Et voilà la punchline définitive de Gabriel Attal. On connaissait le «Travailler plus pour gagner plus» de Nicolas Sarkozy en 2007, lors de sa campagne présidentielle victorieuse. Voici un autre objectif asséné par le nouveau Premier ministre français: «Désmicardiser la France».
Un objectif qui, pris à la lettre, peut signifier deux choses: soit l’augmentation du salaire minimum mensuel actuellement fixé à 1380 euros net par mois. Soit 11,65 euros de l’heure (contre 26 euros en Suisse, où le salaire minimum n’existe pas, rejeté dans les urnes en mai 2014 par 76% des électeurs). Soit la suppression de cette rémunération plancher, une revendication que même le patronat français n’ose pas défendre.
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C’est bien sûr la première version que Gabriel Attal, 34 ans, a défendue. Elle est conforme au discours d’Emmanuel Macron sur le retour au plein-emploi et la remise au travail des chômeurs. Payer plus les employés? Le nouveau Premier ministre a déjà fait un premier geste dans sa déclaration de politique générale devant les députés, mardi 30 janvier. Les infirmières, profession critique s’il en est, toucheront bientôt une prime de 800 euros et seront augmentées de 200 euros par mois.
Lors de la rentrée scolaire 2023, celui qui était alors ministre de l’Éducation nationale avait aussi donné un coup de pouce aux profs. «Un professeur débutait à 1700 euros net en 2020, il débutera désormais à 2102 euros net» avait-il promis. Pour rappel, là aussi, un enseignant suisse touche presque deux fois et demie ce salaire. Désmicardisé: serait-ce transformer la France en petite Helvétie?
Contredit par les faits
Le problème de cette formule choc est qu’elle est contredite par les faits. Et par Emmanuel Macron lui-même. Les nouvelles mesures destinées à rendre plus flexibles le marché du travail français, corseté par un code de plusieurs milliers de pages qui donne le tournis à tous les entrepreneurs, ont dans la pratique surtout abouti à l’explosion du nombre d’autoentrepreneurs. Ils sont désormais près de 2,2 millions travailleurs indépendants à avoir ce statut en France, et 250 000 l’ont demandé en 2023.
Or ces employés d’un nouveau type sont beaucoup plus vulnérables aux pressions des patrons. «Désmicardiser» n’est donc pas seulement, pour Gabriel Attal et son mentor le président de la République, une question de chiffres sur le bulletin de salaire. C’est aussi une référence à la déréglementation. Pour mémoire, le salaire minimum horaire est de 12 euros en Belgique et 12,50 euros en Allemagne.
Inégalités sociales
L’autre défi pour Gabriel Attal est d’expliquer comment il peut «désmicardiser». Bien sûr, la première possibilité est d’augmenter les salaires des six millions de fonctionnaires en France, en partant du principe que cette poussée sera suivie par le secteur privé. L’autre formule est de mettre le patronat sous pression, mais les négociations salariales se font entrer partenaires sociaux.
«Désmicardiser», ça veut dire quoi? Des sociologues pointent aussi du doigt qu’en utilisant ce terme, le nouveau Premier ministre pointe du doigt les «smicards», à savoir les soutiers du système. Comme s’ils symbolisaient un mal français. La punchline du nouveau chef du gouvernement peut aussi se transformer en boomerang, dans un pays toujours obsédé par les inégalités sociales.