Les os de ses épaules ressortent et ses côtes se dessinent sous sa peau. Le mannequin Bella Hadid s’affiche avec une silhouette amincie pour la campagne d’automne de Balenciaga. Presque au même moment, Kim Kardashian, connue pour ses rondeurs féminines, a perdu sept kilos en quelques semaines pour rentrer dans sa robe du Met Gala.
Les changements de poids des deux femmes ont été l’occasion pour le journal américain «New York Post» d’annoncer le retour des corps minces. Il a titré: «Bye-bye booty: Heroin Chic is back.» En français: «Au revoir les fesses: L’héroïne chic est de retour.»
Le terme «Héroïne Chic» vient d’une tendance de l’industrie de la mode des années 1990 et 2000 qui glorifiait les femmes à la silhouette amaigrie, à la peau pâle et aux cernes sous les yeux. Des caractéristiques associées à la consommation d’héroïne ou d’autres drogues. La représentante type de cette esthétique était le top model Kate Moss au début de sa carrière.
«Nos corps ne sont pas des tendances»
Le fait que ce terme soit de retour suscite la polémique sur les réseaux sociaux. L’actrice britannique Jameela Jamil, qui prône sur ses plateformes la body positivity, s’est indignée sur Instagram: «Nos corps ne sont pas des tendances.» Un grand nombre de ses 3,7 millions de followers ont approuvé ses dires dans les commentaires.
Elisabeth Lechner, chercheuse en sciences culturelles et auteure, se réjouit de cette résistance à l'«héroïne chic». Elle est détentrice d’un doctorat à l’université de Vienne et s’intéresse depuis plusieurs années à l’image corporelle des femmes. «Cette réaction montre qu’un changement majeur de mentalité a eu lieu et que le mouvement de la body positivity a beaucoup progressé, explique-t-elle à Blick. Beaucoup plus de gens savent aujourd’hui que la santé est davantage qu’un chiffre sur la balance».
Cela s’explique par le fait que des corps de tout type sont aujourd’hui représentés dans les médias, dans les défilés, dans la publicité et dans la pop culture. On peut prendre l’exemple de la chanteuse américaine Lizzo, fière de sa silhouette ronde, qui est devenue l’une des musiciennes les plus célèbres. Ou encore l’exemple de Versace pour qui trois mannequins curvy ont défilé en 2020. «Cela a montré aux femmes que la beauté est multiple et que cette promotion des corps minces a, avant tout, pour but de commercialiser un idéal rentable et inaccessible», explique la chercheuse.
C’est une stratégie marketing des marques!
Selon l’experte, l’idéal de beauté de la femme mince n’a jamais disparu, même s’il a été relégué au second plan ces dernières années. Mais elle ne pense pas que la tendance «héroïne chic» sera adoptée par le grand public. Grâce au mouvement de la body positivity, il y a eu beaucoup de discussions et des critiques sur cette thématique.
Alors, pourquoi cette tendance est-elle revenue sur le devant de la scène? «Les idéaux de beauté changent continuellement. Il y a derrière eux les intérêts économiques de l’industrie de la mode et celle des régimes, souligne Elisabeth Lechner. Pour rester pertinente, cette industrie doit commercialiser de nouveaux idéaux.» Selon elle, c’est une stratégie marketing de la part de Balenciaga de faire poser un mannequin connu soudain plus mince que d’habitude. Manifestement, ça a réussi à capter notre attention.