Documents internes révélés
Instagram nuit à la santé mentale et le sait

Des documents internes montrent que le géant des réseaux sociaux est parfaitement conscient des effets néfastes d'Instagram sur la santé mentale des adolescents, alors que le CEO Mark Zuckerberg s'accroche à une image d'Épinal de ses plateformes.
Publié: 24.09.2021 à 06:10 heures
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Dernière mise à jour: 24.09.2021 à 06:52 heures
Instagram déforme la réalité et nuit à la santé de nombreuses jeunes personnes.
Photo: shutterstock
Karin A. Wenger, Jocelyn Daloz (adaptation)

«Je me sens trop grosse et pas assez jolie.» Ce témoignage d’une jeune fille, qui a vu son estime de soi s’effondrer depuis qu’elle passe beaucoup de temps sur Instagram, ne s’exprime pas ici dans une étude sociologique indépendante, mais auprès d’enquêteurs de Facebook, la société mère d’Instagram.

En effet, le géant des réseaux sociaux a commandé une enquête interne sur les effets d’Instagram sur la santé mentale de ses plus jeunes utilisateurs.

Ces documents ont été divulgués au Wall Street Journal, qui révèle ainsi que le réseau social arrive au même constat que de nombreux chercheurs qui tirent la sonnette d’alarme depuis longtemps.

Ces études internes menées sur les trois dernières années démontrent clairement qu’une utilisation régulière d'Instagram peut provoquer des problèmes psychologiques, notamment chez les adolescents: 13% des adolescents interrogés en Grande-Bretagne attribuent leurs pensées suicidaires à Instagram. Les chercheurs établissent un lien très clair entre des troubles alimentaires et le réseau de partage d'images. Un tiers des jeunes femmes insatisfaites de leur corps ont déclaré qu’Instagram exacerbe ce sentiment négatif.

Taille fine, fesses fermes

Que les innombrables photos de tailles fines et de fesses rebondies des influenceuses détruisent la confiance en soi des jeunes femmes ne surprend pas du tout Laura Studer, responsable du département de psychologie de la clinique Wysshölzli à Herzogenbuchsee (BE), spécialisée dans le traitement de femmes souffrant de troubles alimentaires et de dépendance. La majorité de ses patientes ont entre quinze et trente ans.

«Instagram présente une image du corps qui ne correspond pas à la réalité», explique Laura Studer. «Cela génère des problèmes durant la puberté, où les gens développent leur identité en se comparant aux autres. Les photos de femmes ayant «réussi» (avec renfort de filtres) peuvent ainsi déclencher chez les adolescentes la conviction qu’elles seraient plus populaires si elles leur ressemblaient», explique la psychologue.

Si une jeune femme n’est pas sûre d’elle, elle peut s’efforcer de se conformer à des normes impossible à atteindre en se agissant sur sa consommation de nourriture. «Il n’y a jamais qu’une seule cause pour un trouble mental, mais Instagram peut favoriser un trouble de l’alimentation», détaille la spécialiste.

Facebook se contente d'observer

L’étude interne révélée par le «Wall Street Journal» démontre que chez Facebook, on est très conscient du problème, alors même que le CEO Mark Zuckerberg s’est toujours défendu face aux études critiquant ses réseaux sociaux. Lui-même a toujours mis en avant l’idée que les réseaux ont des effets positifs sur les adolescents, puisqu’ils permettent aux gens de «se retrouver» et d’être connectés entre eux.

Malgré cette prise de conscience au sein de l’entreprise, qui s’est jusque là bien gardée d’admettre ses torts, Facebook n’a pratiquement rien entrepris pour lutter contre les effets délétères du réseau social de partage d’images et de vidéos.

Adam Mosseri, le CEO d’Instagram, a admis au «Wall Street Journal» que Facebook avait du mal à reconnaître les effets négatifs des réseaux sociaux. Il a toutefois affirmé qu’il se battait pour que l’entreprise prenne ses responsabilités plus au sérieux. Facebook, qui vaut plus de mille milliards de dollars en bourse, semble pour l’instant se soucier davantage de ses revenus que de la santé de ses jeunes utilisateurs.

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