700'000 hommes partis à la guerre
«C'est un choc pour l'économie russe»

L'économie russe ne se porte pas bien: trop de main d'oeuvre spécialisée manque et il n'y a pas assez d'argent. Une reprise après le choc est loin d'être envisageable.
Publié: 05.11.2022 à 17:05 heures
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Dernière mise à jour: 05.11.2022 à 17:08 heures
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La mobilisation partielle de la Russie a de graves conséquences pour l'économie russe.
Photo: keystone-sda.ch
Chiara Schlenz

La guerre russe contre l'Ukraine est coûteuse, et le sera de plus en plus pour le chef du Kremlin Vladimir Poutine. Comme le rapporte l'Institute for the Study of War (ISW), la guerre et les sanctions auront «un impact à long terme» sur l'économie russe.

Le ministère russe de l'Economie a annoncé jeudi que la croissance de son économie avait baissé de 5% en septembre sur une base annuelle, soit plus que les 4% enregistrés le mois précédent. Des experts financiers ont déclaré dès septembre à l'agence de presse Reuters que le Kremlin serait confronté à un déficit budgétaire qui «réduirait les réserves de Moscou à leur niveau le plus bas depuis des années».

Des dépenses élevées pour la guerre, les recrues et l'industrie de l'armement, les sanctions occidentales et les centaines de milliers de travailleurs qui ont déjà quitté le pays... Les raisons de l'affaiblissement de l'économie russe sont multiples.

De la main d'oeuvre difficile à remplacer

Selon des sources gouvernementales occidentales, on estime que 400'000 Russes ont fui leur pays suite à la mobilisation partielle. A cela s'ajoutent les 300'000 réservistes et les 82'000 hommes déjà engagés sur le front. Au total, une perte considérable de personnes actives.

Si l'on considère donc que 700'000 Russes ne travaillent plus depuis la mobilisation partielle, cela représente une perte d'environ 1% de la main-d'œuvre russe. Cela ne semble pas énorme, mais comme l'explique Sergueï Gouriev, économiste russe à l'Institut d'études politiques de Paris et ancien chef économiste de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, «c'est un gros coup à encaisser pour l'économie russe».

Car ce 1% a de fortes chances d'être très bien formé et majoritairement masculin, ce qui «rend impossible» un remplacement facile, selon le scientifique. «En outre, ces personnes - pour une raison tragique ou parce qu'ils ne reviendront pas dans le pays - ne vont probablement pas reprendre leur poste à la fin de la guerre.» Cela entraînera un choc à long terme pour l'économie russe, prédit Sergueï Gouriev.

Guido Cozzi, professeur de macroéconomie à l'université de Saint-Gall, explique lui aussi: «Les personnes hautement qualifiées cherchent des emplois qualifiés à l'étranger, ce qui entraîne une fuite considérable des cerveaux, qui aura un impact négatif sur la productivité de l'économie russe pendant de nombreuses années». Cela pourrait avoir un impact négatif sur l'économie russe pendant des années.

Les coûts de la guerre, le plus gros frein à l'économie russe

Et les coûts de la guerre mettent également à mal l'économie russe. Comme l'écrit l'ISW dans son dernier rapport, rien que les versements aux hommes mobilisés coûteront entre 900 milliards et trois billions de roubles (14 à 49 milliards de francs) au cours des six prochains mois. Cette somme ne prend toutefois en compte que les quelque 300'000 réservistes - les volontaires et les soldats professionnels ne sont pas pris en compte. L'«ISW» estime ici que les coûts s'élèvent au moins à 1,2 million de dollars par mois.

Les incitations financières offertes aux jeunes Russes qui partent en guerre contre l'Ukraine gangrènent également fortement le budget de l'Etat. A tel point que certains mobilisés ne sont même plus payés. C'est pourquoi un groupe de mobilisés s'est par exemple mis en grève. «Notre Etat refuse de nous verser la somme de 195 mille roubles (environ 3200 francs) que notre président nous avait promise. Alors pourquoi devrions-nous aller à la guerre pour cet État et laisser nos familles sans soutien?»

Oleg Itskhoki, économiste russo-américain à l'université de Californie, explique à Blick: «Le gouvernement russe ne tient pas toutes sortes de promesses, et il ne sera pas en mesure d'effectuer une grande partie des paiements à la mobilisation.» Mais l'économiste ne voit pas (encore) de troubles sociaux dans l'avenir proche de la Russie. Selon lui, le matelas financier du gouvernement et la répression à l'intérieur sont trop importants. Il conclut: «Si les Russes sont prêts à sacrifier leur vie pour la guerre, pourquoi protesteraient-ils pour des difficultés financières?»

(Adaptation par Lliana Doudot)

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