La Russie et l'Ukraine se sont accordées sur une trêve pendant les fêtes de Pâques. Cette proposition de Moscou peut surprendre puisqu'elle arrive seulement une semaine après la terrible attaque contre Soumy. Le Kremlin joue-t-il comme un chat avec sa souris?
Les images des enfants morts dans le centre de la ville ukrainienne de Soumy sont encore dans les mémoires. Les missiles russes se sont abattus une première fois sur des dizaines de civils, avant qu'une deuxième salve meurtrière ne surprenne les personnes venues sur place pour apporter leur aide. Malgré tous les démentis du Kremlin, l'attaque de la semaine dernière s'apparente à un grave crime de guerre.
Seul Poutine décide de la paix
La proposition de cessez-le-feu du Kremlin vise à démoraliser la population et à envoyer un message au monde: seule la Russie a le pouvoir de déterminer si la paix règne ou non en Ukraine. Et non pas le président américain Donald Trump, ni le chef d'Etat chinois Xi Jinping, et encore moins l'Europe ou l'ONU.
Alors que de nombreuses victimes sont encore en danger de mort à Soumy, le chef du Kremlin Vladimir Poutine a créé la surprise hier en décrétant un bref cessez-le-feu pour Pâques. Dénonçant une «tentative de jouer avec la vie humaine», Volodymyr Zelensky a annoncé réagir de manière symétrique aux actions de la Russie. «Le silence en réponse au silence, les frappes uniquement pour se défendre.»
Répondre à Trump
Le président russe est un véritable stratège depuis sa prise de pouvoir en 2000. Aucune action n'est choisie au hasard. Ainsi, il sait tout d'abord parfaitement que Donald Trump fait avancer ces jours-ci un accord sur les matières premières avec Kiev. C'est donc le bon moment pour donner une impression de coopération au président américain.
Le ministère de la Défense à Moscou a fait savoir que le cessez-le-feu était introduit pour des «raisons humanitaires». Les raisons derrière cette décision n'étaient pas claires dans un premier temps. Dernièrement, Washington a augmenté la pression sur les belligérants pour qu'ils acceptent d'entamer rapidement des pourparlers pour la paix. Trump a clairement indiqué qu'il souhaitait voir des progrès rapides pour que la guerre en Ukraine prenne fin. Menaçant que son gouvernement pourrait mettre fin à ses efforts s'il cela ne se produit pas.
Trump a déclaré vouloir un accord «très bientôt», mais n'a pas précisé exactement ce qu'il entendait par là. Le président américain a souligné qu'il n'avait aucun intérêt à poursuivre ses efforts de médiation si les deux parties n'étaient pas prêtes au compromis. «Si, pour une raison quelconque, l'une des deux parties rend les choses très difficiles, nous dirons simplement: vous êtes stupides. Vous êtes des imbéciles, vous êtes des gens horribles, et nous allons simplement laisser tomber», a-t-il déclaré. «Mais espérons que nous n'aurons pas à le faire.»
L'Iran inquiète Poutine
Ce n'est probablement pas la seule chose qui tracasse Poutine. Trump travaille d'arrache-pied pour trouver un accord avec l'Iran, un allié important de Moscou. Le Kremlin a un intérêt éminent au maintien au pouvoir du régime des mollahs – surtout depuis la chute de Bachar al-Assad en Syrie, où la Russie a déjà perdu une base. Un «changement de régime» à Téhéran serait un revers stratégique sensible pour Moscou.
En annonçant une trêve pascale, Poutine tente sans doute d'apaiser Washington et d'augmenter ainsi ses chances de parvenir à un accord avec les Iraniens. Car en agissant de la sorte, Poutine flatte tout particulièrement Trump: celui-ci peut se présenter dans son rôle de «faiseur de deals».
L'UE accentue la pression
De plus, les choses bougent sur les fronts. Après la visite de Giorgia Meloni à la Maison Blanche, Trump n'a pas seulement laissé entrevoir un accord douanier avec l'Union européenne (UE), Rome devient également le théâtre des négociations nucléaires avec l'Iran.
Après le deuxième cycle, les deux parties se sont mises d'accord pour poursuivre les discussions. La réunion à Rome a duré quatre heures et «les négociations avancent bien», a déclaré le ministre iranien des Affaires étrangères après la rencontre avec l'envoyé spécial américain Steve Witkoff.
Les négociations doivent se poursuivre mercredi au niveau technique et les diplomates doivent se rencontrer à nouveau samedi à Oman. Vladimir Poutine suivra de près cette évolution et montrera bientôt à quel point il prend réellement la paix au sérieux.