Après une année difficile pour le prince
La barbe de William symbolise le renouveau

Par coquetterie, mais aussi par volonté d’assumer les épreuves traversées – le cancer de son père, comme celui de Kate –, l’héritier du souverain britannique, 42 ans, s’est laissé pousser du poil aux joues et au menton, après une année très difficile.
Publié: 12.01.2025 à 08:56 heures
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Dernière mise à jour: 12.01.2025 à 09:32 heures
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Épuisé par une année difficile, le prince William arbore une barbe, qui lui donne une nouvelle posture.
Photo: keystone-sda.ch
Didier Dana - L'illustré
L'Illustré

La princesse Kate, 43 ans, et le roi Charles III, 76 ans, figures majeures de la famille royale britannique, ont tous deux été frappés par un cancer l’an dernier. Traités par chimiothérapie, ils ont repris du service, affichant un optimisme de bon aloi, alors que le spectre de la maladie, s’il s’est estompé, n’a pas disparu. On ignore toujours ce dont ils souffrent exactement. 

Cette épreuve, psychique et physique, ne les a pas foncièrement changés, en apparence du moins. Le monarque a perdu du poids, il continue à se soumettre aux traitements et a même lancé avec humour le mois dernier: «Je suis toujours en vie!» Quant à la duchesse de Cambridge, joyau des Windsor, elle continue d’arborer sa coiffure easy waves, comme si de rien n’était. 

Le prince montre sa vulnérabilité

Dans la famille la plus scrutée de la planète, c’est le prince William, 42 ans, qui en est sorti changé. Il porte la barbe depuis l’été dernier. Au-delà d’une simple coquetterie, tel un navigateur solitaire, son nouveau visage dit l’épreuve traversée. Il y ajoute ces mots: «Ce fut l’année la plus difficile de ma vie.» 

Rarement vulnérable en public, le petit-fils d’Elisabeth II fend l’armure après une annus horribilis – pour reprendre la formule de la reine qui, en 1992, s’était dite accablée par les divorces de trois de ses quatre enfants (Charles, Andrew et Anne) ainsi que l’incendie du château de Windsor.

La famille royale, lors du concert de Noël de l'abbaye de Westminster, le 24 décembre.
Photo: DUKAS

On imagine la réalité derrière l’aveu de William: les larmes, les insomnies, l’angoisse – la sienne et celle de ses trois enfants – à veiller l’être aimé atteint dans sa santé. Peu disert, colérique, le prince de Galles est plus vulnérable qu’on ne le dit. Cette pilosité qu’on ne lui avait connue qu’à 26 ans, en 2008 et plus tard, à l’armée, est le marqueur d’une émancipation, l’expression d’un soulagement – la santé des siens semble s’être améliorée, voire stabilisée – et de l’affirmation de soi. 

Jugée sexy et virile, cette barbe lui aurait été suggérée par Kate. Qu’importe, elle dit que rien ne sera plus tout à fait comme avant. L’aîné des fils de feu la princesse Diana a été la vigie d’une épreuve où l’institutionnel et le familial se rejoignent dans l’intime. Il a pu mesurer que, si les choses avaient mal tourné pour son père et sa femme, il serait devenu le roi veuf, accablé par le chagrin et les responsabilités.

William fait sa mue

Charles III étant un monarque de transition, son fils est, de facto, un prince roi. Depuis le décès de la reine Elisabeth et alors que rien ne laissait envisager une transition rapide, William se prépare à tout. La maladie, il le sait, pourrait accélérer la succession. 

Avec son poil au menton, William achève sa mue, débarrassé des dernières traces d’une enfance heureuse et d’une jeunesse, hélas, marquée par la disparition tragique de sa mère, âgée de seulement 36 ans, à laquelle il était viscéralement attaché. La barbe atténue cette calvitie austère qui soulignait sa timidité, entre réserve froide et bonne éducation. 

L’expert royal Robert Jobson, cité dans le magazine «Hello!», compare William à sa grand-mère avant la bascule du destin: «L’attente repose sur ses épaules et il doit se sentir un peu comme Sa Majesté la reine Elisabeth lorsqu’elle avait 25 ans, soudainement catapultée dans cette fonction dévorante.» La princesse apprit la disparition de son père, le roi George VI, le 6 février 1952 à 7h30. Elle était alors en voyage au Kenya et lui succéda aussitôt sans y être préparée. 

Visé par un scandale

L’année dernière, William a intérieurement endossé le poids de la charge, prêt à affronter les tempêtes et les scandales. Le dernier en date le vise personnellement. L’affaire des «Duchy Files» a éclaté en novembre 2024. Elle est le fruit de cinq mois d’une enquête diligentée, notamment, par l’émission d’investigation Dispatches de la chaîne Channel 4. 

On y apprend que Charles III et William touchent 50 millions de la part d’organismes publics dans les duchés de Lancaster et de Cornouailles. Le premier appartient au roi, le second à William. Ils perçoivent des baux sur les prisons, les écoles, les hôpitaux, les associations. Ils encaissent un dû à chaque fois qu’une tombe est creusée ou que l’armée utilise l’un de leurs terrains. Ces gains sont exemptés d’impôts par la grâce de lois féodales vieilles de 700 ans. La Firme est (aussi) une affaire de famille. Le Parlement britannique n’en maîtrise pas tous les leviers, bien que le Ministère des Finances supervise les deniers alloués annuellement à la couronne. En 2025, les Windsor percevront 132 millions.

Si cela n’est pas nouveau en soi et n’a rien d’illégal, cela pose un vrai problème moral. Alors que le système de santé britannique (National Health Service) est en crise, il alloue chaque année l'équivalent de 900'000 francs au roi et à son héritier. Dès lors, comment rester crédible lorsque vos obligations vous amènent à vous pencher sur le sort des sans-abri, comme l’a fait William à Belfast, le 14 novembre dernier, dans le cadre du programme Homewards (Retour à la maison), qu’il a lui-même lancé en juin 2023? Il avait vertueusement déclaré: «C’est une tâche de taille, mais je crois fermement qu’en travaillant ensemble, il est possible de faire en sorte que le sans-abrisme soit rare, bref et non répété, et j’ai hâte de travailler avec nos six sites pour faire de notre ambition une réalité.» 

William a servi un déjeuner à des sans-abri. Il plaisante avec la cheffe de cuisine, Claudette Hawkins.

Nettoyer l'institution

Une promesse est une dette. Si la santé du roi venait à décliner subitement, William, chéri par l’opinion, essuierait frontalement le courroux. Voyez Felipe et Letizia d’Espagne, couverts d’insultes et de boue après les inondations meurtrières du 29 octobre dernier dans la région de Valence. Chef d’Etat aux pouvoirs limités mais non sans influence, il devra songer à moderniser l’institution, et pas seulement en portant une jolie barbe et un col ouvert. 

Dans le sillage de Charles III, il devra nettoyer l’institution de ses nuisibles, décider du sort du prince Andrew. Boulet familial, ce dernier refuse de quitter son domicile royal. Ce serait, selon lui, un aveu de culpabilité dans le scandale sexuel lié à l’affaire Epstein. En 2024, celui que ses camarades de classe surnommaient «le ricaneur» s’est retrouvé une fois encore dans la tourmente pour avoir entretenu des liens avec le businessman Yang Tengbo. Interdit de séjour, il est soupçonné de travailler pour les services secrets chinois. Selon la Haute Cour britannique, Andrew souhaitait entrer en affaires avec lui et, dans cette perspective, il l’alimentait en informations sur le gouvernement britannique.

Le prince William devra aussi veiller à faire le ménage en profondeur au sein de l’Eglise anglicane, secouée le 12 novembre dernier par la démission de Justin Welby, l’archevêque de Canterbury. Cet intime des Windsor est accusé d’avoir tardé à dénoncer un scandale de pédocriminalité lié à la figure de l’avocat John Smyth, un agresseur en série disparu en 2018 qui avait fait plus de 130 victimes. 

La royauté n’est pas un privilège, elle est un devoir. Depuis le départ de Harry et Meghan, le nombre de working royals s’est resserré autour de la figure du monarque. Dans ce contexte, William est un héritier fragilisé, son successeur direct, le prince George, n’ayant que 11 ans.

Face au géant américain

Donald Trump a salué William, le 7 décembre, à la réouverture de Notre-Dame.
Photo: keystone-sda.ch

Sur la scène internationale, le dauphin de Charles III ajuste sa stature de chef d’Etat. Un domaine où l’image pèse de tout son poids. William – 1 m 91 – n’a pas eu l’air ridicule en serrant la main broyeuse de Donald Trump – 1 m 90 – à l’occasion de la réouverture de Notre-Dame. Point de déstabilisation de la part du président américain élu, contrairement au sort réservé à Emmanuel Macron – 1 m 75 –, mal pris face au géant new-yorkais. 

William a pris de l’assurance. Avec les interlocuteurs de haut rang, il se tient droit en positionnant ses deux bras devant lui, une manière de stabiliser sa posture, d’échanger sans familiarité et de se montrer à l’écoute. Avec d’autres, il rit de bon cœur et se fait même tactile parfois. 

A l’instar de Nietzsche et de son «deviens ce que tu es», William a pris conscience de lui-même. Avec ou sans barbe, il accepte son sort: un destin royal, couronné d’embûches.

Un article de L'illustré

Cet article a été publié initialement dans le n°03 de L'illustré, paru en kiosque le 16 janvier 2025.

Cet article a été publié initialement dans le n°03 de L'illustré, paru en kiosque le 16 janvier 2025.

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