Pour les personnes terrifiées à la simple perspective de s'installer dans un avion, les actualités de ces dernières semaines ont pris l'allure d'un film d'horreur. Le 17 juin, le moteur d'un appareil prenait feu en plein vol, provoquant un atterrissage d'urgence en Nouvelle-Zélande. Une potentielle catastrophe, évitée de justesse, qui n'a pas manqué de raviver l'angoisse de mai dernier, lorsque les médias du monde entier avaient rapporté les turbulences extrêmes survenues lors d'un vol à destination de Singapour. L'un des passagers, un homme de 73 ans, était malheureusement décédé, tandis que 80 autres personnes avaient été blessées.
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Pour ne rien arranger, les experts martèlent que ce phénomène pourrait devenir plus commun, en raison du changement climatique: «Selon nos simulations, nous estimons que le nombre de turbulences extrêmes pourrait doubler ou tripler ces prochaines décennies», affirmait Paul Williams, professeur de sciences atmosphériques à l'Université de Reading, auprès de la CNN.
Ce genre de propos parcourt la Toile comme une vague de frissons et tétanise celles et ceux qui se cramponnent à leurs accoudoirs dès que l'avion expérimente le moindre tressaillement. Lorsque la peur de voler est si intense qu'elle empêche la personne concernée de monter dans l'appareil, on parle d'aviophobie, une forte crainte susceptible de gâcher les vacances.
La peur des turbulences est commune
Ainsi que le constate Fabienne Regard, responsable du stage «Voler sans s'affoler» à l'aéroport de Genève, l'anxiété des passagers a fortement augmenté suite aux événements de ce printemps: «La peur des turbulences était déjà très présente, mais elle est devenue encore plus importante. On a notamment rencontré des personnes qui avaient déjà peur, mais ne faisaient pas de stage pour la maîtriser: depuis les incidents récents, elles ont décidé de sauter le pas, craignant de ne pas être capables de gérer leur panique si elles sont confrontées à ce même type de turbulences extrêmes.»
Celle qui anime les stages avec enthousiasme depuis 1995 énumère trois types de peurs courantes: la crainte de l'accident ou des problèmes techniques (dont la peur des turbulences, qui concerne 50% des inscrits), la peur de la claustrophobie (lorsqu'on redoute de faire une crise de panique à bord) et la peur de l'inconnu, pour les personnes qui n'ont encore jamais pris l'avion et n'osent pas sauter le pas toutes seules.
Si vous vous reconnaissez dans ces cas de figure, voici 4 manières d'apprendre à gérer votre peur, d'ici à vos prochaines vacances:
Suivre un stage spécialisé
Lorsque l'angoisse vous empêche de réaliser vos élans de wanderlust, il est possible de se tourner vers une formation spéciale, dédiée à apaiser la peur de l'avion. Il en existe plusieurs, dont le programme «Fearless flyer» d'EasyJet, celui de la CTPA à Lausanne, ou encore «Voler sans peur», à Genève.
Fabienne Regard, qui anime le troisième, accueille des groupes de participants une fois par mois: «Nous leur apprenons une trentaine d’outils différents, dont des exercices très simples qui permettent de vivre les mouvements de l'avion autrement pour ne plus les appréhender, de moins sentir les turbulences en bougeant le corps d'une certaine façon, ainsi que des manières de mieux vivre le décollage, l'atterrissage ou les virages de l’avion», précise-t-elle. Le stage se conclut par un vol en présence d'un coach.
Ancienne phobique de l'avion, notre intervenante a constaté avec joie que la gestion de sa terreur a permis une véritable libération: «Il faut en avoir suffisamment marre de sa peur pour accepter de changer, de mettre des choses en place pour travailler sur nos appréhensions. On se rend compte, lorsqu’on utilise régulièrement les outils permettant de gérer la crainte de l’avion, que d’autres peurs de la vie s’évanouissent aussi et disparaissent l'une après l'autre, comme dans un jeu de dominos!»
S'ancrer dans le moment présent
Pour la Dre. Catalina Woldarsky, psychologue et spécialiste en psychothérapie FSP, spécialisée en thérapie centrée sur les émotions, la peur n'est utile que lorsqu'elle intervient en présence d'un danger réel, et non en réaction à un danger imaginé. Voilà pourquoi l'anxiété est souvent plus intense durant les heures précédant le vol, faussement perçue comme une grave menace qui s'approche.
«L’anxiété possède un aspect physiologique, mais elle est plutôt mentale, car on se projette dans un avenir qui n’existe pas, analyse l'experte. On s’imagine le pire, on rumine, on se fait des films horribles... Ce processus nous donne l’impression qu’on a du contrôle, que ces pensées nous protègent en nous aidant à nous préparer au pire, mais ce n’est absolument pas le cas. L’angoisse ne nous aide pas à anticiper un événement dangereux, c'est même le contraire, puisqu'on tourne en rond dans notre tête, jusqu'à perdre le contact avec le moment présent.»
Pour éviter de se perdre dans ces projections, la Dre. Woldarsky conseille de revenir au présent en se tournant vers la pleine conscience (mindfulness): «On peut prendre un pas de recul, se demander ‘Qu’est-ce que je ressens et de quoi ai-je besoin?’ Cela revient à s’observer soi-même, se dire qu’on connaît bien ce type de pensées et qu’on n’a pas envie de les laisser nous entraîner cette fois. Il est possible de s'appuyer sur différentes techniques, dont la méditation, par exemple.»
Notre intervenante recommande les méditations guidées de Christophe André, courtes et efficaces pour interrompre la chaîne des pensées catastrophiques. L'application Calm propose également un programme consacré à la peur de l'avion.
Faire des exercices de respiration
Fabienne Regard observe par ailleurs que la sophrologie est très importante pour les personnes claustrophobes, qui redoutent la crise d'angoisse à bord de l'avion.
«Quand on a peur et qu’on panique, même suite à de simples pensées, la respiration se bloque et on tend à hyperventiler, ce qui indique au cerveau qu’il y a un danger réel à proximité, confirme la Dre. Woldarsky. En réponse, afin de favoriser le processus de fuite ou de combat (fight or flight), le cerveau va ordonner la sécrétion d’adrénaline et de cortisol, qui stimulent l’agitation et entretiennent la panique. Il s’agit d’un cercle vicieux.»
On peut ainsi essayer de réguler notre état physique en respirant, pour calmer le corps: «Car lorsque le corps est calme, le cerveau suit le mouvement», affirme l'experte. De nombreux exercices sont disponibles en ligne ou via les applications telles que Respi-Relax et Headspace.
Explorer nos traumatismes passés
Pour apaiser l'anxiété, la Dre. Woldarsky évoque également l'accueil de nos autres émotions, que l'anxiété nous pousse à esquiver, sans même qu'on ne s'en rende compte: «L'angoisse peut prendre toute la place, absorber toute l'attention, en couvrant nos émotions plus profondes comme la tristesse, qu'elle ne nous permet pas de ressentir. Pour apaiser l'anxiété, on peut commencer à affronter nos émotions et accueillir ce qu'on ressent vraiment.»
En effet, on peut désamorcer une peur en explorant ce qu'elle cache et en analysant ses racines. Ainsi que l'indique notre experte, il arrive que la peur de l'avion, à l'instar du trouble anxieux, découle d'un traumatisme vécu dans le passé: «Souvent, les personnes concernées ont vécu une situation qui dépassait leurs ressources, mais qu’elles ont dû affronter toutes seules, sans accompagnement. Comme le corps est doté d’une mémoire neuronale, il se souviendra automatiquement de ce moment lors de chaque situation de stress, si bien que le cerveau reste persuadé de ne pas être capable de gérer ce type d’épreuve.»
Dans le contexte d’un voyage en avion, l’événement est donc interprété comme une menace réelle, ce qui peut réactiver le souvenir du traumatisme ancien et décupler la peur: «À terme, on peut explorer d’où vient cette peur, suggère la Dre. Woldarsky Vient-elle d’un trauma passé? D’un besoin de contrôle? Il convient ensuite d’apprendre à s’auto-réconforter, ce qui passe souvent par la compassion envers soi-même, le fait de valider ses propres ressentis plutôt que de se trouver nulle et s’autoflageller. Cela peut déjà contribuer à calmer le système nerveux.»