Avec l'aide de Minsk
Moscou cache-t-elle ses cadavres de guerre?

Selon l'Ukraine, près de 12'000 soldats russes (4000 selon Washington) ont déjà été tués pendant la guerre. Le Kremlin, de son côté, est muet comme une tombe à ce propos. La Russie cache-t-elle ses cadavres grâce à des crématoires mobiles et l'aide de la Biélorussie?
Publié: 16.03.2022 à 08:29 heures
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Selon les informations ukrainiennes, les Russes ont déjà perdu près de 12'000 soldats.
Photo: IMAGO/ZUMA Wire
Cédric Hengy

La guerre en Ukraine a déjà fait de nombreuses victimes. Mais la bataille se joue aussi sur le front des statistiques: on ne sait pas combien de soldats ont réellement perdu la vie. Il est pour l'heure impossible de vérifier de manière indépendante les informations fournies par les gouvernements ukrainien et russe.

Les deux belligérants fournissent tous deux des chiffres de victimes très (très!) différents. Ainsi, le président russe, Vladimir Poutine, et le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, affirment systématiquement que le nombre de morts chez l'adversaire est bien plus élevé que chez eux.

Selon le ministère américain de la Défense, les Russes auraient perdu jusqu'à 4000 soldats dans la guerre en Ukraine. Cela représenterait déjà plus de pertes que les États-Unis n'en ont déploré pendant toute la guerre en Irak. Le ministère ukrainien de la Défense estime quant à lui que le nombre de soldats russes tués est de... 12'000.

Des corps transportés en Biélorussie?

Les Russes – tout comme les Ukrainiens – tentent de dissimuler le nombre réel de soldats décédés dans leurs rangs. Côté russe, une partie des corps serait transportée vers le pays voisin, la Biélorussie, comme l'avance Radio Liberty. Ce ne serait en fait pas si étonnant: Vladimir Poutine et le dirigeant biélorusse, Alexandre Loukachenko, sont des amis proches. Ainsi, en février 2021 par exemple, Poutine avait envoyé sa police spéciale en Biélorussie pour y matraquer les manifestants qui étaient descendus dans la rue pour réclamer une véritable démocratie.

C'est désormais au tour de la Biélorussie d'aider sa grande soeur russe. En raison de la nouvelle loi sur la censure de Poutine, les médecins de guerre qui révèlent à la presse le nombre de morts sont menacés de licenciement immédiat. Beaucoup d'entre eux ont signé des contrats de confidentialité.

En Russie, un officier russe a été rappelé à l'ordre il y a quelques jours, dans un talk-show, pour avoir fait remarquer que de nombreux jeunes soldats russes mouraient en Ukraine. L'animateur l'a interrompu et remis à sa place.

Il devient toutefois de plus en plus difficile de dissimuler les cadavres: plusieurs morgues biélorusses seraient arrivées au bout de leurs capacités. Comme le rapporte la BBC, les conditions seraient tellement désastreuses que les morts ne pourraient même plus être stockés en chambre froide.

Des habitants de la ville de Masyr auraient observé comment des corps de soldats étaient chargés sur des trains russes, afin d'être ramenés dans leur pays d'origine. «Il y avait un nombre incroyable de corps», a raconté un habitant à Radio Liberty. Certains auraient tenté de filmer la scène, mais en auraient été empêchés par les militaires.

Des crématoires mobiles?

Mais tous les corps ne seront pas rapatriés en Russie. Ainsi, dans le village de Kamenka, près de Masyr, un cimetière a été bouclé. Les habitants soupçonnent que certains soldats russes y sont désormais enterrés. Un aérodrome et une base militaire russes se trouvent à proximité.

Les habitants de la ville de Gomel rapportent des faits similaires. Les Russes blessés et tués auraient été transportés en Biélorussie dans des bus aux vitres teintées. De là, les morts seraient ensuite transportés par avion en Russie.

Une autre façon de dissimuler le nombre de pertes seraient les crématoires mobiles. Peu après le début de la guerre, on spéculait déjà à ce sujet. Il n'y a toutefois actuellement aucune preuve de l'utilisation d'un tel dispositif par les Russes en Ukraine.

Quoi qu'il en soit, comme l'explique Alexander Graef de l'Institut de recherche sur la paix et la politique de sécurité de Hambourg, «il est impossible, dans l'état actuel des choses, d'effectuer une vérification des chiffre par des tiers. La vérité se situe probablement quelque part entre les deux (ndlr: entre les chiffres donnés par les belligérants)», commente-il dans la «Tagesschau» allemande.

(Adaptation par Daniella Gorbunova)


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