Entre la Serbie et le Kosovo, c’est la guerre des nerfs à la frontière. Des provocations ont lieu quotidiennement des deux côtés de la frontière. Au centre de ce conflit, une affaire liée à des plaques d’immatriculation. Les deux camps sont en état d’alerte militaire renforcée depuis que les plaques d’immatriculation des voitures serbes stationnées à la frontière avec le Kosovo ont été dévissées et remplacées par des plaques kosovares temporaires.
Des chars à la frontière
Les Serbes ont vivement protesté contre cette décision avec des barricades et des barrages routiers. En réponse à ceux-ci, le Kosovo a placé une unité spéciale à deux postes frontaliers. Belgrade, de son côté, a vu cette action comme une «provocation».
C’est l’escalade: le président serbe, Aleksandar Vucic, y a répondu en donnant l’ordre de mobiliser certaines unités de l’armée et de la police serbes. L’état d’alerte a été décrété, des équipements militaires lourds ont été placés près de la frontière du côté serbe. Les images sont impressionnantes: des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent des semi-remorques déplaçant de nombreux chars fabriqués en Russie jusqu’à la frontière.
Les médias attisent les tensions
Ce dimanche, des avions de guerre serbes ont à nouveau survolé la zone frontalière, comme le rapporte notamment «Le Canton 27», un portail d’information albanais du Kosovo publié en Suisse. La situation est extrêmement tendue même si aucun incident n’a pour l’instant eu lieu.
Les médias serbes semblent attiser les craintes de guerre au sein de leur lectorat, en témoigne notamment la une du journal très populaire «Srpski Telegraf»: «Message de Poutine: Les Serbes doivent envoyer des tanks au Kosovo si les Albanais attaquent au nord». A l’origine de ce titre, une déclaration de Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, qui aurait annoncé: «Si la Serbie intervient au Kosovo, elle pourra compter sur le soutien de la Russie».
La présidente annule son voyage aux États-Unis
La communauté internationale a réagi à ces conflits. L’UE et l’OTAN ont appelé les deux parties à faire preuve de retenue. Le haut représentant des Affaires étrangères de l’UE, Josep Borrell, a exhorté les deux camps à faire baisser les tensions et a demandé au Kosovo le retrait immédiat de ses unités de police spéciales. Il a conclu que «toute nouvelle provocation ou action unilatérale et non coordonnée serait inacceptable». Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a également appelé à la modération après un entretien téléphonique avec le premier ministre du Kosovo, Albin Kurti.
L’Albanie, quant à elle, s’est dite préoccupée par la récente «escalade» et a demandé à la Serbie de retirer ses troupes de la région frontalière. La présidente du Kosovo, Vjosa Osmani, s’est aussi montrée inquiète: elle a écourté sa visite à l’ONU à New York en raison de l’évolution de la situation dans son pays.
Reconnaissance des indépendances
Le conflit trouve son origine bien plus loin, dans la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo. La région frontalière est principalement habitée par des Serbes, une minorité qui ne reconnaît pas l’autorité du gouvernement de Pristina, dirigé par des Albanais. Du point de vue de Belgrade, les plaques d’immatriculation émanant du Kosovo soulignent son statut de nation indépendante.
Belgrade ne reconnaît toujours pas l’indépendance de ce qu’elle appelle la «province sécessionniste». La Russie, alliée de la Serbie, ne reconnaît pas non plus l’indépendance du Kosovo, contrairement à la plupart des pays occidentaux, y compris les États-Unis, qui considèrent que le Kosovo s’est séparé de la Serbie en 2008. (kes/AFP)