Dans une France divisée
Comment Macron peut encore présider et l'emporter

Le camp présidentiel français se retrouve en difficulté avec le premier tour des législatives de dimanche. Emporter une majorité de députés le 19 juin reste possible, mais Emmanuel Macron a clairement perdu son flanc gauche. Sa future coalition sera marquée à droite.
Publié: 13.06.2022 à 09:18 heures
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Dernière mise à jour: 13.06.2022 à 09:22 heures
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Emmanuel Macron devra peser de tout son poids dans les législatives au vu du deuxième tour.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Cette semaine sera bien celle de tous les dangers politiques pour Emmanuel Macron et sa coalition présidentielle Ensemble. Deux hypothèses opposées se profilent en effet dans les urnes dimanche prochain: soit l’obtention à l’arraché d’une majorité pour le chef de l’État français réélu le 24 avril (avec 58,5% des voix contre Marine Le Pen), soit une défaite électorale qui obligerait son gouvernement à négocier avec d’autres formations afin de faire voter ses projets de loi à l’Assemblée nationale.

Victoire au cordeau ou défaite assurée de transformer son second mandat présidentiel en terrain miné, avec le leader de la gauche Jean-Luc Mélenchon en embuscade? Le résultat des urnes ce dimanche, avec 25,7% des suffrages pour le camp présidentiel contre 25,5% pour la Nouvelle Union Populaire Ecologique et sociale (NUPES), soit seulement 20'000 voix d’écart… confirme à la fois les fractures politiques de la France et l’obligation, pour Macron, de s’investir dans la bataille législative. En prenant tous les risques. Les leçons du scrutin.

Emmanuel Macron n’attire plus les électeurs de gauche

C’est fini. Les électeurs de gauche modérés qui votent encore pour Emmanuel Macron sont en voie de disparition. En formant une alliance de gauche solide avec les communistes, les socialistes et les écologistes, Jean-Luc Mélenchon a ressuscité le clivage droite-gauche que le président français croyait avoir pulvérisé. Au soir de ce premier tour dimanche, la liste de promesses sociales faites par le leader de la gauche, bien campé sur des positions radicales, a bien montré l’ampleur des différences. Voici Emmanuel Macron le dos au mur, renvoyé à une image de président gardien de l’ordre budgétaire européen et ignorant des difficultés rencontrées par les Français.

Le remède:

Le locataire de l’Elysée est d’autant plus en difficulté sur ce terrain social qu’il est aussi attaqué depuis le début de la campagne sur le pouvoir d’achat par Marine Le Pen, la candidate du Rassemblement national, le parti national populiste qui pourrait enfin décrocher un groupe parlementaire et obtient près de 19% des voix au plan national. Cette rupture avec l’électorat de gauche confirme le glissement du Macronisme vers le centre droit. Sur le papier, et malgré la nomination comme première ministre d’Elisabeth Borne venue du Parti socialiste, cela paraît évident: si Macron a besoin d’alliances après le second tour, elles auront lieu avec les conservateurs des «Républicains» qui devraient tout de même, avec 13% des voix, conserver environ 70 députés.

Emmanuel Macron paie le prix de sa non-campagne

Le mois et demi écoulé depuis la nette réélection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République Française restera comme un point d’interrogation. Pas d’offensive présidentielle sur quelques mesures clés, sauf la réaffirmation de sa volonté de repousser l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans (contre 62 actuellement) alors que Mélenchon veut le ramener à 60 ans. Une première ministre inconnue du grand public, peu charismatique et surtout occupée à se faire élire dans sa circonscription normande du Calvados (où elle est arrivée en tête ce dimanche).

Des mesures d’aide au pouvoir d’achat pas assez visibles et fortes pour s’imposer dans l’opinion. Emmanuel Macron a payé au premier tour le prix fort de sa non-campagne et de ses demi-mesures. Ses attaques répétées contre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen à propos de leurs compromissions passées avec la Russie n’ont pas porté. Tout s’est joué dans les urnes sur la situation intérieure.

Le remède:

Voici donc le président Français obligé de faire ce qu’il a entamé avec retard ces jours-ci: redevenir l’hyper-président qui s’occupe de tout, plonger dans l’arène politique et convaincre les Français de lui donner les moyens de gouverner durant les cinq prochaines années. Possible, mais risqué, car Macron est aussi détesté par une bonne partie de l’électorat.

Emmanuel Macron doit mobiliser et reparler aux jeunes

La très faible participation au premier tour des législatives (moins d’un Français sur deux est allé voter, une participation plus faible qu’aux législatives de 2017) explique largement le résultat de ce dimanche. Jean-Luc Mélenchon, populaire parmi les jeunes, a d’ailleurs lancé un appel clair aux électeurs, les invitant à «déferler» sur les urnes le 19 juin.

S’il est entendu, et si les moins de 35 ans se mobilisent, en particulier autour des thèmes écologiques et de la lutte contre l’inégalité que l’Union de la gauche martèle, le camp présidentiel pourrait connaître une défaite.

Le remède:

Emmanuel Macron n’a pas d’autre choix que de viser le même objectif. Son électorat, puisé en gros dans la France raisonnable et qui va bien, doit être remobilisé. Le président doit aussi démontrer qu’il reste ce chef de l’État de 44 ans, qui comprend mieux les défis de la jeunesse que Jean-Luc Mélenchon, âgé de 70 ans. Macron a l’avantage du mode de scrutin (un député élu par circonscription) qui favorise les sortants.

Le camp présidentiel peut aussi puiser dans deux réservoirs de voix bien identifiés: les retraités (toujours plus nombreux à voter) rétifs au changement et les conservateurs, qui voudront faire barrage aux promesses de Mélenchon. Mais attention: plus la participation sera élevée, plus la bataille électorale sera rude

Emmanuel Macron doit diaboliser Jean-Luc Mélenchon

Un bloc centriste raisonnable confronté à la poussée des extrêmes qui vont conduire la France à la faillite économique et géopolitique, car Mélenchon et Le Pen sont «soumis» à la Russie de Poutine: tel est le refrain qu’Emmanuel Macron et son camp vont répéter cette semaine. Logique: c’est ainsi que le président peut l’emporter, en semant le doute dans la capacité de ses adversaires à gouverner la France.

Le raisonnement est simple: une cohabitation avec une majorité d’opposition dominée par la gauche radicalisée serait dommageable pour le pays, surtout si cette gauche reçoit en plus l’appui au parlement des députés d’extrême-droite. Macron, qui occupe jusqu’à la fin juin la présidence tournante de l’Union européenne, va se présenter comme le rempart contre un chaos économique, financier et social annoncé.

Le remède:

Il faut 289 députés sur 577 pour obtenir la majorité absolue. Pour les obtenir, le Chef de l’État doit diaboliser son principal adversaire Jean-Luc Mélenchon, et insister sur le risque d’une alliance possible des extrêmes au parlement, même si Marine Le Pen a exclu tout vote en faveur des candidats de la NUPES. Macron va répéter qu’une cohabitation serait synonyme d’un pays fracturé, à l’arrêt et mis de côté par ses partenaires européens.

Résultat: un déplacement quasi-automatique du curseur présidentiel vers la droite. Macron le «disrupteur» de 2017 est devenu, ironie du sort, le conservateur de 2022. Difficile, dans ces conditions, de prétendre encore vouloir et pouvoir «transformer» la France.

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