À Boutcha, dans la banlieue de Kiev, des rues jonchées de cadavres. Les images du massacre ont fait le tour des écrans de télévisions ce week-end et sont difficilement supportables. En quittant la ville, les troupes russes ont laissé derrière elle les traces de crimes de guerre. Un peu plus de 300 civils auraient ainsi été exécutés par les soldats de Vladimir Poutine.
Irina a vécu les atrocités de près. Elle raconte au quotidien allemand «Bild» comment les soldats russes ont froidement abattu son mari, Oleg. Le 5 mars, tous deux étaient chez eux quand une explosion a soudain secoué leur foyer. «Ils ont détruit la moitié de la maison, puis ont commencé à tirer à travers les fenêtres. Ils ont hurlé 'Sortez!'.»
Le couple s'est alors rendu dans la rue et a été mis en joue par les soldats. Oleg et Irina ont levé les mains. «Les soldats m'ont demandé pourquoi je me cachais. J'ai répondu: 'Nous avons eu peur, vous nous avez tiré dessus!'» Selon elle, les militaires n'ont pas compris pourquoi ils avaient peur. Après tout, n'étaient-ils pas venus pour «libérer le pays des Nazis»?
Mis à genoux, puis une balle dans la tête
Mais les pires craintes d'Irina se sont réalisées. Une fois dehors, le couple a réalisé que les flammes causées par l'explosion commençaient à ravager la maison. Oleg s'est alors retourné pour tenter d'éteindre l'incendie, ignorant les ordres des soldats russes, qui se sont approchés et l'ont attrapé. «Ils lui ont retiré son pull et l'ont mis à genou. Puis ils lui ont tiré une balle dans la tête.»
La vie d'Irina a basculé en un instant. Comme si de rien n'était, les soldats lui ont ensuite demandé: «Où se trouvent les Nazis?» Sous le choc, l'Ukrainienne s'est jetée sur les soldats et leur a dit: «Tuez-moi aussi, maintenant!» Mais ils ont refusé. «On ne tue pas les femmes», lui a répondu un Russe.
Un sniper tire sur les gens dans la rue
La période de siège de Boutcha aura duré un mois. Un long mois terrible pour les habitants, qui n'ont pas pu quitter la ville. «Ils nous ont obligés à leur donner nos téléphones portables, témoigne Irina. Dans la rue, un sniper tirait sur les gens.»
Le père d'Irina, Vladimir, est lui aussi dévasté par l'occupation russe. «Tous nos bien ont brûlé, tous nos documents, tout ce que nous avions.» Selon lui, les soldats étaient biberonnés à la propagande du Kremlin et à peine conscients de leurs actes. «Ils ont dit qu'ils étaient Russes et qu'ils étaient venus nous libérer», confie-t-il à «Bild».
«Les Russes ont fait un safari sur les civils»
Après le massacre, Vitali et Wladimir Klitschko, le maire de Kiev et son frère, tous deux anciens champions de boxe, se sont rendus à Boutcha en compagnie du maire de la localité. Et ont constaté les dégâts subis.
Vitali Klitschko était révulsé. «Regardez, les gens ont été exécutés avec les mains attachées dans le dos, raconte-t-il au «Spiegel». Ils étaient impuissants. Les soldats russes ont fait un safari sur les civils. Nous avons compté 300 exécutions rien que dans cette petite ville. Il n'y a pas d'explication à cela. Pourquoi tuer des civils sans défense?»
L'ancien boxeur a ensuite osé les grands mots: «C'est un génocide contre les Ukrainiens. De combien de preuves le monde a-t-il encore besoin pour comprendre qu'un génocide est en cours?»
«L'armée de Poutine sème la mort partout où elle va»
Son frère, Wladimir Klitschko, prend du recul sur la situation: «Est-ce que ce sont des soldats qui gisent au sol, les mains liées et une balle dans la tête? Non. Pour moi, nous allons encore découvrir un grand nombre d'atrocités commises par les Russes sur les civils ukrainiens.»
«Ces horreurs ont lieu dans toute l'Ukraine, souligne-t-il. Elles ont eu lieu à Marioupol et dans le sud du pays. À Kiev, des civils ont été touchés par des missiles russes. L'armée de Poutine sème la mort partout où elle va.»
(Adaptation par Alexandre Cudré)