Cette maman de 35 ans a reçu une greffe au CHUV
«Je pense très souvent à la personne qui m’a donné son cœur»

Après avoir subi un infarctus ce printemps, Erna Blinova, 35 ans, se remet désormais d’une greffe de cœur réalisée au sein du CHUV. Elle nous raconte la suite de cette épreuve qu’elle traverse, comme à son habitude, avec un courage et un optimisme époustouflants.
Publié: 15.08.2024 à 16:55 heures
En mai, nous vous partagions l'histoire bouleversante d'Erna Blinova, Maman de 35 ans installée dans le canton de Vaud, qui a survécu à un infarctus. Aujourd'hui, suite à sa greffe du cœur, elle en est à la dernière grande étape qui la mènera vers la guérison.
Photo: DR
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Ellen De MeesterJournaliste Blick

«Regardez-moi ce sourire! s’exclame Alain, l’époux d’Erna, par téléphone. Et vous avez remarqué la cicatrice?» Je regarde à nouveau les photos reçues la veille par WhatsApp et desquelles je n’avais retenu que le sourire éblouissant de la jeune femme. Installée dans son lit d’hôpital après l’opération qui lui a offert une seconde chance, elle est rayonnante. J’avoue que non, je n’avais même pas vu la cicatrice. Comment se focaliser sur autre chose que la lumière que dégage Erna, même après avoir échappé au pire, même intubée de tous les côtés, même après avoir été dépêchée au CHUV pour recevoir son nouveau cœur? Impossible. 

Sans doute vous souvenez-vous d’elle, Erna Blinova, jeune Maman de 35 ans d’origine russe et domiciliée dans le canton de Vaud, dont nous partagions l’histoire au mois de mai. Alors que son univers avait violemment basculé suite à un infarctus, elle avait émergé de ce cauchemar pour attraper la vie par la manche, comme pour lui dire: «Attends un peu, je n’en ai pas encore fini, je reste!» Et elle est restée. 

Dotée d’une résilience et d’un optimisme exceptionnels, Erna avait quitté le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) avec son assistance cardiaque LVAD sous le bras. Après trois semaines passées au centre de réadaptation cardiovasculaire de la Lignière (VD), elle avait repris le chemin de la maison, où l’attendaient ses deux enfants, Arthur, 7 ans, et Piotr, 4 ans, ainsi que son mari, le navigateur français Alain Thébault. Elle savait toutefois qu’il lui restait une étape cruciale à vivre, avant de laisser tout cela derrière elle: la greffe de son nouveau cœur, qui - elle en a toujours été persuadée - viendrait «au bon moment». Ce moment est arrivé il y a peu. 

«Je me demandais si on allait m’appeler pendant la nuit»

Comme la jeune femme est fragilisée par les traitements immunosuppresseurs destinés à empêcher le rejet d’organe, nous avons discuté par téléphone, cette fois-ci. Elle doit encore rester un peu isolée. Je reconnais immédiatement sa voix, la chaleur et la force qu’elle dégage. Erna a accepté de témoigner, afin d’honorer les médecins qui l’ont sauvée et d’apporter du soutien aux personnes qui se reconnaîtront dans son récit. 

Nous commençons par retracer les jours ayant précédé l’opération: «Une infirmière venait régulièrement pour changer mon pansement, se souvient la jeune femme. Je vivais dans le présent, un jour à la fois, mais je me demandais quand même à quel moment le cœur arriverait. On m’avait recommandé de toujours laisser mon téléphone allumé et, chaque soir, au moment de me coucher, je me demandais si j’allais recevoir l’appel pendant la nuit.» Quand celui-ci est arrivé, Erna et son mari se sont précipités au CHUV. 

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«J’ai gardé mon calme, je ne voulais pas trop réfléchir, car il y a toujours un risque que la procédure ne puisse pas avoir lieu, au dernier moment.»
Erna Blinova
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Alain Thébault, le mari d'Erna, sait toujours la faire rire et lui changer les idées, même dans les moments les plus difficiles.
Photo: DR

«J’ai gardé mon calme, je ne voulais pas trop réfléchir, car il y a toujours un risque que la procédure ne puisse pas avoir lieu, au dernier moment. Les scénarios catastrophe ont émergé dans mon esprit, mais je ne voulais pas me focaliser dessus. On avait préparé les enfants à l’éventualité que je doive me rendre très soudainement à l’hôpital, on les a rassurés. Mais au fond de moi, je n’ai pas pu m’empêcher de me demander si je les serrais dans mes bras pour la dernière fois.» 

Erna souligne toutefois l’humour irréductible de son époux, qui plaisantait durant le trajet, réussissant le tour de force de lui changer les idées: «On parlait de ce qu’on avait laissé dans le frigo et de ce qu’on avait pu oublier avant de partir, comme lors d’un départ en vacances.» 

«Je savais que j’étais entre de bonnes mains»

Une fois sur place, les événements s’enchaînent à une vitesse folle. Erna se remémore les différents contrôles, les prélèvements, l’entrée au bloc opératoire et le moment de recevoir l’anesthésie générale: «J’avais un peu peur, mais j’ai reconnu des visages familiers, souriants autour de moi. Je savais que j’étais entre de bonnes mains avec cette équipe. C’était vraiment très rapide: je me suis endormie et, ce qui m’a semblé être un instant plus tard, je me suis réveillée.» 

Entre temps, les chirurgiens ont pris soin de prélever l’appareil LVAD, implanté dans le muscle avec une batterie extérieure, et qui avait soulagé le travail cardiaque durant tous ces mois. Le cœur d’Erna est également extrait par avance, en attendant que le nouvel organe soit prêt. En l’espace de quelques heures, la greffe avait eu lieu. C’était fait. «Quand je me suis réveillée, l’infirmière m’a fait comprendre que plusieurs jours s’étaient écoulés, ce qui m’a beaucoup perturbée. J’étais encore un peu dans le brouillard, je devais reconstruire mes repères temporels, et j’avais peur de ne pas réussir à respirer. Mais quand les médecins sont arrivés pour m’annoncer que tout s’était bien passé, je me suis sentie soulagée.» 

Une fois de plus, c’est le Professeur Jean-Daniel Chiche, chef du Service de médecine intensive adulte du CHUV, qui apparaît comme un roc solide en pleine tempête pour Erna. «Il joue un rôle significatif pour moi, partage-t-elle. Il est venu me voir après la chirurgie et il y a vraiment quelque chose en lui, ne serait-ce que dans son regard, qui me donne de l’espoir, qui me convainc que tout ira bien.» 

En raison des immunosuppresseurs destinés à éviter le rejet d'organe, Erna est encore fragile et doit rester un peu isolée. Mais elle reste focalisée sur le positif et se sent de mieux en mieux.
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«Je vais pouvoir voir grandir mes enfants»

La suite s’apparente à un déferlement inimaginable d’émotions. Erna décrit ainsi la gratitude de revoir sa famille, de pouvoir respirer, manger et boire par elle-même: «Je suis encore très fatiguée, mais je suis presque en forme», sourit-elle. Les nuits sont plus difficiles, lorsqu’elle se retrouve seule face à l’enchevêtrement de pensées qui se télescopent dans son esprit: «Je me dis que c’est mon expérience, mon chemin et que je dois passer par toutes les étapes. Je peux sourire, je sais que les enfants vont bien et que je suis en vie.» 

Or, la pensée qui lui procure une émotion indicible, c’est l’idée de la personne qui lui a donné son cœur. Elle ne saura jamais de qui il s’agit, mais elle lui est infiniment reconnaissante: «Je pense beaucoup à cette personne, qui m'a donné le plus précieux et le plus important des cadeaux. Je vais pouvoir vivre pour mes enfants, les voir grandir... Sans cette personne, cela n’aura pas été possible.»

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«Toute ma force me vient de ma famille, je me bats pour eux, pour un jour pouvoir rencontrer mes petits-enfants.»
Erna Blinova
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«Je crois en la force de la pensée»

Ainsi Erna démarre-t-elle sa convalescence, en se concentrant sur le positif, sur les visites de ses proches ou les membres du personnel soignant qui la connaissent bien désormais et viennent souvent la saluer. Ainsi que le souligne son mari avec humour, elle est devenue «une rockstar du CHUV», avec son grand sourire et son courage. «Je suis consciente des risques, je suis très surveillée et devrai encore faire de nombreux contrôles, mais je sais que l’équipe médicale m’a sauvé la vie, ajoute Erna. Et toute ma force me vient de ma famille, je me bats pour eux, pour un jour pouvoir rencontrer mes petits-enfants.» 

Avant de rentrer chez elle, Erna retrouvera le centre de réadaptation cardiovasculaire vaudois qui l’avait déjà accueillie ce printemps. Elle était alors la seule patiente dotée d’un appareil LVAD et l’une des plus jeunes pensionnaires de la clinique. Son deuxième séjour s’avèrera un peu différent: cette fois, il s’agira vraiment du bout du tunnel. «Je suis très contente de pouvoir toucher mon ventre sans sentir le tuyau qui sortait de mon abdomen, lorsque je portais LVAD. Mon cœur bat très fort. J’essaie d’entrer en connexion avec lui, de lui parler, de lui dire que je vais prendre soin de lui et de mon corps. Je crois beaucoup à la force de la pensée. Je me suis toujours dit que le destin déciderait que ce serait le bon cœur pour moi. On peut appeler ça ce qu’on veut, mais je crois qu’il y a une force qui a simplement décrété ‘voilà, celui-ci sera pour toi’.»

Pour le moment, la jeune femme prend le rythme, vivant heure par heure, jour par jour. Il lui reste évidemment beaucoup d’émotions à digérer, cela demandera du temps. Mais la nuit, lorsqu’elle essaie de calmer le flux de ses pensées en respirant au rythme des vagues qu’elle visualise dans son esprit, elle aime rêver de l’avenir: «Je me réjouis d’aller au bord de la mer et de pouvoir me baigner. Avec LVAD, je ne pouvais pas m’immerger, juste me tremper un peu. Mais quand je nagerai dans cette eau, dans ces vagues et que je ne sentirai aucune douleur, là je pourrai me le dire: je suis guérie.» 

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