Cycliste mythique
Se souvenir de Gino Bartali, le champion qui sauva l'honneur du cyclisme

Voir le Tour de France faire escale en Suisse est une excellente occasion de replonger dans l'histoire de cette compétition cycliste mythique. Un coureur y a tissé sa légende dans l'honneur durant la Seconde Guerre mondiale: l'Italien Gino Bartali.
Publié: 09.07.2022 à 14:31 heures
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Dernière mise à jour: 09.07.2022 à 14:32 heures
Le Tour de France cycliste est une compétition mythique. Son escale en Suisse, les 9 et 10 juillet, est l'occasion de revisiter son histoire et celle d'un champion qui sauva son honneur: Gino Bartali
Photo: Richard Werly
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Richard WerlyJournaliste Blick

Certains champions ne triomphent pas seulement dans leur discipline sportive. Ils sont aussi des modèles, au regard de l’histoire, pour les générations d’athlètes qui leur ont succédé, et pour le public tout entier. Tel fut le cas, durant la Seconde Guerre mondiale, de Gino Bartali, disparu le 5 mai 2000 et vainqueur du Tour de France à deux reprises, en 1938 et 1948.



Un livre passionnant, édité en collection de poche, vient de lui rendre hommage. Sa lecture est idéale pour compléter le spectacle des coureurs qui arriveront ce samedi 9 juillet à Lausanne, et repartiront dimanche 10 juillet d’Aigle vers les Alpes, pour la première étape de montagne de la compétition. «Un vélo contre la barbarie nazie» (éd. Ekho) dit la légende vraie de Bartali, ce champion qui sauva jadis l’honneur de son sport et de la compétition.

Première victoire au Tour de France en 1938

Nous sommes en 1943. Bartali, natif de Ponte a Ema, près de Florence, est déjà auréolé de sa victoire lors du Tour de France de 1938. Il ne vit que pour le vélo, son compagnon de tous les instants. «Pour Gino Bartali, le vélo était un membre à part entière de sa propre famille. Il dormait avec sa bicyclette qu’il conservait soigneusement dans sa chambre, écrit l’auteur de cette biographie, Alberto Toscano, l’un des correspondants étrangers les plus connus de Paris. Comme d’autres grands champions, il aimait nettoyer personnellement son vélo après chaque course et chaque entraînement.»


Le voici plongé dans les affres de la guerre mondiale. L’Italie fasciste de Mussolini finit par s’associer aux plans hitlériens d’extermination des juifs. Bartali prête ses deux roues à la liberté. Il sauvera plus de 800 juifs d’une mort certaine: «Il s’agissait de cacher et de transporter des faux papiers d’identité, nécessaires pour sauver beaucoup de vies humaines. Gino sait que les barres de son vélo de course sont vides à l’intérieur. Il sait les démonter et les remonter à toute vitesse. Il peut enlever selle et tige de selle…»

Le boulet historique de l’occupation

Le Tour de France qui fait escale ce week-end en Suisse porte la période de l’occupation comme un sombre boulet historique. Pendant qu’ils occupaient l’hexagone, les nazis décidèrent de relancer cette course, dans l’espoir de fédérer «tous les Français». Du 28 septembre au 4 octobre 1942, un ersatz de la compétition a lieu, baptisé «le Circuit de France». La honte de la collaboration colle au peloton. Le patron historique du Tour, Jacques Goddet, qui a participé à cette opération peu reluisante, doit patienter et se faire oublier à la libération.

Le Tour de France reprend en 1947. Bartali le remporte en 1948. Il s’est entraîné sur les routes durant la guerre, convoyant papiers et laissez-passer: «En moulinant des milliers de kilomètres, Gino fera tout pour être remarqué comme le grand Bartali raconte Alberto Toscano. Etant un champion, il avait le prétexte de l’entraînement. Il était facilement reconnaissable. Il portait souvent, durant ses déplacements, un maillot avec son nom écrit en grand dessus.»

Son vélo rime avec humanité

Gino Bartali roule. Il passe des messages. Son vélo rime avec humanité. «Les entraînements de Bartali passaient par des couvents qui cachaient les persécutés. Son message est un hymne à l’espoir, à l’optimisme» poursuit l’auteur. Qui connaît aujourd’hui, dans le peloton qui va traverser le canton de Vaud, cette figure historique du cyclisme éclipsée, il est vrai, par un autre géant italien, Fausto Coppi (1919-1960)? Lequel battit le record de l’heure en 1942, en pleine guerre mondiale. Coppi dont l’avènement sur la selle intervint au Tour d’Italie, en juin 1940. Avant d’affronter en décembre 1940 au vélodrome de Zürich le champion suisse de poursuite Ferdy Kübler, et de l’emporter devant le public helvète.

«Gino, peux-tu gagner le tour?»

Il y a une autre analogie entre le Tour de France 2022 et celui que remporta Gino Bartali en 1948. Cette année-là aussi, l’épreuve passait sur le sol suisse. «Le Tour de 1948 est particulièrement dur note Alberto Toscano. Sur les 120 qui prennent le départ le 30 juin à Paris, seulement 44 arriveront dans la capitale le 25 juillet, après un parcours de 4922 kilomètres en 21 étapes, dont celles des Alpes qui se déroulent dans des conditions météo difficiles. La course débordait en Italie, en Suisse et en Belgique.»

Une analogie qui dit l’importance du Tour auprès du public. Le poids politique du vélo. En 1948, au bout du téléphone, alors qu’il est en Suisse, Gino Bartali décroche. Son interlocuteur est le grand dirigeant italien Alcide de Gaspéri, l’un des pères de l’Union européenne. Sa question est simple: «Gino, peux-tu gagner le tour, l’Italie a besoin de bonnes nouvelles.» Deux semaines plus tard, Bartali a le maillot jaune sur les Champs-Elysées. Avec «Gino le juste», la morale, la solidarité, le courage et l’honneur l’ont emporté.

A lire: Gino Bartali, «Un vélo contre la barbarie nazie» (éd. Ekho)

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