Un mois après le début d'un mouvement d'exaspération des paysans, Gabriel Attal a placé mercredi l'agriculture «au rang des intérêts fondamentaux» du pays, récapitulant les engagements déjà pris par le gouvernement pour les soutenir et annonçant quelques nouvelles mesures sur les visas ou les pesticides, par exemple.
Le Premier ministre, qui accède ainsi à de nombreuses demandes des syndicats agricoles majoritaires, espère apaiser leur colère avant la visite samedi du président Emmanuel Macron au Salon de l'agriculture qui s'annonce électrique.
L'agriculture, a dit Gabriel Attal lors d'une conférence de presse, fait partie «des intérêts fondamentaux» de la nation au même titre que sa sécurité ou sa défense. «L'objectif de souveraineté agricole et alimentaire» sera inscrit «noir sur blanc» dans le futur projet de loi d'orientation agricole, a-t-il promis.
Simplifier et faciliter
Le texte comprendra aussi plusieurs mesures de simplification, une revendication forte des manifestants, sur les haies, par exemple. Pour simplifier la vie des exploitants, le Premier ministre s'est aussi engagé à «faciliter» l'attribution de visas pour que les saisonniers étrangers viennent travailler dans les fermes françaises, en déclarant la production agricole comme «secteur en tension».
Sur les pesticides, la France va abandonner l'indicateur qu'elle utilise actuellement pour mesurer la réduction de leur usage, le Nodu, défendu par les associations environnementales mais contesté par le syndicat agricole majoritaire FNSEA et l'industrie des pesticides.
Pour améliorer le revenu des agriculteurs, le gouvernement va présenter d'ici l'été un nouveau texte de loi pour «renforcer le dispositif Egalim» devant permettre une meilleure rémunération des producteurs dans le cadre des négociations entre distributeurs et fournisseurs agro-industriels, a annoncé Gabriel Attal.
Contrôles et aides versées
Il prévoit par ailleurs d'organiser d'ici avril une Conférence des solutions associant Etat et collectivités pour que ces dernières intègrent plus de produits durables et de qualité, ainsi que de bio, dans la restauration collective.
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a annoncé que des contrôles sur l'origine française des produits vendus aux consommateurs avaient déjà eu lieu dans 1000 établissements, 372 d'entre eux étant en non-conformité.
Rappelant la mise en place de plusieurs fonds d'urgence à des secteurs en difficultés, le Premier ministre a aussi assuré que «99,61% des aides de base de la PAC» avaient déjà été versées aux agriculteurs, avec l'objectif de 100% au 15 mars.
Les agriculteurs maintiennent la pression
Comme un rappel du début du mouvement, quelque 70 km de l'autoroute A62 sont fermés à la circulation entre Agen et Montauban en raison d'un blocage par une poignée de manifestants qui ont répandu du lisier sur 200 mètres.
Des agriculteurs continuent à mener des actions coup de poing dans les supermarchés, comme à Blagnac, en banlieue de Toulouse, où la section locale de la FNSEA devait mener à partir de 09H00 une action d'étiquetage des «produits qui ne correspondent pas aux normes qui sont imposées en France» dans un Leclerc.
Le géant du lait Lactalis a aussi été ciblé: des agriculteurs ont bloqué mardi soir près de Vesoul un des ses camions citerne pour se plaindre des prix selon eux trop bas versés aux éleveurs et d'autres ont déversé des pneus mercredi matin devant un de ses sites, à Andrézieux-Bouthéon (Loire).
Avec les Jeunes agriculteurs (JA), la FNSEA n'a pas relâché la pression sur l'exécutif depuis qu'elle a appelé à lever les blocages après la troisième salve d'annonces début février.
Pour peser jusqu'au bout, les deux syndicats ont prévu à Paris vendredi soir un «cortège» d'agriculteurs emmenés par quelques tracteurs et se terminant devant les portes du Salon, où plusieurs d'entre eux pourraient camper jusqu'à la venue du président le lendemain.
Manif prévues vendredi à Paris
Comme s'il donnait le coup d'envoi de la campagne des européennes, Gabriel Attal placera ses mesures agricoles sur un plan politique, considérant que le Rassemblement national, donné favori aux élections européennes de juin, est le «vautour de la colère agricole» sans «bilan, ni cohérence».
«Le RN a voté contre la PAC (politique agricole commune) en 2019, pour en 2021, et maintenant est de nouveau contre», accuse dans Le Figaro Gabriel Attal. Il se dit «prêt» à débattre avec Marine Le Pen sur l'agriculture mais refuse que le Salon, convoité par tous les responsables politiques, devienne «l'otage de joutes» électorales.
(AFP)