Lorie Pester raconte son endométriose
«Quand ma maladie a été révélée au grand public, je n’étais pas prête»

Dans son ouvrage «Revivre», la chanteuse et comédienne Lorie Pester, 42 ans, raconte les douleurs de l'endométriose et évoque la décision la plus difficile de sa vie: le recours à une ablation de son utérus. Elle sera en dédicace à Lausanne le 8 juin.
Publié: 08.06.2024 à 10:02 heures
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Dernière mise à jour: 08.06.2024 à 10:05 heures
Lorie Pester sera en dédicace à la Fnac de Lausanne le samedi 8 juin dès 14h.
Photo: Robert Laffont
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Ellen De MeesterJournaliste Blick

Lorie Pester m'appelle en début d'après-midi; elle est pile à l'heure. La voix énergique et enjouée, elle s'excuse d'être «un peu speed» en ce moment: elle est en pleine tournée promotionnelle de «Revivre», son nouvel ouvrage paru fin mars aux éditions Robert Laffont. Nous ne disposons que d'une dizaine de minutes pour en discuter. Il y a pourtant tellement de choses à dire, tellement de questions à poser concernant ce récit...

Je lui confie que j'ai lu le livre quasiment d'une traite. Comment faire autrement? On y plonge comme dans un journal intime, écrit avec une franchise désarçonnante. Sans euphémismes et sans le moindre détour, Lorie Pester y raconte son expérience de l'endométriose, une maladie utérine longtemps incomprise qui touche une femme sur dix. Au fil des pages, sa plume limpide nous entraîne tour à tour dans le cabinet de son médecin, dans sa lutte quotidienne contre des douleurs intenables, puis dans la salle d'opération. 

La chanteuse et comédienne y raconte vingt ans de souffrance, de doutes, d'incompréhension et d'angoisse. Vingt ans de soirées passées pliée en deux dans le canapé, une bouillotte sur le ventre, épuisée d'avoir serré les dents toute la journée. Vingt ans d'opportunités professionnelles manquées ou gâchées par «Endy», ainsi qu'elle surnomme la maladie. En 2021, Lorie prend «la décision la plus difficile de sa vie» et accepte d'avoir recours à une hystérectomie, une chirurgie visant à retirer l'utérus pour apaiser la souffrance et améliorer la qualité de vie. 

Trois ans plus tard, elle couche cette expérience sur le papier et pousse un soupir de soulagement: «L'écriture du livre a constitué une expérience positive, car il y a un happy end à la fin, me confie-t-elle. L’issue est joyeuse, j’ai ma fille et je n’ai plus mal. Mais c’est vrai qu’avec le recul, en revisitant tout ce parcours au travers de l’écriture, c’est impressionnant de me dire que j’ai traversé tout ça.» 

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«J'ai retrouvé une vie sans douleurs»

Maman d'une petite Nina, l'artiste de 42 ans partage la terreur initiale que suscitait l'idée de cette opération: «Pourquoi le mot utérus me fait peur à ce point? se demande-t-elle dans l'ouvrage. Pourquoi ne plus avoir d'utérus me terrifie tant?» 

D'abord focalisée sur tout ce qu'elle ne pourra plus faire sans son utérus, Lorie découvre petit à petit que sa décision lui a ouvert d'autres portes, dont elle avait presque oublié l'existence: «Cette réalisation s’est faite au fil du temps, semaine après semaine, mois après mois, lorsque j’ai retrouvé une vie sans douleurs, explique-t-elle. Il a fallu que je réapprenne à vivre sans douleurs, car je m’étais habituée à ces souffrances quotidiennes. Instinctivement, je m’empêchais de faire certaines choses, puisque j’anticipais de façon automatique la douleur qu'elles me procureraient. Après l’opération, j’ai progressivement essayé de porter à nouveau des charges lourdes et me rendais compte que cela ne m’était plus insupportable. J’ai redécouvert une nouvelle vie.»

Lorie décrit les mois qui ont suivi sa chirurgie comme la découverte d'une «nouvelle vie», qui lui a rendu la possibilité de se sentir bien dans son corps, de faire du sport, de jouer avec sa fille, de vivre des rapports sexuels sans douleurs et même de rester simplement assise dans la même position sans se tordre de souffrance. 

«Je recommence à 'sautiller' comme avant»

Or, jusqu'à cette libération inespérée, le chemin a été long. D'un premier rendez-vous médical à 24 ans aux premières opérations, elle a rencontré de nombreux professionnels de la santé pas toujours compréhensifs. Dans un passage marquant du livre, Lorie Pester évoque notamment une rencontre désagréable vécue dans le bureau d'un radiologue, dont elle garde un souvenir amer: «Il ne m’écoutait pas, me prenait de haut et me parlait mal, déplore-t-elle. Il y a encore tant de médecins pas assez informés quant à cette maladie. En France, le chapitre concernant l’endométriose a été intégré à la formation des professionnels de la santé il y a seulement quelques années. Il y a encore toute une génération de médecins pas assez formés à cela.»

Heureusement, Lorie finit par rencontrer son chirurgien, le professeur Horace Roman, qui a rédigé la préface du livre. Après l'hystérectomie, elle explique lui avoir téléphoné pour le remercier de lui avoir permis de retrouver sa vie: «Je me sens moins fatiguée, plus légère, je recommence à 'sautiller' comme avant, lui dit-elle, dans l'ouvrage. Je sais que je vous ai bien embêté à vous appeler souvent parce que j'étais inquiète avant l'opération. Mais j'ai bien fait de vous écouter.»

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«Ce n'est pas normal d'avoir mal pendant ses règles»

Hélas, l'endométriose est encore entourée de préjugés et de questionnements. Durant des années, se sentant obligée de cacher sa douleur à une grande partie de son entourage, Lorie masque son mal-être et se démène pour continuer à travailler, au point de perdre connaissance sur un tournage. Elle révèle avoir dû renoncer à des rôles à plusieurs reprises, car la douleur lui volait son énergie habituelle pendant ses entretiens. À cette époque, personne ne savait ce qu'elle traversait. D'ailleurs, on ne parlait pas encore beaucoup de cette maladie, qui commence aujourd'hui à être plus médiatisée. 

«On dit encore que toutes les femmes ayant de l’endométriose ne pourront pas avoir d’enfants, mais ce n’est pas vrai, souligne Lorie. On dit que toutes les femmes souffrant d’une adénomyose [une forme de l'endométriose interne à l'utérus, ndlr] devront subir une hystérectomie, mais ce n’est pas vrai. Et non, ce n’est pas normal d’avoir mal pendant ses règles!» D'ailleurs, tout au long du livre, Lorie donne des précisions et définitions médicales, afin d'éclairer le sujet et d'informer son lectorat. 

«Je n'étais pas prête à ce que le monde le sache»

Comment vit-on ce type d'épreuve lorsqu'on est connue? Voilà un quart de siècle que Lorie Pester est devenue célèbre, du temps qu'elle entonnait les mythiques «Ma meilleure amie» ou «À vingt ans». Dans l'ouvrage, elle raconte que ses médecins lui proposaient de s'installer toute seule dans une pièce fermée, plutôt que dans la salle d'attente, afin d'éviter qu'elle soit reconnue et abordée au milieu de la clinique. 

Elle évoque en outre le jour où sa maladie a été révélée au grand jour sans son accord: en sortant de l'hôpital, Lorie a été photographiée en compagnie de sa Maman, qui l'aidait à marcher jusqu'à la voiture. En l'espace d'un instant, le monde savait ce qu'elle vivait. «J’ai très mal vécu ce moment, partage-t-elle. J’étais très en colère en voyant ces photos. Car c’était tout nouveau pour moi, cette maladie! J’avais besoin de temps pour l’appréhender, digérer ces informations, savoir ce qui allait se passer pour moi, si j’allais avoir d’autres opérations. Et là, quand cela a été annoncé au grand public d’un coup, je n’étais absolument pas prête. Je n’ai pas pu communiquer les choses à ma façon, à mon rythme.»

Mais c'est désormais chose faite: avec «Revivre», Lorie tient le micro et raconte son histoire de son point de vue, à sa façon, au moment qu'elle a jugé être le bon: «Je voudrais qu’en refermant le livre, les lectrices aient un sentiment d’espoir. Qu’elles sachent qu’elles ne sont pas seules, que des femmes concernées par l'endométriose ont pu avoir des enfants, qu’il y a quand même des solutions et des possibilités.» Car si Lorie détaille les recoins les plus obscurs de ce long tunnel, on retient surtout la lumière qui l'attendait au bout. 

Lorie Pester sera en dédicace à la Fnac de Lausanne le samedi 8 juin à 14h.  

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