Panique à bord. Avec une perte trimestrielle de plus de 4 milliards de francs, Credit Suisse (CS) est dans la tourmente. La banque a annoncé une profonde restructuration jeudi, dont la suppression de plusieurs milliers de postes.
Mais ce n’est pas tout: une augmentation de capital de 4 milliards de francs au total doit aider à remettre à flot l’institution – avec notamment un important investissement en provenance d’Arabie saoudite. La Saudi National Bank a investi 1,5 milliard et s’assure ainsi 9,9% des parts de CS. Elle devient du coup l’un de ses plus grands actionnaires.
«Un danger pour la Suisse»
Du côté de la gauche, le fait qu’un Etat de non-droit entre dans la danse ne plaît guère. «CS est un grand groupe dans un secteur économique stratégique qui ne doit pas être contrôlé par des Etats étrangers, insiste le conseiller national PS Fabian Molina. Le contrôle de telles entreprises par des Etats étrangers est un problème pour la démocratie et la sécurité de la Suisse.»
Il renvoie à une motion du conseiller aux Etats du Centre Beat Rieder, adoptée par le Parlement, qui demande l’introduction de contrôles des investissements. «Malheureusement, le Conseil fédéral a fait traîner la motion et veut la mettre en œuvre de manière assez laxiste, déplore Fabian Molina. J’attends du Conseil fédéral qu’il empêche systématiquement que des entreprises d’importance stratégique passent sous le contrôle d’Etats étrangers.»
Beat Rieder souhaite que les mesures prises par la banque passent sous la loupe: «Il est clair que si CS est d’importance systémique pour la Suisse, chaque participation doit être analysée en détail.»
«Il ne s’agit pas de politique»
Le conseiller national PLR et manager de banque Hans-Peter Portmann est plus serein. «Investir dans le domaine financier n’est pas la même chose que d’investir dans l’économie en soi, explique le Zurichois. Par exemple, lorsque les Chinois investissent dans des infrastructures de transport, ils le font pour des raisons politico-stratégiques.»
Le cas de CS est tout autre, précise-t-il. Pour les Saoudiens, il s’agit d’un investissement aux motifs purement financiers. «Ils voient un grand potentiel de profit sur les cinq à dix prochaines années. Il ne s’agit pas de politique.» De plus, la participation reste minoritaire.
Son jugement quant à la participation d’un Etat de non-droit est également plus nuancé que celui de ses collègues de la gauche. Selon lui, si on se tenait à cet argument, il faudrait cesser toutes affaires avec de nombreux pays: «Pensez par exemple aux rapports de torture de Guantánamo, nous ne devrions plus non plus commercer avec les Etats-Unis.» Il souligne toutefois que les violations des droits de l’homme sont inexcusables, peu importe la nation.
Un virage fondamental de la culture d’entreprise s’impose
Pour Hans-Peter Portmann, la question de savoir si Credit Suisse parviendra à redresser la barre est bien plus primordiale que la question de la participation saoudienne. «Un premier pas a certes été fait dans la bonne direction, mais un virage fondamental de la culture d’entreprise est nécessaire», estime-t-il.
«Tant que le critère qui conduit à des salaires de plusieurs millions reste principalement celui des chiffres d’affaires et des revenus individuels, le problème persistera, poursuit Hans-Peter Portmann. Il faut davantage de compétences sociales au sommet et une bonne gouvernance au niveau mondial.»