Avec la crise sanitaire, les cuisines suisses se sont modernisées. Les machines classiques ont été remplacées par des appareils au design chromé arborant de nombreux boutons et leviers. Dotées d’un porte-filtre de haute qualité, ces machines à café sont dignes des machines professionnelles que l’on trouve dans les cafés les plus pointus (ceux où les baristas dessinent des feuilles et des cœurs en mousse sur votre cappuccino). Depuis l’année dernière, la demande de café n’a cessé d’augmenter, et les fabricants, les revendeurs et les torréfacteurs l'ont bien remarqué. Zuriga, la marque de machines à espresso basée à Zurich, parle même d'une demande sans précédent.
Avec le télétravail rendu obligatoire, beaucoup d’entre nous travaillent à domicile depuis un an. En plus d’avoir dû aménager un coin bureau entre la chambre et le salon, nous nous sommes aussi retrouvés seuls au moment des pauses café. Malgré l’absence de nos collègues de bureau, pas question de faire l’impasse sur cette routine qui rythme la journée et apporte du réconfort.
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Un meilleur café, plus respectueux de l’environnement
«Les gens ont plus de temps et s’intéressent davantage à la préparation de leur café, notamment à partir de grains entiers. Ils recherchent la qualité, sont désireux d'expérimenter et apprécient le métier», explique Evelyn Schneider, copropriétaire d'Adrianos, le spécialiste bernois du café. Elle note une augmentation de l’utilisation et de l’achat de machines semi-automatiques qui fonctionnent avec un porte-filtre amovible et permettent de préparer un espresso ou des boissons à base d'espresso.
ECM, Rocket, Lelit, La Pavoni, Olympia, Sage, Quick Mill, Zuriga, etc. La liste des modèles disponibles est longue et l'intérêt pour ces machines semi-automatiques ne cesse de croître. Malgré le prix conséquent de ces produits de haute qualité (comptez près de 1'500 francs pour un premier prix!), les ventes de machines à capsules sont en baisse. Les clients veulent boire un meilleur café au goût mais aussi acheter un produit plus respectueux de l'environnement. Grâce au porte-filtre amovible de ces machines, on peut choisir la quantité de café moulu que l’on utilise tout en optimisant d’autres facteurs: le réglage de la mouture, la quantité et la force du café, le temps de préparation ou encore la température et la pression de l'eau.
Des mois d'attente pour les machines suisses
Investir dans une machine semi-professionnelle vous demandera d’avoir quelques réflexes par rapport à une machine automatique. La plupart de ces machines mettent par exemple beaucoup plus de temps à chauffer pour être prêtes à l’emploi.
Mais il existe des exceptions et une grande variété de machines de qualité fabriquées en Suisse. La machine Zuriga par exemple met moins de temps à chauffer. Deux minutes suffisent pour vous préparer un espresso. La machine, relativement simple d’utilisation, ne comporte que deux boutons, la température et la pression sont préalablement réglées. L'entreprise connaît actuellement un grand essor grâce à la crise sanitaire.
En plus du premier modèle, une nouvelle version avec une machine pour faire mousser le lait est disponible depuis septembre. Mais elle est victime de son succès puisqu’il faut attendre près de cinq mois pour sa livraison comme le déclare le fondateur Moritz Güttinger dans son usine de Zurich. «Tous ceux qui la commandent aujourd'hui la recevront en novembre», déclare l'homme de 37 ans.
Fondée en 2015, l'entreprise connaît aujourd'hui une croissance rapide. Une deuxième ligne de production a été installée, et la capacité de production a été multipliée par cinq: trois femmes et deux hommes assemblent désormais les machines alors qu’il n’y avait qu’un assembleur avant la crise sanitaire.
Du café de luxe à la place des vacances
Le fabricant d'appareils électroménagers Solis a vu son activité augmenter de 77% entre le premier trimestre de 2020 et celui de 2021 pour les machines à espresso. Certains fabricants sont plus discrets vis-à-vis de ce succès. Un magasin zurichois (dont le propriétaire préfère d'ailleurs rester anonyme) qui propose des machines et plusieurs variétés de cafés parle d’une «belle croissance» pour qualifier la hausse de 20% de la demande au cours des 12 derniers mois.
Pour beaucoup, passer à une machine à café plus chère traduit une volonté d’abandonner le système de capsules. Sami Perzhaku, responsable logistique chez «Kaffeezentrale» dans le canton de Zurich précise: «Les gens veulent que leur boisson ait meilleur goût et ne souhaitent plus utiliser des capsules en aluminium.» Selon lui, le semi-confinement et les restrictions qu’il a engendrées ont provoqué ces changements. Avec l’impossibilité d’aller au restaurant ou de partir en vacances, les gens avaient plus d’argent pour s’offrir une machine à café digne de ce nom.
Chez «Kaffeezentrale», le commerce en ligne est en plein essor, et la boutique, comme beaucoup d'autres, est restée fermée pendant un certain temps. «Les marques ECM et Rocket étaient déjà populaires», précise Perzhaku. Mais la demande en grains de café à moudre a également fortement augmenté. C'est ce que rapportent diverses entreprises suisses de torréfaction. Perzhaku ajoute: «Celles qui se spécialisent dans la vente aux particuliers en ont profité. Tandis que celles qui fournissent principalement des restaurants ou des bureaux, comme Chicco d'Oro, ont eu plus de mal.»
Quand le café est meilleur à la maison
Alors que la consommation de café a augmenté dans les foyers, les machines des professionnels sont pour la plupart restées à l'arrêt. Andreas Samuel Zenger, président de Procafé, l'association de promotion de la consommation de café, parle de graves conséquences. En 2020, les ventes ont chuté de 20%. Voici ses prédictions pour cette année: «En 2021, on peut s’attendre à une chute d’au moins 40, voire 50%, à cause de la deuxième période de restrictions. La consommation s'est déplacée vers les ménages. La quantité consommée a légèrement augmenté. En 2020, 70'250 tonnes de café ont été consommées en Suisse. Cela correspond à une consommation par habitant de 9,2 kilogrammes.» Avec une telle quantité, la Suisse s’est hissée au même niveau que les pays scandinaves en termes de consommation de café par habitant.
De plus en plus de personnes se mettent à étudier les grains de café, les degrés de torréfaction et se tournent vers des experts pour comprendre le fonctionnement des machines professionnelles. Comme pour le vin, le café est en passe de devenir un produit de plaisir sur lequel tout le monde a une opinion et une expertise plus ou moins affirmée (et légitime).
La possibilité de se préparer une boisson de qualité professionnelle à la maison risque de nous rendre plus exigeants au café ou au restaurant (et plus réfractaires à l’idée de payer plusieurs francs pour un mauvais espresso). Avec la fin du télétravail obligatoire et le retour au bureau, il est possible que les nouveaux experts du café boudent les distributeurs automatiques classiques et exigent un meilleur café de la part de leur entreprise. Est-ce qu'on finira par rentrer chez soi pour se préparer un bon café?