Après le putsch au Niger
Le Sahel devient une région problématique pour l'Occident

Le Niger est le troisième pays de la région du Sahel à avoir renversé son gouvernement. La fronde antioccidentale continue ainsi de s'étendre en Afrique de l'Ouest. Voici pourquoi cette instabilité est une épine dans le pied de l'Europe.
Publié: 07.08.2023 à 06:12 heures
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Dernière mise à jour: 07.08.2023 à 06:36 heures
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Le 28 juillet 2023, une unité d'élite de l'armée nigérienne a lancé un coup d'État dans le pays.
Photo: keystone-sda.ch
Chiara Schlenz

Fin février, le président français Emmanuel Macron a déclaré que l'ère de la «Françafrique» était «révolue». Il a appelé à un renouveau des relations franco-africaines, assurant qu'il fait partie «d'une génération qui ne vient pas dire aux Africains ce qu'ils doivent faire». De nombreux chefs d'Etat occidentaux partagent cette position.

Mais le coup d'Etat militaire contre le président du Niger Mohamed Bazoum la semaine dernière a réduit à néant les espoirs de nouvelles relations constructives. Le général Abdourahamane Tiani, commandant de l'unité d'élite, s'est autoproclamé nouveau détenteur du pouvoir. Vendredi, il a annoncé que l'armée était confiante dans le fait que le Niger cesserait enfin d'être une colonie européenne. Le putschiste a ajouté que tous les soldats français devraient quitter le territoire national dans un avenir proche.

Abdourahamane Tiani reflète ainsi l'attitude antioccidentale de la population nigérienne. A Niamey, la capitale, des manifestants ont scandé «A bas la France» et une foule s'est attaquée à l'ambassade française, a mis le feu à la porte et a brisé des fenêtres. Des slogans antifrançais ont été scandés lors de rassemblements. Le ressentiment contre la France du Niger est représentatif de nombreux pays de la région du Sahel. Le putsch nigérien est le troisième coup d'Etat dans la région depuis 2020, après le Mali et le Burkina Faso. Ils remettent tous fondamentalement en question la présence militaire de la France au Sahel.

Terreau fertile pour le terrorisme

Le Niger n'était pas seulement la dernière démocratie de la région, mais aussi le dernier ancrage de stabilité de l'Occident dans la région du Sahel. À plus long terme, l'instabilité qui s'est installée risque de faire du Niger une base pour l'extrémisme et le terrorisme en Afrique de l'Ouest. Et donc une menace pour la sécurité globale.

La montée du terrorisme dans la région du Sahel est dramatique. Selon le «Global Terrorism Index 2023», le terrorisme a augmenté de plus de 2000% au cours des 15 dernières années, en particulier le djihadisme. L'année dernière, plus de 22'000 Africains ont été tués par la violence djihadiste, soit 50% de plus que l'année précédente et deux fois plus qu'en 2014 en Irak, lorsque l'Etat islamique a atteint son apogée.

Les efforts militaires lancés en 2013 sous la direction de la France pour combattre les djihadistes dans le Sahel n'ont donné que des résultats mitigés, en partie à cause de la méfiance des locaux envers la France. Les putschistes nigériens prétendent mieux combattre les djihadistes, mais l'indice montre que le renversement des gouvernements démocratiquement élus au Burkina Faso et au Mali a été suivi d'une brusque augmentation de la violence djihadiste dans ces pays.

La Russie étend son influence en Afrique de l'Ouest

Au lieu de troupes françaises, c'est le groupe de mercenaires russes Wagner qui se pose depuis des années comme garant de la sécurité au Mali et au Burkina Faso. L'influence de la Russie dans la région s'accroît par ce biais. Selon la Fondation Carnegie pour la paix internationale, la Russie est considérée, avec la Chine et la Turquie, comme le partenaire le plus important des pays du Sahel.

«Vive la Russie», a lancé un jeune homme à la caméra lors d'une manifestation la semaine dernière. D'autres dans la foule ont repris son cri. Le 3 août, jour de l'indépendance du Niger, des manifestants en colère ont brandi des drapeaux russes. Des scènes similaires avaient également eu lieu ces dernières années au Mali et au Burkina Faso.

Pour l'Europe, ce putsch n'est pas seulement problématique sur le plan sécuritaire, mais aussi économique et énergétique. Car le Niger est un important fournisseur d'uranium. Il est le septième producteur mondial de ce combustible radioactif. L'année dernière, environ 2000 tonnes d'uranium y ont été extraites selon la World Nuclear Association. Et d'après les chiffres de l'autorité nucléaire européenne Euratom, environ un quart de l'uranium importé dans l'Union provient de ce pays du Sahel. Une rupture totale avec le Niger serait donc fatale à l'approvisionnement énergétique de l'Europe.

Il est indéniable que la bande du Sahel est en train de devenir une région antioccidentale à travers l'Afrique de l'Ouest. L'enjeu est donc de taille pour l'Occident. Et une solution est loin d'être trouvée.

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