Le chantier du siècle a vaincu le brasier. Cinq ans tout juste, ce lundi 15 avril. Où étiez-vous ce 15 avril 2019? En général, un peu comme le 11 septembre 2001, tout le monde le sait. Ou presque. Il était un peu plus de 18 heures, en pleine soirée printanière, lorsque les premières images et les alertes se sont mises à crépiter sur les réseaux sociaux, puis à embouteiller nos téléphones et nos écrans.
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Notre-Dame en flammes. Quinze heures d’incendie finalement maîtrisé de justesse par des pompiers de Paris héroïques. Le cinéaste Jean-Jacques Annaud en a fait un film. Emmanuel Macron, lui, avait fait une promesse: la réouverture de la cathédrale pour les Jeux olympiques d’été. Elle ne pourra pas être tenue. C’est en décembre que Notre-Dame accueillera de nouveau les fidèles et le public. Vraiment? Voici les questions que personne n’ose poser.
Notre-Dame a-t-elle bénéficié d’un chantier TGV?
Oui, trois fois oui. Tout est remonté depuis le début au sommet de l’Etat. C’est pour s’assurer que les délais seraient tenus envers et contre tout qu’Emmanuel Macron avait nommé pour diriger les travaux un général connu pour sa poigne: le très catholique Jean-Louis Georgelin, mort le 18 août 2023 dans un accident de montagne, dans les Pyrénées.
Tout a été prioritaire. Les monuments historiques ont mobilisé leurs meilleures équipes. Les autorisations ont été données bien plus vite que d’ordinaire. La décision de reconstituer à l’identique la flèche dessinée par l’architecte Viollet-Le-Duc en 1857 a permis d’éviter un concours et un appel d’offres. Et malgré cela, le délai initial ne sera pas tenu. Ce n’est pas le 26 juillet, pour la cérémonie d’ouverture des JO, que Notre-Dame reviendra à la vie. C’est le 8 décembre.
Notre-Dame est-elle le «chantier du siècle» ?
Non, si l’on compare l’ampleur géographique et financière de ce chantier à d’autres réalisations d’ampleur, comme la construction du Stade de France entre 1995 et 1998. Mais oui, si l’on tient compte de la spécificité de Notre-Dame.
C’est au cœur de Paris que ce chantier a lieu depuis cinq ans, avec une mobilisation de moyens qui rappelle la construction du Centre Pompidou pour remplacer les anciennes Halles. 856 millions d’euros ont été collectés à travers le monde pour ces travaux qui devraient coûter moins cher. On parle de 700 millions. Mais attendons la facture…
Notre-Dame sera-t-elle identique?
Après ce grand lifting, le bâtiment gothique construit entre 1160 et 1250 (soit durant presqu’un siècle) ressemblera à l’identique à celui qui a failli s’écrouler dans l’incendie du 19 avril, lorsque les flammes se sont attaquées à la façade, après avoir dévoré la charpente millénaire. En tout cas vu de l’extérieur, flèche de Viollet-Le-Duc incluse.
A l’intérieur en revanche, rien à voir. La cathédrale sera beaucoup plus claire, car toutes ces parois ont été ravalées. Les vitraux, qui n’avaient pas été détruits par l’incendie, seront remplacés par des vitraux modernes. Le mobilier du culte sera différent. C’est toujours Notre-Dame. Mais elle nous accueillera différemment.
Viollet-le-Duc est-il un scandale?
Saviez-vous que le fameux architecte qui dessina la flèche de Notre-Dame de Paris est mort en Suisse, à Lausanne, le 17 septembre 1879? L’homme était passionné de montagne et il avait accepté, en 1872, le chantier de la rénovation de la cathédrale de la capitale vaudoise. Un scandale Viollet-le-Duc?
Pas faux. Son procès public a failli avoir lieu. Il paraît que Brigitte Macron, l’épouse du président, souhaitait en finir avec sa flèche. Le chef de l’Etat, lui, a décidé de changer les vitraux, avec l’accord de l’Eglise catholique (qui n’est pas propriétaire des murs depuis la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905). Le scandale n’a donc pas eu lieu.
Et si le 8 décembre n’était pas tenu?
C’est encore possible. Surtout si les événements sécuritaires durant les Jeux olympiques conduisent par exemple à fermer le chantier sur lequel travaillent en permanence plus de mille personnes, dont de nombreuses femmes dans des métiers aussi divers que la taille de pierres ou la charpente, pour lesquelles plusieurs poutres ont été importées du Jura suisse. Pourquoi cette date du 8 décembre?
Parce qu’elle est la date de la Fête de l’Immaculée Conception, la Vierge Marie, à laquelle la cathédrale est dédiée. Le pape François a été invité par Emmanuel Macron pour cette réouverture. Le chantier sera en revanche l’une des grandes attractions pour les visiteurs lors des JO.