte, a 70 ans. Elle est grand-mère de sept petits-enfants. Alors, sont-ils vraiment crédibles, ces conseils présidentiels?
La réalité d’abord. Elle est résumée dans un rapport de l’Institut national de la statistique (INSEE) publié en 2023. Selon ce document, la chute du nombre de naissances entre 2022 et 2023 a atteint 6,6%. En cause: la fécondité des femmes qui est au plus bas depuis 20 ans.
En 2023, l’indicateur conjoncturel de fécondité est de 1,68 enfant par femme. En France, une génération de femmes doit mettre au monde au moins 2,1 enfants pour que la population reste stable sans tenir compte de l’immigration. La plaisanterie statistique est toute trouvée: le sort démographique du pays dépend du 0.5% caché dans les lits des couples.
A lire sur la France
La première réponse à ce défi est médicale. Emmanuel Macron, fils d’un couple de médecins auxquels il a d’ailleurs fait référence durant sa conférence de presse, connaît bien les statistiques. La preuve? C’est sur la base des chiffres alarmants de baisse de la fécondité des femmes françaises que son gouvernement a, en 2021, au sortir de la pandémie de Covid 19, déjà envisagé un plan national de lutte contre l’infertilité.
Celui-ci devait faire partie de la loi bioéthique promulguée le 2 août 2021, qui a élargi la procréation médicalement assistée à toutes les femmes qui ont un projet parental, aux couples homosexuels comme aux célibataires. Le critère médical d’infertilité, qui conditionnait l’accès à la PMA, a été supprimé.
Une femme a la possibilité de congeler ses ovocytes, sans motif médical, pour préserver la possibilité de devenir mère. Problème: ces dispositions médicales n’ont, pour l’heure, pas provoqué d’électrochoc en matière de natalité. Il est facile de concevoir des «bébés éprouvettes», mais l’envie d’enfant n’est pas repartie à la hausse.
Le doute et l’infertilité
La seconde réponse est psychologique. Là-dessus, Emmanuel Macron n’a pas élaboré. Mais tous les sociologues et psychologues sont d’accord: un pays où le doute règne en maître n’est pas celui ou l’on a envie de procréer. Ajoutez à cela les dommages causés par les modes de vie modernes, bien moins compatibles avec une famille nombreuse et l’infertilité, subie ou volontaire, devient la règle. «C’est vécu beaucoup comme une forme de maladie honteuse alors qu’en fait on peut accompagner, on peut soutenir, et je crois que ça, c’est vraiment notre responsabilité» avait, en 2021, argumenté Aurore Bergé, l’actuelle ministre chargée de l’égalité entre les hommes et les femmes.
3,3 millions de personnes seraient touchées par l’infertilité, selon un rapport coordonné en 2022 par le professeur Samir Hamamah, chef du service biologie de la reproduction au CHU de Montpellier (Hérault). Quand la tête ne va pas bien, le reste dysfonctionne aussi: aujourd’hui en France, comme dans la plupart des pays développés, un couple sur quatre en désir d’enfants ne parvient pas à obtenir une grossesse après 12 mois d’essai…
Réponse sociale
La troisième réponse est économique et sociale. La méthode Macron? Permettre aux couples de mieux vivre les premières années de leurs chérubins, en rémunérant mieux le congé parental. Le président a proposé de le remplacer par un congé de naissance, nouveau congé plus court et mieux rémunéré.
La nouvelle formule envisagée permettra «aux deux parents d’être auprès de leur enfant pendant six mois, s’ils le souhaitent», a promis le président français. Mais attention, la France est déjà presque un paradis en termes de congés pour ses enfants, en tout cas vu de Suisse.
Le congé de maternité/ou paternité est, pour les deux premiers enfants, de seize semaines, rémunéré en fonction d’indemnités journalières calculées selon le niveau de salaire. Le congé parental, non rémunéré, peut ensuite s’étendre jusqu’à un an et jusqu’à l’entrée à l’école maternelle des enfants. Il peut être prolongé cinq fois pour prendre fin au plus tard au sixième anniversaire des enfants. C’est sur le front financier que le président a décidé d’attaquer: le futur congé de naissance sera mieux rémunéré. Mais l’on ne connaît pas encore les détails…
Dispositions «pratiques»
Et au-delà de ces dispositions «pratiques»? La réalité est que la France connaît une situation similaire à celle de la Suisse, où on assiste, depuis 2017, à un recul de ces naissances, de 3,6% à 3,1% par an. «La fréquence de l’infertilité masculine et féminine n’a cessé d’augmenter de façon particulièrement inquiétante, notamment au cours des vingt dernières années. Il en va non seulement de l’avenir des millions de couples français qui affrontent au quotidien des situations d’infertilité, mais aussi, à plus long terme, de la préservation de l’espèce humaine» notait, en 2022, le rapport sur la démographie du professeur Hamamah.
Conclusion? «La prévention de l’infertilité ne doit pas se concevoir au niveau individuel uniquement, poursuivait le rapport. Pour tenir compte des évolutions du monde moderne, la société doit désormais faciliter la vie des parents et futurs parents, en développant des politiques publiques garantes d’un nouvel équilibre familial et professionnel.
Elle doit notamment permettre aux femmes qui souhaitent avoir des enfants de mener à bien ce projet lorsque leur fécondité est optimale, sans que ce choix porte atteinte à leur carrière. Mais elle doit aussi travailler en profondeur sur les causes environnementales qui sont à l’origine de nombreuses situations d’infertilité. C’est trop souvent l’accumulation de ces causes, individuelles et collectives, environnementales et sociétales, qui conduit les couples à ne pas pouvoir concevoir et à ne pas parvenir à fonder une famille».