«Dérangeant», «embarrassant» et «insupportable»
«Retourne d'où tu viens»: une nouvelle émission de télé-réalité fait scandale

L'émission «Go Back to Where You Came From» de Channel 4 divise l'opinion publique au Royaume-Uni. Ce programme immersif place des Britanniques dans la peau de réfugiés, suscitant de nombreuses critiques.
Publié: 07:56 heures
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Dernière mise à jour: 09:22 heures
Les six participants britanniques à l'émission «Go Back to Where You Came From».
Photo: Channel 4
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Solène MonneyJournaliste Blick

Channel 4, chaîne de télévision anglaise, a décidé de faire d'un drame humain, un jeu. En effet, depuis lundi 3 février, elle a lancé une nouvelle émission pour le moins... surprenante. Baptisée «Go Back to Where You Came From» ou «Retourne d'où tu viens» en français, cette télé-réalité divise les Anglais. Entre curiosité et critiques. 

Le concept? Une expérience immersive dans la peau d'un réfugié cherchant à rejoindre le continent européen. Pour ce faire, des candidats, triés sur le volet, doivent rejoindre, depuis la Somalie ou la Syrie, Londres par n'importe quel moyen. Ce qui implique la traversée en canot pneumatique de la Manche. Une route dangereuse qui fait de nombreux morts chaque année. 

Les candidats? Six britanniques, plus au moins opposés à l'immigration, divisés en deux équipes. Dans les épisodes, les spectateurs retrouvent un florilège de propos «raciste» et «islamophobe», rapporte «20 minutes» France. La production se défend en expliquant qu'elle ne fait que reporter des opinions réelles. 

Evolution des candidats

Se présentant comme pédagogique, l'émission aurait pour but de comprendre le parcours périlleux et les dangers rencontrés par les personnes réfugiées. En parallèle, les spectateurs observent le changement de mentalité des candidats. 

Justement, un des participants, Dave, est bien corcé. Il suggère par exemple d’installer des mines pour faire exploser les embarcations lorsqu'elles tenteraient de s'approcher des côtes britanniques. Dans l'émission, ce même candidat passe de «j’ai toujours eu un peu peur des musulmans» à «je suis arrivé là-bas et c’étaient les gens les plus gentils que j’ai rencontrés de ma vie». 

Exploitation du vécu

Dans la presse britannique, les critiques fusent. Le «Guardian» parle d’un programme «profondément embarrassant». «The Conversation» le juge quant à lui «dérangeant» et «presque insupportable par moments». De son côté, le journal «Metro» dénonce une exploitation du vécu des réfugiés, la perpétuation de clichés racistes et l’idée selon laquelle il faudrait exposer des expériences traumatisantes pour donner de la valeur à la vie humaine.

Face aux critiques, la productrice Emma Young défend le concept: «Je voulais rendre ce sujet plus accessible. Beaucoup ne regarderaient pas un documentaire traditionnel sur le sujet. Nous avons cherché un moyen de les intéresser.»

Mais pour Amnesty International et Care4Calais, l’émission est une erreur. «Vous ne pouvez pas imiter l’expérience de la guerre, de la torture, de la persécution et de l’esclavage moderne à travers le prisme aseptisé de la télé-réalité», déclare au «Times» le directeur de Care4Calais.

Des avis plus nuancés

Plus mesuré, Gareth Benest, directeur d’une association caritative britannique, regrette une mise en scène où «des Britanniques se promènent dans une ville déchirée par la guerre en véhicules blindés, la qualifiant à plusieurs reprises de 'trou à rats'». Cependant, il reconnaît que l’émission a au moins le mérite de «mettre en lumière les expériences des réfugiés».

Un chiffre toutefois ne relève pas de la télé-réalité, mais fait froid dans le dos: depuis 2014, plus de 40'000 exilés ont perdu la vie en Méditerranée.

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