Gérald Darmanin est-il devenu le «boulet» du second quinquennat d’Emmanuel Macron? On le saura avec plus de précisions ces prochains jours, au vu du sort réservé à son projet de loi sur l’immigration, rejeté le 11 décembre par 270 députés contre 265.
Si le texte revient devant le parlement après avoir été finalisé ce lundi 18 décembre par la Commission mixte paritaire composée de sept sénateurs et sept députés, le ministre français de l’Intérieur reviendra sur le devant de la scène pour le défendre. Si le projet de loi devait être abandonné en revanche, la défaite serait lourde à porter pour celui qui se voyait déjà possible candidat à l’élection présidentielle de 2027. Et l’immigration dans tout ça? Tableau du ratage français en cinq points.
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Ratage N° 1: Ce projet de loi ne répond pas aux défis
Tout le monde en convient: l’immigration est l’un des sujets qui préoccupent le plus les Français. Or ceux-ci ont déjà leur avis sur ce projet de loi: selon 67% d’entre eux, ce texte n’améliorera ni l’intégration des étrangers, ni la gestion des flux migratoires. Logique. Les dispositifs français d’accueil sont sous pression. Les demandes d’asile ont encore augmenté de 30% en 2023, le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) plafonne à environ 10%, et les centres d’hébergement provisoires sont saturés. Or le projet de loi n’apporte aucune réponse crédible à ces défis. Exemple: la volonté de sanctionner financièrement les pays d’origine qui refusent de reprendre leurs ressortissants se heurte à une réalité douloureuse. De nombreux pays d’Afrique préfèrent aujourd’hui être privés d’aide, persuadés de pouvoir frapper à d’autres portes: Chine, Russie, Turquie, etc.
Ratage N° 2: Pas de solution pour les clandestins
Le ministère français de l’Intérieur estime entre 700'000 et 900'000 le nombre d’étrangers en situation irrégulière qui vivent dans le pays. Comment les gérer? Quel avenir leur offrir? Comment éviter qu’un certain nombre d’entre eux, surtout parmi les jeunes hommes, ne tombent dans les filets de la criminalité et des trafics? L’idée de régulariser les personnes employées depuis au moins huit mois, avec un contrat en bonne et due forme, était dans le projet de loi originel. Or la droite n’en veut pas. Que va-t-il se passer? Le plus probable est que l’on va continuer de régulariser au cas par cas, via les préfectures qui en ont le droit. Ce qui complique la tâche pour les employeurs et pour leurs salariés, condamnés à demeurer illégaux.
Ratage N° 3: Manque de coordination européenne
L’immigration n’est, de facto, plus un sujet national. Certes, chaque État membre peut prendre les dispositions législatives de son choix en termes d’expulsion des illégaux, de rétention administrative ou de légalisation. La Suisse, pays membre de l’espace Schengen, vient par exemple d’obtenir de la Commission européenne, dans la feuille de route bilatérale présentée par le Conseil fédéral le 15 décembre, des exceptions qui lui permettront d’éloigner plus facilement des personnes indésirables de son territoire. Reste une évidence: sans coordination européenne, gérer les flux migratoires dans un espace de libre circulation est une illusion. L’harmonisation entre les dispositifs des 27 pays membres est indispensable. Or rien n’a été fait dans ce domaine par Gérald Darmanin.
Ratage N° 4: La radicalisation de l’opinion
L’idée de ce nouveau projet de loi sur l’immigration, après le texte voté en 2018, était d’avoir un bilan avant les élections européennes de juin 2023. Raté. Personne n’y voit clair. A priori, pour obtenir un vote de la droite à l’Assemblée nationale, Gérald Darmanin va devoir accepter une version plus répressive de son texte. Ce qui met la gauche en furie. Le Rassemblement national, lui, jubile puisque le sujet migratoire est à «la une». Tous ceux qui préconisent, en France, des solutions pragmatiques et nuancées, sont marginalisés. Le rejet des migrants s’installe dans le débat public. La question de l’islam attise les passions. Résultat: les migrants sont plus que jamais désignés comme boucs émissaires.
Ratage N° 5: Dislocation politique accrue
L’objectif d’Emmanuel Macron, depuis les élections législatives de juin 2022, est de surmonter son absence de majorité absolue en débauchant des députés d’opposition en fonction des projets de loi. Problème: cela ne fonctionne pas. Le président en poste jusqu’en 2027 n’a pas réussi à convaincre, malgré plusieurs réunions des chefs de partis à son initiative. Le sort du projet de loi sur l’immigration confirme cette donne. Pour le faire voter, Gérald Darmanin devra mettre la barre «à droite toute». L’idée d’une majorité centriste, raisonnable, appartient de plus en plus au passé