Ils ont presque fait sauter le répondeur téléphonique de RTL, la première radio de France. Ils? Les auditeurs excédés par l’annonce d’une auto-augmentation des frais parlementaires, par les députés et sénateurs eux-mêmes.
Simple: Ces sommes sont décidées en bureau, au sein duquel chaque groupe dispose d’un représentant explique la station qui diffuse chaque vendredi l’émission «Ils refont la France» en présence de correspondants étrangers à Paris, dont celui de Blick.
Attention: cette enveloppe est une avance. Les dépenses de chaque parlementaire sont ensuite contrôlées, sur base de justificatifs, comme dans les autres professions. Mais avouez qu’en période de baisse du pouvoir d’achat pour des dizaines de millions de leurs compatriotes, leurs représentants ont pour le moins manqué de jugement...
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La contre-offensive de communication bat aujourd’hui son plein. Les parlementaires qui, tous, ont accepté ces sommes, affirment qu’il en va de la qualité de leur travail. Soit. Sur RTL, le sénateur de Haute-Savoie et vice-président du Sénat Loïc Hervé a précisé «que la décision remonte au mois de décembre». «On parle de frais professionnels, pas de rémunération» a-t-il poursuivi.
Pas d’indexation sur le coût de la vie. Juste un coup de pouce à une enveloppe mensuelle de frais qui, à l’Assemblée nationale, sera désormais de 5950 euros au lieu de 5645. Et, au Sénat, de 6600 euros au lieu 5900 euros mensuels. Pour rappel, les Conseillers nationaux reçoivent un montant annuel de 33'000 francs à titre de contribution aux dépenses de personnel et de matériel lié à l’exercice de leur mandat parlementaire. Un élu fédéral suisse dispose donc d’une enveloppe de frais bien plus modeste que celle de ses collègues français.
Révélations de Mediapart
Le premier média à soulever cette question de l’augmentation des frais parlementaires a été Mediapart. L’ensemble de la presse française a ensuite embrayé, au point que la cheffe du rassemblement national Marine Le Pen, qui défend un programme d’assistance sociale massif, a reconnu un «émoi certain» après la divulgation de l’information. Car, et c’est là le point essentiel, tous les partis politiques ont accepté ce coup de pouce au portefeuille de leurs élus nationaux. Bienvenue à ces quelques centaines d’euros!
L’extrême-droite, désormais, a suggéré de reporter cette décision sine die. Mais pour l’heure, la plupart des formations politiques misent sur l’oubli progressif d’une mesure, en oubliant qu’avec plus de 7000 euros par mois (dans la moyenne des grands pays de l’Union européenne), les députés comptent parmi les 3% de Français les mieux payés.
Dépenser moins?
Alors, on abroge et on s’engage à dépenser moins? A quelques mois des élections européennes du 9 juin 2024, le risque de voir l’antiparlementarisme se délecter de cette mesure non votée dans l’hémicycle, est en tout cas réel. La rémunération d’un élu doit, selon le site de l’Assemblée nationale, permettre «à tout citoyen, quelle que soit sa condition sociale, de pouvoir exercer un mandat» et c’est «le prix de l’indépendance et de la dignité de la fonction». Sain rappel.
Beaucoup de politiques déplorent, depuis que la loi sur le non-cumul des mandats est entrée en fonction en 2017, la diminution relative de leurs moyens, faute de pouvoir compter sur un bureau dans une mairie, ou une autre collectivité locale.
Reste à savoir ce que ce supplément va vraiment permettre, alors que les salaires des collaborateurs parlementaires, eux, n’ont pas été augmentés. Au troisième trimestre 2023, le pouvoir d’achat des ménages français a diminué de 0,1% par rapport au trimestre, selon l’INSEE. Une stagnation qui s’arrête au bas de l’escalier des palais de la République.