Des satellites comme cibles
La Russie déplace la guerre dans l'espace

Les satellites ont une place importante de la guerre en Ukraine, au même titre que les chars et les missiles. La Russie a récemment menacé d'attaquer les satellites au service de l'armée ukrainienne. Décryptage avec une experte.
Publié: 10.12.2022 à 16:06 heures
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Des images qui ont fait le tour du monde: des photos prises par satellites montrent les atrocités commises par la Russie à Boutcha.
Photo: Kievskiy Dvizh via Instagram/Maxar Technologies/Twitter/jsrailton
Chiara Schlenz

Les satellites commerciaux font partie intégrante de la défense ukrainienne contre l’armée de Vladimir Poutine. Ils permettent le suivi des mouvements militaires russes, la liaison des troupes ukrainiennes sur le champ de bataille, ou encore l’identification des couloirs humanitaires et la collecte de preuves de crimes de guerre.

«Les sociétés Maxar et Starlink ont joué un grand rôle dans la lutte contre la désinformation russe», soutient Kaitlyn Johnson, experte en guerre spatiale et directrice adjointe du Center for Strategic and International Studies (CSIS) à Washington. Grâce aux images récoltées par leurs satellites, l’Ukraine a pu diffuser la vérité sur les destructions massives et les atrocités commises par les troupes russes, mais aussi élaborer des stratégies.

La Russie ne dispose pas des mêmes ressources

Un problème pour la Russie, car elle ne dispose pas d’une telle technologie. Cela explique qu’elle ait déjà utilisé des brouilleurs de satellite avant l’invasion, suivie le 24 février d’une frappe réussie contre l’entreprise de satellites ViaSat, qui assure les communications du gouvernement ukrainien. Starlink d’Elon Musk a également été victime de brouillage.

Ces attaques n’ont été que partiellement couronnées de succès, mais Kaitlyn Johnson prévient: «Je pars du principe que la Russie continuera à mener des attaques terrestres contre des satellites.» Un fonctionnaire du ministère russe des Affaires étrangères a menacé fin octobre que les satellites commerciaux pourraient à nouveau «devenir une cible légitime pour des mesures de rétorsion».

Première guerre spatiale commerciale?

Les experts parlent déjà de la «première guerre spatiale commerciale». Mais qu’est-ce que cela signifie? Selon Kaitlyn Johnson, il existe plusieurs façons pour la Russie d’attaquer les infrastructures spatiales: des cyberattaques, des brouilleurs terrestres, des armes spatiales et des armes antisatellites (ASAT) – c’est-à-dire des missiles lancés depuis la Terre qui abattent un satellite en orbite ou qui explosent à proximité de celui-ci.

En novembre dernier, la Russie a testé un modèle d’ASAT, ce qui a provoqué un tollé international. Lors de ce test, un satellite a effectivement été touché pour la première fois au monde. Selon «Arms Control», 1500 débris ont été projetés en orbite basse, mettant en danger les opérations spatiales et les vols habités.

Que se passe-t-il si la Russie lance des satellites?

Les astronautes de la Station spatiale internationale (ISS) ont dû s’abriter à plusieurs reprises pour éviter d’être touchés. «Les débris causés par ce test dangereux et irresponsable vont maintenant menacer les satellites et autres objets spatiaux qui sont vitaux pour la sécurité et les intérêts économiques et scientifiques de toutes les nations pour les décennies à venir», avait alors déclaré le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken.

A l’époque, la Russie avait visé son propre satellite «Cosmos 1408», en circulation depuis 1982. Cependant, Kaitlyn Johnson ne pense pas qu’une attaque de missiles russes contre des satellites d’autres pays soit possible, car la Russie dispose de trop peu de missiles de ce type.

En effet, pour perturber de manière significative les systèmes de Maxar et SpaceX par exemple, il faudrait attaquer des constellations de satellites. Mais même si l’on écarte la possibilité d’une attaque par des missiles ASAT, les brouilleurs et les cyberattaques utilisés au début de la guerre causent déjà de gros problèmes.


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