Le plus haut responsable de la politique étrangère chinoise, Wang Yi, a annoncé samedi, lors de la Conférence sur la sécurité de Munich, un plan de paix de Pékin pour l'Ukraine. L'ancien ministre des Affaires étrangères aurait prévu de se rendre en Russie cette semaine. Davantage de détails sur la proposition chinoise devraient être présentés fin février.
Lors de son allocution, le chef de la diplomatie pékinoise n'a jamais prononcé le mot «guerre». Il a préféré parler de la «question ukrainienne» ou d'un «conflit», suivant ainsi la ligne du président russe, Vladimir Poutine, dont le régime punit l'utilisation du mot «guerre».
Washington insinue, Pékin nie
La Chine pourrait jouer un double jeu avec ses «efforts de paix». À l'extérieur, la superpuissance se présente comme un médiateur. Pourtant, certains signes montrent que son soutien à la Russie va au-delà du commerce ordinaire. Lors de la rencontre samedi à Munich entre le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, et son homologue chinois, Wang Yi, le haut diplomate de Washington a apparemment évoqué des tendances «inquiétantes». Il y aurait des indices selon lesquels Pékin souhaiterait livrer du matériel de guerre aux Russes sans se faire prendre. C'est ce qu'ont déclaré à CNN des officiels américains au courant de la rencontre.
Des déclarations qualifiées de «fausses informations» lundi par Wang Wenbin, un porte-parole du Ministère chinois des Affaires étrangères. «Nous n'acceptons pas que les États-Unis pointent du doigt les relations entre la Chine et la Russie, et encore moins qu'ils exercent des pressions et des contraintes», a-t-il déclaré lors d'un point de presse.
«Ce sont les États-Unis et non la Chine qui envoient constamment des armes sur le champ de bataille», a-t-il ajouté, et «la communauté internationale sait clairement qui appelle au dialogue et se bat pour la paix, et qui jette de l'huile sur le feu et encourage l'opposition».
L'«amitié» sans frontières» de Moscou et de Pékin
Anthony Blinken accuse Pékin de vouloir présenter un plan de paix et soigner ses relations avec l'Europe, tout en soutenant tacitement les agressions guerrières de la Russie et en envisageant une aide militaire.
Comme le rapporte le «Wall Street Journal», les forces armées russes continuent également d'utiliser des drones commerciaux chinois. «Le Pentagone craint que ces drones ne fassent pas seulement avancer l'effort de guerre, mais qu'ils permettent aussi à la Chine de collecter des informations importantes sur le champ de bataille, ce qui pourrait augmenter la préparation de Pékin à la guerre», selon le journal.
La vice-présidente américaine, Kamala Harris, qui a fait le déplacement à Munich, a déjà mis directement en garde les Chinois dans son discours de samedi. «Nous sommes préoccupés par le rapprochement entre Pékin et Moscou depuis le début de la guerre, a-t-elle déclaré. En pensant à l'avenir, toute démarche de la Chine visant à soutenir mortellement la Russie ne ferait que récompenser l'agression, perpétuer les tueries et saper davantage un ordre basé sur des règles.»
L'UE doute des paroles de Pékin
En janvier, le gouvernement américain a évoqué des preuves selon lesquelles des entreprises chinoises avaient vendu des équipements non létaux, tels que des casques et des gilets de protection, à la Russie pour qu'elle les utilise en Ukraine. Ils n'apportent pour l'instant pas d'aide militaire directe, malgré l'insistance du gouvernement de Vladimir Poutine. Pourtant, juste avant l'invasion, les deux pays avaient déclaré une «amitié sans frontières». En 2022, le commerce entre les deux nations a atteint un volume record de 190 milliards de dollars. Les Chinois profitent des sanctions de l'UE contre Moscou. «Les livraisons de marchandises chinoises vers la Russie ont augmenté pendant six mois consécutifs», rapporte Reuters.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, se méfie apparemment aussi de la position économique stratégique de la puissance asiatique. Interrogée par CNN à Munich sur le fait de savoir si elle croyait le ministre chinois des Affaires étrangères quand il disait que la Chine écoutait le message de l'Europe de ne pas soutenir la Russie, elle a répondu «au contraire».
«Nous avons vu qu'ils ont signé un partenariat illimité, a-t-elle déclaré. Je pense que nous avons besoin de plus de preuves et de plus d'actions pour pouvoir indiquer que la Chine ne soutient pas Moscou. Jusqu'à présent, nous voyons l'inverse.»
«Fauteur de troubles»
Les Chinois ne se montrent quant à eux pas impressionnés et ont nié lundi 20 février vouloir livrer des armes à leur voisin. Sur la scène politique mondiale, ils tentent de poser des jalons pour se profiler comme vecteur de paix en Ukraine. Dès vendredi, la Chine avait appelé les deux pays belligérants à régler le conflit le plus rapidement possible. Zhang Jun, le représentant permanent du pays auprès des Nations Unies, a déclaré au Conseil de sécurité de l'ONU que la Russie devait cesser le feu et s'asseoir «le plus tôt possible» à la table des négociations.
Il a également vivement critiqué l'OTAN – de quoi le rendre bien moins crédible pour revêtir l'éventuel habit de médiateur neutre dans ce conflit. «Nous lui demandons de tirer les leçons de l'histoire et d'abandonner la mentalité dépassée de la Guerre froide et de la confrontation des blocs», a-t-il déclaré. L'OTAN «crée des ennemis imaginaires et déstabilise l'Europe». L'alliance militaire occidentale «devrait apporter une contribution positive à la paix et à la stabilité dans le monde au lieu d'être un simple fauteur de troubles», selon lui.