Ça ne s'était encore jamais produit dans cette guerre. L'un des drones avec lesquels les Ukrainiens ont attaqué l'aérodrome militaire russe de Morozovsk, dans la nuit de jeudi à vendredi, embarquait également un haut-parleur en plus d'un engin explosif. Pendant le vol, le drone a joué en continu un chant militaire traditionnel.
Cette plaisanterie mortelle, que se sont permis les pilotes du drone, montre que le moral des troupes est au beau fixe. Malgré tout, l'Ukraine est menacée d'un effondrement prochain. Dans les grandes villes éloignées du front se propage une rumeur qui pourrait devenir un problème massif dans quelques semaines.
Manque de munitions
Le désespoir des habitants de Kiev est grand, raconte Yevhen Semekjin, qui a accompagné Blick à plusieurs reprises en Ukraine en tant qu'expert militaire et traducteur. «Les gens pensent qu'ils sont perdus. Et beaucoup disent: 'Pourquoi devrions-nous aller nous battre si nous n'avons plus du tout d'armes ni de munitions?'» Des rumeurs sur les commandos de l'enfer dans lesquels sont envoyés les soldats insuffisamment équipés ont répandu la terreur parmi ceux qui n'ont pas encore été enrôlés.
Les on-dit ne sont pas totalement faux. Sans munitions suffisantes et sans couverture par l'artillerie, les fantassins du front ukrainien sont souvent impuissants face aux assauts russes.
Les réserves de munitions vides ne donc pas seulement un problème sur le front, où les troupes ukrainiennes ne peuvent plus guère s'opposer aux assaillants russes. Ils provoquent aussi la consternation dans l'arrière-pays et mettent à mal les plans de recrutement de Volodymyr Zelensky.
Astuce de Wagner pour recruter
Le président ukrainien a un besoin urgent de soldats frais pour soulager les combattants fatigués. Parmi les 3,7 millions d'hommes aptes au service militaire qui n'ont pas encore été enrôlés ou qui ont quitté le pays, on ne trouve pratiquement plus de volontaires. C'est pourquoi les parlementaires ukrainiens recourent désormais à la vieille astuce des généraux russes de Wagner. Le 13 mars, ils ont présenté un projet de loi qui promet à certains détenus une libération en échange de quelques mois au front.
Les services secrets ukrainiens estiment que la Russie pourrait lancer une nouvelle grande mobilisation dès le mois de juin et enrôler 300'000 hommes dans l'armée – en plus des 150'000 recrues que Vladimir Poutine vient de convoquer dans le cadre du cycle de recrutement régulier.
Grande offensive au printemps
Rien ou presque ne devrait plus arrêter le chef du Kremlin après sa nette victoire aux élections présidentielles. Le président russe est en pleine forme. Kurt Campbell, le vice-secrétaire d'État étasunien, a déclaré lors d'une apparition cette semaine: «La Russie s'est presque complètement rétablie sur le plan militaire au cours des derniers mois.»
Il semble probable que les Russes lancent une nouvelle grande offensive au printemps sur Kharkiv, la deuxième ville d'Ukraine. Ces derniers jours, des attaques de missiles ont détruit la quasi-totalité de l'approvisionnement en énergie de la métropole.
Près de la ville de Tchassiv Yar, à l'ouest de Bakhmout, les Russes ont récemment réalisé une avancée significative. Dans une lettre officielle, les forces armées ukrainiennes ont demandé à certains habitants de la ville de quitter leur maison afin que les soldats puissent les occuper et les utiliser à des fins de défense.
Une aide des États-Unis?
Le seul facteur qui pourrait désormais aider l'Ukraine est le paquet militaire de 60 milliards de dollars, qui est toujours bloqué par les républicains étasuniens, explique Yevhen Semekjin, traducteur et expert militaire pour Blick. Mais sur ce front également, la situation ne se présente pas bien.
Cette semaine, même la parlementaire étasunienne Victoria Spartz, d'origine ukrainienne, a souligné dans une interview au «Wall Street Journal» qu'elle rejetait le nouveau paquet d'aide. «Nous ne pouvons pas nous permettre ces guerres éternelles», a déclaré la républicaine.
Ce n'est pas un bon signe pour le pays de Volodymyr Zelensky. Selon un sondage de l'International Republican Institute étasunien, 88% des Ukrainiens croient encore à la victoire ukrainienne. Mais la foi ne permet pas de gagner des guerres à elle seule.