Le ciel est gris, l'ambiance est morose. Vendredi matin dernier, les cercueils de trois soldats américains ont été amenés sur le tarmac d'un aéroport militaire dans l'État américain du Delaware. Silencieux, le président américain Joe Biden a accueilli les morts, deux jeunes femmes et un homme. Des soldats de la base américaine syrienne d'Al-Tanf, près de la frontière jordanienne, déployés pour se protéger contre l'Etat islamique. Aujourd'hui, ils ont été indirectement victimes de la guerre qui fait rage à Gaza, une situation qui n'a rien à voir avec leur mission. Ils ont été tués par une attaque de drone de la milice pro-iranienne en Syrie.
Ce n'est pas seulement la tristesse qui pétrifie le visage de Joe Biden. C'est aussi l'effet des mauvaises nouvelles en provenance de la zone de crise située à près de 10'000 kilomètres des États-Unis. Un conflit qui dérape et qui se transforme de plus en plus en baril de poudre dans lequel les acteurs les plus divers tirent imprudemment. Les Etats-Unis, qui au début ne voulaient que dissuader, sont de plus en plus sollicités militairement. Le conflit menace-t-il d'exploser à la figure de l'Oncle Sam?
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«Nous ne voulons pas de guerre avec l'Iran»
Joe Biden a dû réagir à l'attentat d'Al-Tanf, puisqu'il y a eu des morts américains. Voici le grand écart que doit effectuer le pensionnaire de la Maison-Blanche: les Etats-Unis doivent montrer leur force, mais aussi éviter un embrasement généralisé. Les représailles doivent donc être mesurées, ciblées. Le porte-parole du Conseil de sécurité nationale John Kirby déclarait encore le 29 janvier à Washington: «Nous ne voulons pas de guerre avec l'Iran.» Mais dans la nuit de vendredi à samedi, l'armée de l'air américaine a encore visé 85 cibles, détruit des centres de commandement et de renseignement ainsi que des dépôts d'armes des Gardiens de la révolution iraniens (IRGC) dans l'est de la Syrie.
Les Etats-Unis ont des bases militaires en Jordanie, en Arabie saoudite, au Qatar, au Bahreïn, au Koweït, aux Emirats arabes unis et en Irak. Depuis le début de la guerre à Gaza, les troupes américaines stationnées en Syrie ont déjà été attaquées 90 fois par des milices, celles stationnées en Irak 60 fois. L'attentat du 28 janvier s'est en outre dangereusement rapproché de la Jordanie, un allié occidental.
L'«axe de la résistance» ne se laisse pas dissuader
Lorsque, le 7 octobre 2023, des terroristes du Hamas ont tué plus de 1200 personnes en Israël et enlevé 240 otages, l'administration de Joe Biden s'est clairement rangée du côté d'Israël. Israël a le droit de se défendre, avait alors déclaré le président américain. Les Etats-Unis ont donné le feu vert à une invasion de la bande de Gaza, ont déployé des navires de guerre et un porte-avions en Méditerranée afin de dissuader l'Iran d'une éventuelle attaque directe. Mais le Moyen-Orient n'abandonne pas aussi facilement.
L'«axe de la résistance» ne se laisse pas dissuader et lance des attaques, malgré la présence de porte-avions. Ce sont des milices mises sur pied par l'Iran, comme le Hezbollah au Liban, les brigades Al-Quds en Syrie et en Irak, ainsi que les Houthi au Yémen, qui sont impliquées dans le conflit sans que l'Iran lui-même ait besoin d'intervenir.
Les républicains appellent à la guerre contre l'Iran
Dix pays sont désormais impliqués dans le conflit. Des fronts supplémentaires se sont formés au Liban, au Yémen et dans le triangle formé par la Jordanie, la Syrie et l'Irak. Les Houthis attaquent les cargos internationaux en route vers le canal de Suez en mer Rouge. Depuis que les Américains et les Britanniques protègent la route commerciale, leurs navires de guerre sont également attaqués. Ainsi, le 3 février, les forces armées des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne ont bombardé 36 positions houthi sur 13 sites. Les Etats du Golfe, l'Arabie saoudite ainsi que l'Egypte tentent une médiation en coulisses.
Avec les trois cercueils des soldats américains décédés, les vieux fantasmes de guerre font surface. Des républicains comme le député et sénateur de Caroline du Sud Lindsey Graham, ainsi que le sénateur de l'Arkansas Tom Cotton, ont notamment appelé dans les médias américains à des frappes militaires contre l'Iran, qui finance et arme les milices de la région. L'ex-commandant de l'OTAN en Europe, Wesley Clark, abonde dans le même sens. Dans une interview accordée à CNN, le général à la retraite a souligné que le gouvernement américain devait passer à la vitesse supérieure et attaquer directement l'Iran. Les signes indiquent une escalade.