Avant même la suspension de l’aide américaine à l’Ukraine lundi 3 mars, l’Union européenne (UE) scrutait déjà les 250 milliards d’euros d’avoirs gelés de la Banque centrale russe, redoutant un bouleversement avec le retour de Donald Trump au pouvoir. Accumulée depuis février 2022 au fil des sanctions, cette somme colossale pourrait combler le manque de financement pour Kiev.
«Assez parlé, il est temps d’agir! Finançons notre aide à l’Ukraine à partir des avoirs russes gelés», lançait fin février Donald Tusk, Premier ministre polonais. Avant lui, c’est Kaja Kallas, cheffe de la diplomatie européenne, qui suggérait déjà en décembre de puiser dans ces fonds, rappelle «Le Parisien».
Si la tentation est forte, l’option se heurte toutefois au droit international. «On ne peut pas se servir de ces avoirs, seulement des intérêts qu’ils génèrent», a rappelé Emmanuel Macron lors de sa visite aux Etats-Unis lundi 24 février.
Un obstacle légal infranchissable?
Interrogée par le quotidien français, une avocate en droit douanier tranche: ces fonds sont gelés, pas confisqués. Juridiquement, ils restent la propriété de la Russie.
L’UE définit le gel des avoirs comme le blocage des comptes bancaires et autres actifs financiers de personnes ou entités responsables de violations des droits humains ou d’atteintes à la démocratie. Ce levier vise à assécher les sources de financement des groupes visés, mais ces fonds restent théoriquement accessibles une fois les sanctions levées. Exemple récent: en février, l’UE a débloqué certains fonds syriens après la chute de Bachar al-Assad.
Pour le cas de la Russie, les pays du G7 se sont engagés à conserver ces fonds «jusqu'à ce que la Russie paie pour les dommages causés à l'Ukraine». Selon une estimation de la Banque mondiale, datant de la semaine dernière, le coût des réparations s'élève à presque 500 milliards d'euros sur dix ans.
Les intérêts, le compromis
Si Bruxelles ne peut pas légalement s’approprier les avoirs russes, elle a en revanche commencé à utiliser les intérêts générés. En juillet dernier, l’UE a ainsi annoncé un premier versement de 1,5 milliard d’euros issus des revenus des actifs gelés de la Banque centrale russe pour financer l’aide militaire à l’Ukraine.
Mais aller plus loin dans la captation de ces fonds gelés nécessiterait un changement radical: une confiscation pure et simple. Ce qui exigerait un motif de condamnation et une sanction pénale. Pour l'heure, l'Europe semble frileuse à l'idée de franchir ce cap, face à un Donald Trump prêt à défendre une approche plus conciliante avec Moscou.