Les pratiques de Didier Raoult, déjà passablement critiquées, sont à nouveau remises en cause. Cette fois-ci, l’attaque vient de l’interne: ce sont des membres de ses propres équipes qui dénoncent des «pratiques scientifiques et éthiques regrettables», comme le rapporte Mediapart. Le site d’enquête en ligne s’appuie sur les témoignages d’une dizaine de biologistes, médecins, internes ou assistants de l’IHU (institut hospitalo-universitaire) de Marseille ainsi que sur des documents internes.
Didier Raoult aurait falsifié les résultats biologiques de sa recherche afin de démontrer l’efficacité de l’hydroxychloroquine, un temps présenté comme une solution magique pour combattre le Covid-19. Selon Mediapart, plus de dix membres de l’IHU se seraient entretenus avec des représentants des instances qui les emploient, c’est-à-dire l’université d’Aix-Marseille, l’Assistance publique – hôpitaux de Marseille (AP-HM), l’Institut de recherche pour le développement (IRD), ainsi que l’Inserm. Ils n’auraient accepté de témoigner que sous couvert d’anonymat, par peur des représailles, internes ou externes à l’IHU.
Un climat de peur à l’IHU
Cela ferait des années qu’un certain culte de la personnalité autour du professeur Raoult empêcherait de formuler une pensée critique ou opposée à ses hypothèses. L’un des compte-rendu des auditions cité par Mediapart relève le témoignage d’un médecin: «Il n’y a pas de véritable science derrière les publications de l’IHU depuis des années, lance l’un des médecins interrogés. Les résultats présentés doivent correspondre aux hypothèses faites par Didier Raoult.
Dans le cas contraire, les personnes concernées peuvent être dévalorisées publiquement avec mise en doute de leurs compétences». La médiatisation du professeur et le soutien virulent d’opposants aux mesures dont il bénéficie auraient renforcé les craintes de ses détracteurs internes.
Des tests biaisés
Dans le cas de l’hydroxychloroquine, les deux groupes de patients ont été analysés avec des critères différents, afin de permettre de conclure faussement à l’efficacité du traitement préconisé par Didier Raoult. Les résultats des tests PCR ont été volontairement biaisés: l’étude comparait deux groupes de patients: ceux de l’IHU à Marseille qui prenaient l’hydroxychloroquine, et ceux du CHU de Nice, qui n’en prenaient pas.
Dans le premier cas, la valeur seuil du test de détection du virus par PCR a été abaissée à 34 cycles. Dans le second cas, à Nice, le seuil initial de 39 cycles a été conservé. Un patient présentant une valeur de 37 cycles aurait donc été déclaré négatif à Marseille mais positif à Nice. Les deux groupes de patients ont donc été analysés avec des critères différents, remettant en question les conclusions concernant l’efficacité de la molécule.
La valeur seuil de cycle (Ct) est le nombre réel de cycles nécessaires pour que le test PCR détecte le virus. Cette valeur donne une estimation de la quantité probable du virus présente dans l’échantillon, tout en n'étant pas une mesure exacte.
Si le virus est détecté après un petit nombre de cycles (moins de 30), l'échantillon en contient une grande quantité. Si le virus est détecté après un grand nombre de cycles, on estime que la charge virale est suffisamment petite pour être négligeable.
La valeur seuil de cycle (Ct) est le nombre réel de cycles nécessaires pour que le test PCR détecte le virus. Cette valeur donne une estimation de la quantité probable du virus présente dans l’échantillon, tout en n'étant pas une mesure exacte.
Si le virus est détecté après un petit nombre de cycles (moins de 30), l'échantillon en contient une grande quantité. Si le virus est détecté après un grand nombre de cycles, on estime que la charge virale est suffisamment petite pour être négligeable.
Pour ce faire, le professeur Didier Raoult a évincé les médecins biologistes des plannings «afin qu’ils prennent du repos» et a automatisé les déclarations des résultats afin qu’ils ne puissent pas valider – ou en l’occurrence invalider – les résultats.
Certains de ces témoignages déplorent également l’impunité au sein des institutions hospitalières qui permettent à Didier Raoult de continuer à effectuer ses recherches au mépris de l’éthique scientifique. Le professeur a pourtant été convoqué début novembre par l’Ordre des médecins pour répondre à plusieurs infractions à la déontologie médicale. S’il est condamné, il risque une sanction, allant du simple avertissement à la radiation de l’Ordre des médecins. Le verdict sera prononcé le 3 décembre.