Les experts militaires sont en état d'alerte: pas une semaine ne passe sans qu’ils ne mettent en garde contre un conflit majeur avec la Russie– surtout si Vladimir Poutine parvient à mettre fin à la guerre en Ukraine à ses conditions. L'expert militaire britannique Ed Arnold a déjà exhorté l'Allemagne à augmenter rapidement les munitions d'artillerie et les stocks de missiles de croisière Taurus. Selon lui, une guerre entre les Russes et l'OTAN menacerait dès 2027.
Au mois de janvier, le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius avait explicitement mis en garde contre une attaque de Poutine contre un pays membre de l'OTAN. Et en mars, l'historien militaire allemand Sönke Neitzel parlait du «dernier été de paix». Blick présente quatre scénarios qui pourraient mener à une guerre entre la Russie et l’OTAN.
Attaque militaire limitée dans les pays baltes
Après une victoire en Ukraine, la Russie pourrait s’emparer d’une petite ville estonienne comme Narva ou de l’île d’Hiiumaa dans la mer Baltique – tout en orchestrant des attentats terroristes en Allemagne ou au Royaume-Uni. Dans son ouvrage «Wenn Russland gewinnt» (Si la Russie gagne), le politologue allemand Carlo Masala évoque même une date possible : le 27 mars 2028.
L’objectif? Tester la détermination de l’OTAN sans provoquer une guerre totale. Moscou parierait sur la réticence des pays occidentaux à risquer un conflit nucléaire pour une zone de faible importance stratégique. Selon Carlo Masala, la Russie miserait sur l’effet de surprise pour exploiter les faiblesses européennes – notamment leur dépendance militaire vis-à-vis des Etats-Unis.
Le politologue voit les pays baltes comme particulièrement vulnérables, car une attaque ciblée y représenterait un risque calculé: un dilemme stratégique pour l’OTAN, contrainte de décider si l’article 5 – qui stipule qu’une attaque contre un membre est une attaque contre tous – doit être activé.
Une avancée russe dans la brèche de Suwałki
En dehors d'une attaque sur les pays baltes, la Russie pourrait s'en prendre à la brèche de Suwałki, l'étroit corridor terrestre entre la Pologne et la Lituanie, toutes deux membres de l'OTAN. «C'est là qu'une poussée russe choc sur l'enclave de Kaliningrad pourrait couper les pays baltes de la Pologne et ainsi diviser l'OTAN», analyse Marcel Berni, expert militaire à l'EPFZ.
Dans ce contexte, de nombreux experts regardent avec inquiétude les manœuvres russes Zapad («Ouest» en français) qui doivent avoir lieu en septembre en Biélorussie. «Nous constatons la très grande crainte des pays baltes de voir les Russes franchir la frontière dans le cadre de cette manœuvre», a déclaré Marcel Berni à «Bild». La dernière édition de ces manœuvres, en 2021, a été mise à profit pour transférer quelque 130'000 soldats russes à la frontière avec l'Ukraine.
La déstabilisation au Svalbard
La Russie pourrait aussi diriger son regard sur l'archipel norvégien du Svalbard en revendiquant des droits historiques. L'experte suédoise en sécurité Elisabeth Braw met en garde contre ce danger sur le site Politico.
Le Svalbard, avec ses quelque 3000 habitants, est certes un territoire de l'OTAN, mais est très isolé. Là encore, la Russie pourrait tester la détermination de l'organisation politico-militaire sans risquer une guerre généralisée.
Guerre hybride en Estonie et en Lettonie
La Russie combinerait une guerre hybride – comme les cyberattaques et les campagnes de désinformation – avec des actions militaires limitées, comme des actes de sabotage contre des infrastructures critiques, comme les câbles sous-marins.
La politologue Margarete Klein met également en garde contre l'instrumentalisation des minorités russophones en Estonie et en Lettonie. L'OTAN serait ainsi déstabilisée car Moscou pourrait y attiser les tensions entre les nations unies contre la menace russe et celles qui, par leur historique culturel, seraient moins enclines à entrer en guerre.
Avertissements lancés à l'Europe
Le point commun de tous ces scénarios est que la Russie souhaiterait tester l'OTAN par des actions ciblées et limitées afin de saper sa cohésion. De plus, l'incertitude quant au soutien de l'Amérique de Donald Trump est pour l'heure particulièrement faillible. «Non, je ne vous protégerais pas», a-t-il encore déclaré aux pays de l'OTAN qui n'investissent pas assez dans leur propre défense.
Ed Arnold souligne que la Russie pourrait justement profiter de cette incertitude. Avec leurs scénarios, les experts veulent que les Etats européens se préparent mieux à d'éventuelles menaces. Ils suivent en cela la logique du proverbe latin: «Si vis pacem para bellum», «Si tu veux la paix, prépare la guerre».