«A l'immense communauté de personnes et entreprises dans le monde qui dépendent de nous: nous sommes désolés. Nous travaillons dur à vous redonner accès à nos applications et services et sommes heureux de vous dire qu'ils reviennent en ligne en ce moment», a tweeté l'entreprise mardi à 00h30, après sept heures de panne.
Les problèmes techniques ou de cybersécurité qui bloquent temporairement l'accès à des sites et applications ne sont pas rares. Mais c'est «la plus importante jamais observée» par Downdetector, un site de suivi de ce genre d'incidents, qui a recensé plus de 5,6 millions de signalements venus du monde entier rien qu'entre 17h15 et 18h30.
Lanceuse d'alerte
Cet incident majeur tombe très mal pour la firme de Mark Zuckerberg. Elle traverse l'une des pires crises sur sa réputation depuis deux semaines, à cause d'une ancienne ingénieure, Frances Haugen, qui a accusé le groupe de choisir «le profit plutôt que la sûreté» de ses utilisateurs, dans un entretien diffusé par la chaîne CBS dimanche.
Ses révélations ont donné un nouvel élan aux nombreux critiques de Facebook, notamment les élus américains qui cherchent à reprendre le contrôle sur ses plateformes omniprésentes.
La lanceuse d'alerte sera ainsi interrogée par une commission parlementaire mardi, l'occasion pour les sénateurs de faire valoir leurs nombreux griefs contre le groupe tentaculaire - ses quatre plateformes sont utilisées tous les mois par quelque 3,5 milliards de personnes.
La société n'a toujours pas donné d'explications officielles à la gigantesque panne. Selon des experts en cybersécurité, elle serait liée à des mises à jour du système informatique de routage, qui permet de relier les serveurs aux noms de domaines.
Tous les câbles «débranchés»
«C'était comme si quelqu'un avait 'débranché tous les câbles' des serveurs et les avait déconnectés d'Internet», ont résumé deux ingénieurs de Cloudflare, sur le blog de la société.
Le malheur de Facebook a fait le bonheur de ses concurrents. La messagerie Telegram est passée de la 56e à la 5e place des applications gratuites les plus téléchargées aux Etats-Unis, en un jour, selon le cabinet spécialisé SensorTower.
«Les inscriptions sont en forte hausse sur Signal (bienvenue tout le monde)», a aussi tweeté cette autre messagerie réputée pour son cryptage des données.
La panne régalait aussi les utilisateurs facétieux, qui rivalisaient de sarcasmes sur Twitter. D'autres se plaignaient d'être coupés de leurs contacts, de leur source de revenus ou de leur outil de travail.
Certaines personnes se montraient philosophes, comme Cindy Bennett, une boulangère de New York, interviewée par l'AFP: «En général, je crois que le monde serait meilleur si tout le monde ne savait pas ce que tous les autres font à tout instant du jour et de la nuit».
Trop de pouvoir
L'incident devrait apporter de l'eau au moulin des détracteurs de la société californienne, car il démontre son immense emprise sur la vie quotidienne. D'après Downdetector, «des milliards d'utilisateurs ont été affectés».
L'impact est encore pire dans les nombreux pays, où Facebook est «synonyme de 'l'Internet'» ou pour les usagers qui se servent du réseau social pour accéder à d'autres services, souligne Jake Williams, cofondateur de BreachQuest, une entreprise de cybersécurité.
Or, les autorités ne manquent déjà pas d'arguments pour s'attaquer à l'entreprise. Surtout après les fuites de documents internes orchestrées par Frances Haugen, qui ont permis au Wall Street Journal de publier, à la mi-septembre, une série d'articles sur les effets toxiques de Facebook et Instagram pour la société.
Le plus retentissant d'entre eux détaillait les problèmes de santé mentale de nombreuses adolescentes confrontées, image après image, au mythe du corps féminin idéal. Une dérive dont Facebook a parfaitement conscience, selon l'ingénieure.
(ATS)