L'information était tombée peu avant Noël. Le Parlement espagnol avait alors adopté un projet de loi visant la création d'un «congé menstruel» pour les personnes souffrant de règles douloureuses. Ce 8 mars, date de la Journée internationale des droits des femmes, le Parti socialiste lausannois (PS), épaulé par les Vert-e-s et Ensemble à gauche, annonce à Blick avoir déposé un postulat allant dans la même direction.
«Outre l'Espagne, plusieurs pays ont déjà légiféré, comme l'Indonésie en 2003 ou le Japon en 1947, amorce Audrey Petoud (PS), première signataire. En Suisse, la Ville de Zurich vient d'accepter un projet pilote pour un congé menstruel de un à cinq jours pour le personnel de l'administration communale souffrant de menstruations douloureuses empêchant le bon déroulement du travail, comme en cas d'endométriose, touchant 10 à 15% des personnes menstruées. L'idée est de demander à notre Municipalité de mettre en place quelque chose de similaire. Mais aussi de lancer le débat: les règles ne doivent plus être taboues.» Le postulat sera porté à l'ordre du jour du Conseil communal (législatif) le 14 mars et débattu dans les semaines suivantes.
Objectif? «Nous voulons permettre un vrai soutien de la part du monde du travail, appuie la politicienne. Cette question touche en réalité tout le monde, puisqu'elle a trait à la famille, à la parentalité. C'est une charge mentale qui doit être partagée.»
Une victimisation des femmes?
Il est cependant trop tôt pour dessiner le visage de l'hypothétique projet pilote, estime l'élue: «Si notre texte devait être accepté et que la Municipalité décidait d'aller de l'avant, ce sera à elle d'en définir les contours. Nous demandons également qu'une étude soit menée durant le projet pilote afin de repérer les écueils possibles.»
Lors des débats au Parlement zurichois, la droite, minoritaire comme à Lausanne, avait «dénoncé en vain une victimisation des femmes, une solution stigmatisante et superflue», rapportait «Le Matin Dimanche». Dans le même article, Marco Taddei, de l'Union patronale suisse, taclait une idée «inutile» alors qu'un certificat médical suffit déjà aujourd'hui.
«Parler de victimisation des femmes et des minorités de genre dans ce contexte est aberrant, rétorque Audrey Petoud. Elles sont avant tout victimes de violences sexistes et sexuelles au quotidien!» Et puis, à ses yeux, devoir présenter un certificat médical à sa hiérarchie directe peut être un véritable obstacle, et une source de souffrance supplémentaire: «Je pense qu'il faudrait trouver une solution pour rendre le processus le moins désagréable possible pour les personnes concernées.»
Efficace, mais pas suffisant, selon une sociologue
La situation actuelle est problématique, soulignait aussi Aline Bœuf, sociologue à l'Université de Genève, dans l'hebdomadaire dominical. Par exemple, les absences courtes et régulières sont parfois reprochées aux collaboratrices, alertait cette autrice d'une étude sur l'expérience du cycle menstruel dans le monde du travail.
Dans le cadre de cette enquête, des participantes avaient d'ailleurs exprimé des craintes par rapport au congé menstruel. Pourrait-il faire augmenter les discriminations à l'embauche? Au boulot? Quid des relations avec les collègues?
«Il serait faux de ne pas tenter de faire évoluer le système sous prétexte qu'il pourrait y avoir des biais négatifs», note Audrey Petoud. Et les discriminations doivent être combattues à travers la loi sur l'égalité, argumente-t-elle encore.
Quoi qu'il en soit, pour Aline Bœuf, toujours citée par le titre de Tamedia, l'introduction d'une telle dispense pourrait être efficace, mais pas suffisante pour autant. Selon elle, il faudrait l'accompagner d'autres mesures: prévoir des salles de repos, mettre à disposition des protections hygiéniques gratuitement ou encore élargir les possibilités de télétravailler. Audrey Petoud ne la contredit pas: «Si d'autres besoins surgissent, nous pourrons les identifier grâce à l'étude qui sera menée et trouver des solutions.»