Les sondeurs savent faire la distinction. Il y a d’un côté les «poids lourds», ceux que leurs enquêtes d’opinion placent toujours dans le «Top 5» des personnalités politiques préférées des Français. Et il y a les autres: ceux qui suivent, qui occupent le devant de la scène médiatique, mains peinent à imprimer leur marque dans l’électorat.
Or voilà qu’un jeune ministre de 34 ans est passé, ces dernières semaines, d’une catégorie à l’autre à la vitesse grand V. Il s’agit de Gabriel Attal, le tout nouveau ministre de l’Éducation, propulsé à ce poste en juillet dernier. Un météore qui se place désormais en seconde position, avec 36% d’adhésion selon le baromètre politique de l’institut Odoxa. Juste devant l’ex candidate à la présidentielle Marine Le Pen (34%).
Loin devant Darmanin
«Attal est un poids lourd. C’est fait. Il est passé dans cette catégorie alors que, par exemple, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin patiente toujours à la porte avec 26% d’adhésion à sa personnalité et à son programme», juge Gaël Sliman, directeur d’Odoxa. Ce dernier dévoilait la dernière édition de son baromètre mardi 31 octobre, pour l’émission «Sens Public» de la chaîne Public Sénat.
Blick était sur le plateau. On y parlait d’immigration, le sujet que Gérald Darmanin a empoigné, puisqu’il va présenter ce vendredi 3 novembre son projet de loi aux sénateurs, pour un débat en première lecture. Mais rien n’y fait. Darmanin «n’imprime pas». «Ceux qui le comparent au Sarkozy de 2005, à la sortie des émeutes de banlieue de cette année-là, se trompent lourdement. Sarkozy était une star. Il dominait la droite. Aujourd’hui, Attal a une trajectoire bien plus favorable que celle de Darmanin», poursuit Gaël Sliman.
Et déjà, la France du pouvoir s’agite. La personnalité politique préférée des Français, selon Odoxa, reste l’ancien premier ministre Edouard Philippe, qui dirigea le premier gouvernement sous le quinquennat précédent d’Emmanuel Macron. Il est aujourd’hui crédité de 40% d’adhésion. Sauf que Gabriel Attal a trois atouts dans sa poche, au cas où il désirerait se lancer dans la prochaine bataille présidentielle de 2027.
Trois atouts maîtres
Atout n° 1: Il n’a jusque-là jamais échoué. Nouveau venu en politique dans le sillage de l’élection de Macron en mai 2017, lui-même élu alors député des Hauts-de-Seine, il a réussi ses examens de passage comme secrétaire d’État à la jeunesse, puis comme ministre des comptes publics (Budget).
Atout N° 2: Sa proximité réelle avec le président, qui pourrait être tenté d’en faire son dauphin. Comme Macron, Gabriel Attal a démarré son parcours à gauche, au parti socialiste. Comme Macron, c’est un libéral assumé. Comme Macron, il est très doué pour la communication. Et comme Macron, il assume un parcours personnel atypique (dans son cas, celui d’un jeune homosexuel revendiqué, élevé par un père juif et une mère chrétienne orthodoxe).
Atout N° 3: Ses réseaux influents dans les sphères du pouvoir français. Gabriel Attal, parisien de naissance, a fréquenté l’école Alsacienne considérée comme l’un des creusets de la jeunesse dorée. Il n’a pas fait l’École Nationale-d’Administration, mais il a très tôt gravité dans la mouvance de Dominique Strauss-Kahn, l’ancien patron du FMI tombé en disgrâce après l’affaire du Sofitel de New York en mai 2011.
Cap sur l’Élysée? Pas si vite…
Tout cela, bien sûr, ne suffit ni à faire un futur candidat à la présidentielle, ni à lui assurer un succès électoral dans un pays fracturé, marqué par les inégalités sociales, et où Emmanuel Macron et ses proches sont souvent accusés d’être «hors-sol». Sauf que s’il réussit au ministère de l’Éducation nationale, Gabriel Attal pourra se targuer de connaître le pays réel: celui des enseignants, des parents et des élèves.
Ses interventions intransigeantes sur l’interdiction du port de l’abaya (tenue jugée musulmane pour les femmes), avant la rentrée scolaire, lui valent aussi d’être crédité d’une réelle volonté d’agir. Le fait qu’il se soit occupé, entre 2020 et 2022, de la réintroduction d’un service national universel, lui a aussi permis de se familiariser avec le milieu associatif.
Un poids lourd, vraiment?
Alors, un poids lourd, vraiment? «La nouvelle star politique, c’est lui, confirme à Blick Gaël Sliman. Il peut devenir le parfait opposant à la montée presque inexorable du Rassemblement national.»
En théorie bien sûr: car le RN, désormais ancré dans les territoires et a priori bien parti pour une large victoire aux élections européennes de juin 2024, a pour sa part un autre avantage de taille: le rejet du «macronisme» et d’un président qui, après sept années à l’Élysée compte seulement 34% d’opinions favorables.