J’ai déjà vu des proches en crise d’endométriose. Se plier en deux. Pleurer. Vomir. Malgré ma légendaire empathie, je n’ai jamais eu envie d’être à leur place. Mais voilà, quand on est journaliste, il faut savoir se mettre en danger.
Ce 25 octobre, avec mes collègues Ellen de Meester et Pierre Ballenegger, je me suis donc rendu dans la jungle luxuriante du Rolex Learning Center à Ecublens (VD) pour tester une machine. Ou plutôt un instrument de torture capable de simuler les douleurs de règles «normales», mais aussi des personnes atteintes de cette maladie gynécologique (lire encadré ci-après) touchant 10 à 20% des femmes*, selon l’association spécialisée S-Endo.
L’endométriose concerne environ 10 à 20% des femmes et environ la moitié des personnes infertiles pourvues d’un utérus.
Il n’existe pas de chiffres concrets sur la maladie en Suisse. Mais en Allemagne, l'on estime par exemple à environ 40′000 le nombre de nouveaux cas diagnostiqués chaque année.
Chez les personnes concernées, des cellules de la muqueuse utérine, qui se développent pendant le cycle et provoquent ensuite les saignements lors des menstruations, sont également présentes en dehors de l’utérus, par exemple sur le péritoine, dans l’abdomen ou d’autres organes. Ces cellules «égarées» réagissent aux hormones du cycle tout comme les cellules de l’utérus.
Des saignements et des réactions inflammatoires se produisent aux endroits concernés, ce qui peut, notamment, provoquer de fortes douleurs et/ou des saignements abondants et prolongés. À noter que les symptômes varient pour chaque femme.
Pour les soulager, l'on peut recourir à des traitements hormonaux, à des thérapies contre la douleur ou encore à des interventions chirurgicales.
L’endométriose concerne environ 10 à 20% des femmes et environ la moitié des personnes infertiles pourvues d’un utérus.
Il n’existe pas de chiffres concrets sur la maladie en Suisse. Mais en Allemagne, l'on estime par exemple à environ 40′000 le nombre de nouveaux cas diagnostiqués chaque année.
Chez les personnes concernées, des cellules de la muqueuse utérine, qui se développent pendant le cycle et provoquent ensuite les saignements lors des menstruations, sont également présentes en dehors de l’utérus, par exemple sur le péritoine, dans l’abdomen ou d’autres organes. Ces cellules «égarées» réagissent aux hormones du cycle tout comme les cellules de l’utérus.
Des saignements et des réactions inflammatoires se produisent aux endroits concernés, ce qui peut, notamment, provoquer de fortes douleurs et/ou des saignements abondants et prolongés. À noter que les symptômes varient pour chaque femme.
Pour les soulager, l'on peut recourir à des traitements hormonaux, à des thérapies contre la douleur ou encore à des interventions chirurgicales.
Mauvais signe en entrant dans la salle de réunion où nous attend une délégation de la maison d’édition de la prestigieuse École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL Press): il faut signer une décharge. Certifier qu’on ne souffre pas de hernies discales ou inguinales, qu’on n’a pas plus de 60 ans, qu’on n’est pas épileptique et que notre cœur n’est pas soutenu par un pacemaker. Et le document met en garde contre la possibilité d’avoir des nausées et de faire un malaise vagal. J’ai déjà envie de m’évanouir. Si je n’avais pas arrêté de fumer, j’irais m’en griller une de suite.
Degré 15: premiers picotements
De prime abord, l’appareil semble tout droit sorti du télé-achat, propulsé hors du tube cathodique par la promesse de sculpter nos abdos sans bouger du canapé. Deux électrodes — froides — viennent embrasser mon bas-ventre. Ma consœur tient dans ses mains un engin maléfique déguisé en télécommande.
Il y a 100 échelons. Ellen a identifié le level 30 comme le sien à la fin de son cycle. Pour ressentir les sensations provoquées par l’endométriose, il faudra aller taper dans les 75. Mon niveau de stress est actuellement à 150.
Je me vautre dans le canapé. C’est parti. Premiers picotements au degré 15. On monte à 22: les fourmillements augmentent. Ellen me rappelle qu’à 35 je pourrai ressentir ce qu’elle vit tous les mois «quand les Anglais débarquent» chez elle. Par vague, des couteaux me traversent l’abdomen, en direction du haut.
Degré 75: les lames travaillent sur toute la longueur
A 45, ça crampe. Les lancées se font plus fortes. Insistantes. Assis, je n’ai pas vraiment mal. Je me lève. Premier gémissement et premiers pas. Sensations désagréables. Ce serait impossible de faire du sport, d’apporter un soin à un patient ou de travailler sur un toit comme si de rien n’était. Je prendrais un médicament et je demanderais tout de suite un congé menstruel, concept notamment défendu par la sociologue Aline Bœuf, autrice du livre «Briser le tabou des règles», récemment publié. Quand je me plie en deux, ça va mieux.
A 55, je peine à marcher. Je suis «un peu blanc», me fait-on remarquer. On s’habitue. A 60, ce n’est presque plus supportable. A 75, mon visage pense soudain appartenir à un rugbyman néo-zélandais: grimaces et haka maori. J’exagère à peine. Très difficile de se concentrer. Très compliqué de mettre un pied devant l’autre. Je dis souvent «aïe». Les lames travaillent sur toute la longueur, du haut des jambes au diaphragme, des deux côtés du grand droit.
Et puis, tout s’arrête. Libéré, délivré. Je sors d’une prison où les barreaux sont des pieux qui vous transpercent de l’intérieur. Mais je suis un privilégié: ma geôlière ne reviendra donc pas m’y enfermer à nouveau le mois prochain, pendant plusieurs jours — «entre quatre et sept», appuie Ellen.
C’est quoi, le SPM?
L’expérience que je viens de vivre imite bien celle que vivent les personnes atteintes d’endométriose. Mais pas totalement: la maladie n’agit pas seulement au niveau du ventre, mais aussi dans le dos, la vessie, le rectum ou ailleurs, et peut entraîner l’infertilité.
Et je n’ai pas rencontré le SPM, que connaissent la plupart des personnes menstruées, me lancent des potes après la diffusion de la vidéo réalisée à cette occasion pour notre page Instagram (voir ci-dessous). C’est quoi, le SPM? Je ne savais même pas que c’est le petit nom du syndrome prémenstruel, synonyme d’irritabilité, d’angoisse, de dépression, de léthargie, de violentes migraines, d’insomnie et/ou de fatigue extrême avant les ragnagnas.
Dans mes DMs, les remerciements et les témoignages pleuvent, et émanent aussi d’amies ayant des règles «normales». Exemple: «Cet après-midi, j’ai pleuré devant une élève qui pleurait parce qu’elle était angoissée par ses résultats décevants.» En commentaire, une follower de Blick note: «On vit et on travaille comme vous qui ne sentez rien.» Ou encore sur WhatsApp: «Heureusement qu’à la ménopause ça s’arrête, même si on prend d’autres désagréments en échange!»
Selon S-Endo, le corps médical met actuellement entre 7 et 10 ans pour diagnostiquer une endométriose. «Ce temps perdu résulte directement d’un manque d’écoute et de formation du personnel médical et provoque des conséquences parfois dramatiques et irréversibles», déplore le collectif, qui vise aussi à promouvoir la recherche scientifique, à la traîne dans ce domaine.
*«L’endométriose est souvent considérée comme une maladie féminine, écrit l’association S-Endo sur son site internet. Néanmoins, elle peut aussi affecter les hommes trans, les personnes non-binaires, agenres ou intersexes.»