Dans le cadre de la COP28 qui se tient à Dubaï, les Emiratis ont proposé un nouveau projet pour faire avancer les négociations. Ils appellent à la neutralité carbone d'ici 2050.
Le document, dont la publication a été attendue toute la nuit par des négociateurs privés de sommeil, propose pour la première fois dans l'histoire des conférences sur le climat des Nations unies de mentionner toutes les énergies fossiles, largement responsables du changement climatique, dans une décision à adopter par tous les pays.
Transitionner hors des énergies fossiles
Le texte, dont chaque mot a été négocié par les Emiratis, appelle à «transitionner hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, d'une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l'action dans cette décennie cruciale, afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément aux préconisations scientifiques». L'appel à accélérer l'action dès la décennie en cours était une exigence de l'Union européenne et de nombreux autres pays.
En choisissant le terme de «transitioning away» ("transitionner hors de», «s'éloigner», «abandonner» selon les traductions possibles en français), le texte ne parle plus de «phase-out» ("sortie") du pétrole, du gaz et du charbon, un terme devenu depuis des mois la bannière derrière laquelle se rangeaient plus d'une centaine de pays et des milliers d'ONG.
Reste à voir à quel point la nuance fera débat à la COP.
Le texte devra être approuvé
Pour entrer dans l'histoire, ce texte de compromis, fruit de pénibles négociations entre notamment l'Union européenne, les petits pays insulaires, les Etats-Unis, la Chine et l'Arabie saoudite, devra en effet être approuvé par le consensus de près de 200 pays.
La présidence a convoqué à 09H30 (05H30 GMT) une séance plénière dans ce but, au lendemain de la fin prévue de la COP28, présidée par l'Emirati Sultan Al Jaber, patron de la compagnie pétrolière émiratie Adnoc.
Un seul pays peut objecter à l'adoption d'une décision à la COP, selon les règles de l'ONU Climat.
Une amélioration selon les ONG
«Ce n'est pas la promesse historique» du «phase-out» mais «transition hors, cela envoie quand même un signal important. Et si c'est adopté, ce serait quand même la première fois qu'on a de tels mots, qui couvrent non seulement le charbon, mais aussi le pétrole et le gaz», a réagi Caroline Brouillette, directrice du réseau d'ONG Réseau Action Climat Canada.
Elle a regretté cependant l'inclusion de «distractions dangereuses comme la capture et le stockage du carbone, le nucléaire.»
L'ONG WWF a qualifié le nouveau projet d'accord d'"amélioration» concernant les énergies fossiles, par rapport à la version précédente, tout en notant l'absence d'appel à une «sortie complète» des fossiles. Mais «si ce texte est adopté, il représenterait un moment significatif», a estimé Stephen Cornelius, de WWF.
«Ce texte est un pas en avant sur le chemin de la sortie des énergies fossiles, mais n'est pas la décision historique que l'on espérait», a réagi Andreas Sieber de 350.org, qui aurait voulu un appel plus direct à la sortie des fossiles.
Le projet «envoie un signal clair que le monde s'engage de façon décisive vers une sortie des énergies fossiles», analyse quant à lui Jake Schmidt, de l'ONG américaine Natural Resources Defense Council.
La formulation est «entre une réduction et une sortie», analyse Catherine Abreu, de l'ONG Destination Zero, qui comme d'autres souligne qu'il s'agit d'un compromis.
Un compromis difficile
Sultan Al Jaber s'évertuait depuis plus de 24 heures à sauver une COP qu'il avait annoncée comme «un tournant», à même de préserver l'objectif le plus ambitieux de l'accord de Paris, adopté il y a huit ans: limiter l'élévation de la température mondiale à 1,5°C.
Le premier projet de texte émirati, lundi, avait suscité un tollé car il listait trop d'options au choix et n'appelait pas à la «sortie» des énergies fossiles, dont la combustion depuis le XIXe siècle est largement responsable de l'élévation actuelle des températures mondiales de 1,2°C, par rapport à l'ère pré-industrielle.
Ligne dure de Ryad
A ce jour, seule la «réduction» du charbon avait été actée à la COP26 à Glasgow. Jamais le pétrole ni le gaz n'avaient été désignés.
Dans le projet d'accord des Emirats figure une reconnaissance du rôle joué par des «énergies de transition», allusion au gaz, pour assurer la «sécurité énergétique» des pays en développement, où près de 800 millions de personnes manquent d'accès à l'électricité.
Le texte contient de multiples appels liés à l'énergie: tripler les capacités d'énergies renouvelables et doubler le rythme d'amélioration de l'efficacité énergétique d'ici 2030; accélérer les technologies «zéro carbone» et «bas carbone», dont le nucléaire, l'hydrogène bas carbone, et le balbutiant captage et stockage du carbone, défendu par les pays producteurs de pétrole pour pouvoir continuer à pomper des hydrocarbures.
L'Arabie saoudite, le Koweït ou l'Irak étaient sur une ligne dure, refusant tout accord s'attaquant aux énergies fossiles qui font leur richesse.
(AFP)