Après deux brèves apparitions sur le balcon du palais de Buckingham jeudi, la monarque de 96 ans, qui a du mal à marcher, est restée à l'écart des principales festivités de son jubilé de platine. Elle n'a assisté ni au service religieux de vendredi, ni samedi à ses bien aimées courses hippiques, ni au concert géant devant son palais, et ne s'est pas exprimée en public.
Elle a laissé ses héritiers, Charles, 73 ans, William, bientôt 40 ans et George, huit ans, au premier plan, confirmant son retrait progressif de ces derniers mois et l'impression de nombreux participants des célébrations de la fin d'une époque, après un règne sans précédent entamé le 6 février 1952 dans un Royaume-Uni encore Empire colonial et soumis aux rationnements d'après-guerre.
Parenthèse en pleine inflation
Buckingham Palace n'a pas précisé si Elizabeth II, désormais frêle, referait une apparition finale dimanche, à l'occasion de la parade réunissant militaires, danseurs, marionnettistes et artistes, qui se terminera devant le palais en fin d'après-midi.
L'événement mettra un point final aux quatre jours fériés de célébrations, parenthèse pour les Britanniques en période d'inflation galopante et de scandales politiques, avec une motion de censure semblant de plus en plus imminente contre le premier ministre Boris Johnson.
Ed Sheeran au programme
Le carrosse d'or d'État, vieux de 260 ans, utilisé pour les mariages royaux et les couronnements, ouvrira la parade qui célébrera «la reine et le pays» avec un défilé militaire, puis «les meilleurs moment de notre vie» (70 ans de mode, musique et culture), «la vie de la reine» en douze chapitres, avant un final en musique.
Ed Sheeran doit notamment interpréter sa célèbre ballade «Perfect» en l'honneur de la reine et du prince Philip, son époux décédé l'an dernier. Un dragon géant, sept bus à deux étages et des marionnettes de chiens corgis, les favoris de la reine, seront aussi de la fête.
Malgré une météo morose, des millions de personnes devaient participer à des déjeuners et pique-niques entre voisins, célébrant joyeusement le règne historique d'une reine extrêmement populaire, à la fois proche et mystérieuse, symbole rassurant de stabilité dans un siècle de grands bouleversements.
Une vidéo pour se faire pardonner
À Windsor, 488 tables ont été dressées sur l'allée menant au château où réside la reine, tandis que le prince Charles et son épouse Camilla se sont joints à un déjeuner sur un terrain de cricket.
Malgré son absence du concert organisé en son honneur samedi soir, Elizabeth II, connue pour son sens du devoir mais aussi son humour, avait réservé une jolie surprise à ses sujets.
Elle avait tourné une petite vidéo où elle prend le thé avec l'ours Paddington, maladroite icône de la littérature enfantine britannique. Elle a ensuite battu la mesure avec une cuillère d'argent sur sa tasse de porcelaine, synchronisée avec l'ouverture du concert.
«Un parfum d'adieu»
L'audience de l'événement a atteint un pic de 13,4 millions de téléspectateurs sur la BBC, signe de la force persistante de la monarchie dans un pays très divisé ces dernières années en raison du Brexit.
Nombre des participants aux festivités étaient conscients de la dimension historique du moment. Jamais aucun monarque britannique n'a régné aussi longtemps et il est improbable que ce record de 70 ans soit battu à l'avenir vu l'âge de ses héritiers.
«Inévitablement, ces célébrations avaient un parfum d'adieu», a estimé l'éditorialiste Tony Parsons dans le tabloïd The Sun. «Il y a eu une véritable joie à l'étranger et dans ce pays au cours des derniers jours. Mais il y a aussi la conscience aiguë que nous ne reverrons plus jamais un monarque comme celui-là.»
Une succession délicate
«The Observer», journal de gauche, a estimé que ce jubilé s'inscrivait «dans un long au-revoir qui a commencé avec sa présence solitaire aux funérailles de (son époux) le prince Philip l'année dernière».
La transition est en route, et même si la reine n'a aucune intention d'abdiquer, fidèle à sa promesse de 1947 de servir ses sujets toute sa vie, elle les prépare pour la suite. Son héritier, Charles, la représente de plus en plus souvent.
La succession s'annonce délicate: Charles est beaucoup moins populaire que sa mère, à 50% d'opinions favorables contre 75%. Seulement 32% des Britanniques pensent qu'il fera un bon roi (YouGov, avril 2022). Et la monarchie a été interpellée lors de récents voyages de membres de la famille royale, sur le passé esclavagiste de l'Empire britannique.
(ATS)