Près d'une semaine après le meurtre de Nahel et malgré le retour au calme engagé ce week-end, le dispositif policier des jours précédents est maintenu en France pour la nuit de lundi à mardi. Cela représente 45'000 policiers et gendarmes, a annoncé la Première ministre Elisabeth Borne, après avoir reçu les groupes politiques à Matignon.
Emmanuel Macron, après avoir reçu lundi les présidents des deux assemblées, rencontrera mardi les maires de plus de 220 communes ciblées par les violences.
«La démocratie attaquée»
Cette réception interviendra deux jours après la violente attaque à la voiture-bélier contre le domicile de Vincent Jeanbrun, le maire LR de L'Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), dimanche qui a provoqué une vive émotion dans le pays et les condamnations unanimes de toute la classe politique.
«C'est la démocratie elle-même qui est attaquée», a estimé le maire de L'Haÿ-les-Roses, qui a défilé lundi dans sa ville de banlieue parisienne aux côtés de nombreux élus. «Chacun de ses symboles sont aujourd'hui visés - nos élus, les professeurs, nos forces de l'ordre et de secours sont pris pour cible quotidiennement, nos policiers ne rentrent plus dans certains quartiers. Ça ne peut plus durer, ça ne durera pas», a-t-il ajouté.
«Stop, ça suffit», a lancé l'édile, avant que la foule - 2400 personnes selon la police - ne scande à sa suite «ça suffit!».
Nette accalmie
A l'appel de l'Association des maires de France (AMF), de nombreux rassemblements de soutien au maire de L'Haÿ-les-Roses se sont tenus à la mi-journée devant les hôtels de ville, notamment à Nanterre où le jeune Nahel est mort.
«Le temps est à l'apaisement», a insisté le maire de Nanterre, Patrick Jarry (DVG), soulignant qu'il fallait «rester sur cet appel de la famille de Nahel, de sa grand-mère», qu'il «remercie profondément».
Sur le terrain, une nette accalmie a été constatée. Dans la nuit de dimanche à lundi, le ministère de l'Intérieur a recensé 352 incendies sur la voie publique, 297 incendies de véhicules et trois blessés parmi les policiers et gendarmes engagés, des chiffres en très net recul par rapport à la nuit précédente.
Mesures de soutien nécessaires
Après six jours de violences et d'actions de pillages, les principales organisations patronales françaises ont de leur côté appelé lundi le gouvernement à mettre en place des mesures de soutien en faveur des commerçants et entrepreneurs affectés notamment un «fond de secours» pour «ceux qui ont tout perdu».
Et en Ile-de-France, l'heure est au premier bilan : les émeutes ont causé «au moins 20 millions d'euros de dégâts» pour les transports publics, des bus brûlés au mobilier urbain cassé, selon une première estimation d'Ile-de-France Mobilités (IDFM), autorité régionale des transports.
Par ailleurs, le troisième occupant de la voiture conduite par Nahel, 17 ans, dont la mort causée par le tir d'un policier a suscité une vague de violences urbaines dans tout le pays, a été entendu lundi par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), a appris l'AFP de source proche du dossier.
Recherché depuis les faits, cet homme s'est présenté de lui-même à 11h00 devant la «police des polices». Le policier, auteur du tir qui a tué Nahel après un refus d'obtempérer, a lui été mis en examen pour homicide volontaire et est toujours écroué.
Cagnotte
Une cagnotte de soutien à sa famille lancée sur internet il y a quatre jours recueillait lundi après-midi plus d'un million d'euros, suscitant l'indignation d'une partie de la classe politique. Une initiative et un succès qualifiés d'"indécence et horreur absolue» par la députée LFI du Val-de-Marne, Clémence Guetté.
La Première ministre a estimé qu'elle ne «contribue pas à l'apaisement» et ajouté que ce serait à la justice de prononcer «le cas échéant» sur la légalité de cette cagnotte.
Saisi par une vidéo amateur venue contredire le récit initial livré par les policiers, le tir à bout portant d'un motard et la mort de Nahel, le 27 juin à Nanterre, ont choqué jusqu'au sommet de l'Etat, embrasé le pays et résonné bien au-delà de la France.
Cette vague de violences et la colère de nombreux jeunes habitants des quartiers populaires contre les violences policières ou l'Etat ont rappelé les émeutes qui avaient secoué la France en 2005, après la mort de deux adolescents poursuivis par la police.
En trois semaines, 10'000 véhicules avaient alors été détruits, plus de 200 bâtiments publics incendiés et quelque 5200 personnes interpellées.
(ATS)