25 millions d’euros. Pour deux millions de Palestiniens coincés sous les bombes israéliennes à Gaza. Ce chiffre est celui que l’Union européenne va annoncer ce jeudi 9 novembre lors de la conférence internationale humanitaire organisée à Paris par Emmanuel Macron. 25 millions d’euros en plus, soit 100 millions d’euros d’aide européenne pour 2023, afin de secourir une population emprisonnée et à la merci du pire. Est-ce suffisant? Bien sûr que non. La vérité est que la tragédie humanitaire à Gaza est, aussi, la tragédie de l’impuissance internationale. Et ce, pour au moins cinq raisons.
Aider Gaza, mission impossible
C’est la réalité. Chaque jour, les images des chaînes de télévision montrent des convois de camions entrant dans la bande de Gaza à partir du poste-frontière de Rafah, coté égyptien. Des évacuations médicales ont pu aussi avoir lieu vers l’Égypte. Une cargaison de fournitures médicales et de médicaments est parvenue à l’hôpital Al-Shifa dans le nord de la bande de Gaza, ont indiqué mercredi 8 novembre les Nations Unies. Les Européens ont promis un couloir humanitaire maritime, avec Chypre pour base arrière. Soit. Mais tout cela permet juste à la population palestinienne de survivre dans des conditions atroces. Le navire Tonnerre dépéché par la France ne peut accueillir que quelques blessés. Les appels à un cessez-le-feu de trois jours pour permettre aux humanitaires d’accéder à la partie de la bande de Gaza dévastée par les pilonnages et les combats, en échange de la libération d'une partie des 230 otages toujours détenus par le Hamas restent sans réponse. Même Joe Biden ne parvient pas, jusque-là, à faire plier Israël.
Aider Gaza, l’autre guerre souterraine
Le spectacle des deux millions de Palestiniens entassés au sud de la bande de Gaza donne une idée de l’apocalypse humanitaire qui s’y déroule. A Paris, les promesses de dons vont sans doute affluer. Mais il ne faut pas se leurrer: la guerre en cours consiste aussi, pour l’armée israélienne, à mettre à genoux les civils palestiniens, pour les obliger par la force à se dissocier du Hamas qui les prend en otage. Le Hamas, de son côté, fait sans doute tout pour garder la mainmise sur les secours, tandis que ses combattants se fondent dans la population en fuite. Une autre guerre a lieu, et elle durera tant que l’accès à Gaza ne sera pas rouvert pour les grandes organisations humanitaires.
Aider Gaza, un casse-tête politique
L’Union européenne est le premier bailleur de fonds des Palestiniens. Emmanuel Macron veut utiliser ce levier pour que la diplomatie de l’UE puisse exister dans la région, avec, dans le viseur, une possible conférence pour la paix en Espagne. Mais avec quels partenaires? Les pays arabes qui avaient entrepris de se rapprocher d’Israël ont tous pris leurs distances. Le Qatar est dans une position de médiateur pour les otages détenus par le Hamas. Les États-Unis tiennent, sur ce dossier du Proche-Orient, à garder le leadership pour toute initiative. L’humanitaire est, de facto ici, dans la pire des situations: on prolonge les souffrances d’un peuple assiégé.
Aider Gaza, c’est réhabiliter l’UNRWA
Voilà un sigle onusien qui incarne l’affaissement des Nations unies. L’UNRWA, l’agence d’aide de l’ONU aux Palestiniens, est depuis des années en difficulté financière. Donald Trump avait coupé les fonds américains. Les pays européens, Suisse incluse, lui apportent leur soutien, mais Israël n’a cessé de l’accuser ces dernières années. Or l’UNRWA est l’agence qui, avec le Comité international de la Croix Rouge, connaît le mieux ce territoire. Le chef de l’UNRWA, le suisso-italien Philippe Lazzarini, a promis de rester aux côtés des Palestiniens. La conférence de Paris peut-elle déboucher sur une nouvelle donne?
Aider Gaza, c’est se confronter au Hamas
Il y a les pressions du Hamas pour encadrer l’aide humanitaire qui parvient aux civils palestiniens assiégés dans la bande de Gaza. Mais il y a aussi un autre défi: celui des services sociaux, des camps qui devront inévitablement ouvrir pour accueillir les réfugiés privés de domicile, l’enjeu des hôpitaux que le Hamas est accusé d’utiliser comme bases. Quelles garanties le mouvement palestinien est-il prêt à donner aux organisations humanitaires? Qui, d’ailleurs, va parler en son nom à Paris? La tragédie de Gaza n’est pas seulement celle d’une population prise dans l’étau de la guerre. Elle est aussi celle d’une population bâillonnée et prisonnière.