Jean-Luc Mélenchon a réussi son pari de ramener la gauche française aux portes du pouvoir. Rien n’est fait à l’issue du premier tour des législatives françaises qui s’achève ce dimanche à 20 heures, mais les premières estimations donnent toutes la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES) au coude à coude avec la coalition Ensemble du président Emmanuel Macron.
En nombre de voix, la NUPES ferait jeu égal avec Ensemble, autour de 25% des voix pour chaque camp. Un chiffre qui ne permet pas encore de projeter avec précision le futur nombre des députés car le scrutin français par circonscription se joue pour l’essentiel au second tour, au terme de duels.
Un risque réel pour la majorité sortante
Une chose parait toutefois certaine: avec près de 200 députés, l'alliance de gauche devrait se retrouver avec une force parlementaire sans commune mesure avec la vingtaine de députés sortants de «La France insoumise». Le risque est réel pour la majorité sortante, même s'il faudra attendre encore quelques heures pour y voir clair.
Il faut 289 députés pour obtenir la majorité absolue des sièges. Or cela pourrait rater: les estimations disponibles à 20h15 donnent la coalition «Ensemble» entre 270 et 310 sièges. 270... cela voudrait dire que le chef de l'État français devra négocier avec d'autres formations.
L'épineuse question du report des voix au second tour
Jean-Luc Mélenchon a incontestablement su créer une dynamique à gauche au lendemain de son échec présidentiel. Et cette dynamique a payé. Le Rassemblement national de Marine Le Pen obtient aussi un score très élevé en voix avec prés de 19%, tandis que la droite traditionnelle est créditée d'un score entre 11 et 13% des voix selon les chiffres obtenus par Blick avant la fermeture des bureaux de vote.
La question du report éventuel des voix du RN sur les candidats mélenchonistes au second tour va donc se poser, même si la coalition présidentielle peut compter sur des réservoirs de suffrages. Marine Le Pen, en position de force pour être réélue le 19 juin dans sa circonscription du Pas-de-Calais, a de suite dénoncé le risque «d'un tunnel sans lumière si Emmanuel Macron obtient une majorité». Elle s'est félicité d'un prochain groupe parlementaire important. Elle a en revanche refusé d'appeler les électeurs du RN à se porter sur les candidats de la NUPES. Du coté de l'extrême-droite, l'ex polémiste Eric Zemmour serait éliminé dans le Var. Son parti Reconquête subit au niveau national un échec cinglant.
Tout va donc dépendre de la participation dimanche prochain. Ce dimanche, moins d’un Français sur deux s’est rendu aux urnes, comme on s’y attendait. Il y a eu moins de votants qu'aux législatives de 2017. Les résultats vont s'affiner dans la soirée au fur et à mesure du dépouillement dans les métropoles où les bureaux de vote ont fermé à 20 heures.
Une majorité difficile à obtenir: tel est le message des urnes
«Le seul qui ait mené campagne, qui a imposé sa stratégie et ses thèmes est Jean-Luc Mélenchon. Les urnes confirment cette nouvelle donne politique. Mais attention: une autre leçon de ce scrutin est le fait qu'une grande partie des électeurs ne veut pas donner de majorité à une seule force politique. C'est sans précédent» a aussitôt commenté l'éditorialiste Alain Duhamel. Le système présidentiel français assure un prédominance incontestable à l'exécutif mais celui-ci a besoin d'une majorité à l'Assemblée nationale pour gouverner. Le visage du quinquennat n'a rien à voir avec celui de 2017, lorsqu'Emmanuel Macron avait obtenu dès le premier tour un tsunami de députés en sa faveur, puis une majorité absolue au second tour pour sa formation «La République en marche».
Des résultats à l'image d'une France écartelée
Deux défis à ce stade pour Emmanuel Macron. Le premier est de convaincre son électorat centriste de se mobiliser pour faire barrage à l’offensive Mélenchon qui, si elle se confirme, pourrait permettre à la NUPES d’atteindre entre 160 et 200 sièges sur les 577 de l’Assemblée nationale. Il montera sans doute au créneau pour demander le soutien des électeurs afin de gouverner le pays. Il jouera aussi la carte internationale avec un déplacement cette semaine en Roumanie puis en Moldavie, avant peut être d'effectuer une visite à Kiev en Ukraine.
Le second défi pour Emmanuel Macron sera d’ouvrir un front à droite, dans l’espoir qu’une partie des électeurs conservateurs se tourne vers la majorité, ou que les élus de la droite traditionnelle acceptent de rejoindre une future majorité. «La coalition présidentielle paie le prix d’une non campagne» confirme, à la sortie des urnes, le sénateur pro-Macron André Gattolin à Blick. La première ministre Elisabeth Borne, candidate dans le Calvados, arrive en tête dans sa circonscription mais elle devra batailler contre un candidat de la gauche unie. Ses propos dimanche soir ont donné le ton: faire barrage aux extrêmes et à la «confusion inédite» qu'elles engendrent. «Ensemble» est «la seule capable d'avoir une majorité» a-t-elle affirmé, accusant Jean Luc Mélenchon de s'en prendre aux forces de l'ordre, d'attaquer l'Europe et de miner la laïcité.
Quinze ministres se présentent aux législatives et les perdants devront probablement quitter le gouvernement. L'un d'entre eux a déjà échoué: Jean-Michel Blanquer, ministre sortant de l'Éducation nationale, est éliminé dans le département du Loiret (centre).
Tous les ingrédients d'un assaut mélenchoniste au 2e tour
Jean-Luc Mélenchon a, lui, tous les ingrédients d’un nouvel assaut sur les urnes. Il l'a lancé dès 20h30, demandant aux «Français de déferler dès dimanche dans les urnes pour un futur d'harmonie entre les êtres humains et avec la nature, pour rejeter les projets funestes de l'actuel président». Et de promettre le retour de la retraite à 60 ans, et l'augmentation du salaire minimum mensuel à 1500 euros. Son objectif est évident: mobiliser les jeunes français qui se sont souvent abstenus ce dimanche. Le leader de la gauche française va sans doute battre le rappel écologique en affirmant qu’il peut bel et bien «se faire élire premier ministre» comme il le demande depuis la présidentielle.
On savait la France écartelée et le paysage politique radicalisé. Ce premier tour des législatives vient à nouveau d’en apporter la preuve.